l'inconscient
Publié le 06/03/2023
Extrait du document
«
Répondons à la question que nous nous posions dans l’introduction : avec la
conscience, nous sommes bien en présence d’une manière d’exister propre à l’être humain.
Mais cette manière d’exister ne désigne pas essentiellement un rapport intime à soi.
Nous
avons tenté de montrer que c’est même le contraire : être un être conscient, c’est
fondamentalement avoir affaire à de l’autre que soi; c’est là un des sens de l’intentionalité.
Nous allons prolonger ce résultat dans deux directions : qu’en est-il de la relation entre
conscience et inconscient- l’inconscient est-il une manifestation de l’altérité pour la
conscience?
Prenons d’emblée un exemple.
Si je dis : « je suis
conscient », cette proposition a un sens au moment où je
la prononce ( je peux la justifier : je suis conscient puisque
je sais ce que je fais; je lève mon bras et je sais que je lève
mon
bras,
etc).
Mais
pouvez-vous
dire :
« je
suis
inconscient »? A première vue, cela semble contradictoire,
car si vous êtes conscients d’être incosncients, vous
n’êtes pas inconscients; et si vous êtes inconscients, vous
n’êtes pas conscients de l’être.
Dès lors, quel statut peuton faire à l’inconscient dans le sujet humain?
Le contexte de la psychanalyse et l’hypothèse de
l’inconscient :
A) Le point de départ thérapeutique de la psychanalyse
freudienne :
Freud ( 1856-1939) n’est pas philosophe de formation; il est médecin.
Sa famille
émigre à Vienne en Autriche en 1860; origine tchèque.
Diplôme de médecin en 1881; entre à
l’hôpital de Vienne.
Il s’est intéressé au système nerveux central, c’està-dire au cerveau.
Breuer, médecin dans cet hôpital, tente de soigner bertha Pappenheim, alias Anna O.,
atteinte d’hystérie.
Il utilise l’hypnose et c’est d’abord cette méthode qui intéresse Freud.
Tout d’abord, caractérisons un peu l’hystérie : c’est maladie qui se manifeste par un
désordre corporel sans présenter un support organique; c’est à dire qu’on ne peut pas déceler
de causes organiques; mais il y a des manifestations organiques.
Ces manifestations peuvent
être les plus bénignes ( par exemple, des crises de toux inexpliquées jusqu’aux plus graves,
par exemple de soudaines paralysies ou tétanies).
A l’époque de Freud, on considère que les
hystéries sont soit une forme de possession diabolique, soit une forme de simulation, soit une
variante de maladies neurologiques ( autrement dit, on devrait pouvoir en trouver les causes
dans le système nerveux central).
L’hypothèse thérapeutique de Freud est que ces maladies
ont des causes non pas organiques, mais psychiques.
En 1885, Freud se rend à l’hôpital de la Salpêtrière où exerce le docteur Charcot qui
pratique l’hypnose.
Simplement, Charcot rangeait l’hystérie parmi les maladies qui ont des
causes organiques.
Grâce à l’hypnose, Freud apprend à provoquer des symptômes
hystériques, mais aussi à les supprimer.
Son idée sera donc la suivante : l’hystérie est
l’expression corporelle d’un conflit psychique.
C’est une maladie qui a non pas des causes
corporelles, mais des causes psychiques.
Anna O.
était une jeune fille de la bonne bourgeoisie viennoise.
Elle soignait son père
et au moment où elle s’occupait de lui, elle se trouva atteinte d’un certain nombre de
symptômes : strabisme, macroscopie, contracture des membres (parfois côté droit, parfois
côté gauche), relâchement des muscles du cou, spasmes, hydrophobie (alors qu’elle meurt de
soif), dégoût pour toute nourriture, ne parle ni ne comprend sa langue maternelle.
Diagnostic :
hystérie.
Freud raconte ceci en détails dans la première des Cinq leçons sur la psychanalyse.
En octobre 1886, Freud fait une communication devant la Société des Médecins de
Vienne; c’est un fiasco : en particulier, on n’accepte pas l’utilisation de l’hypnose pour traiter
des maladies psychiques.
L’hypnose n’est qu’une technique que Freud abandonnera plus tard
au profit des associations libres.
B) Le contexte théorique :
Appui : La métapsychologie.
Freud.
Idée générale : faire droit à l’existence de
représentations inconscientes.
Pour que la psychanalyse, à la fois comme méthode thérapeutique et comme théorie
d’ensemble du psychisme puisse voir le jour, il a d’abord fallu que soient surmontés un
certain nombre d’obstacle théorique.
Parmi ces obstacles théoriques, il y a l’affirmation selon laquelle toutes les
représentations, tous les contenus mentaux sont des contenus conscients.
Freud donnera la définition suivante d’une représentation inconsciente : « une
représentation incosnciente est une représentation que nous ne percevons pas mais dont nous
sommes prêts à admettre l’existence à partir d’autres preuves ou d’autres signes.
» (
Métapsychologie, p 177).
C) L’hypothèse de l’inconscient :
Cette hypothèse, Freud la présente et la défend dans les pages 66-7 de sa
Métapsychologie ( 1915).
a)Lignes 1 à 4 : La polémique.
« On nous conteste...l’existence de l’inconscient.
»
b)Lignes 4 à 13 : L’hypothèse de l’inconscient est nécessaire.
c)Lignes 13 à 23 : L’hypothèse de l’inconscient est légitime.
a) Ce texte s’inscrit dans une polémique.
D’un côté, il y a les tenants de l’assimilation
de ce qui est psychique à ce qui est conscient; de l’autre, il y a Freud : il est possible qu’il y ait
une dimension du psychique qui soit inconsciente.
Freud défend la scientificité de son hypothèse.
Dire qu’une hypothèse est nécessaire, c’est dire qu’il faut la faire pour obtenir un
certain résultat : c’est donc une étape d’une méthode.
Ce résultat, c’est la compréhension de
notre esprit et la guérison de certain malade.
Dire qu’une hypothèse est légitime, c’est dire
que nous avons le droit de la faire.
Il s’agit alors de réfléchir sur ce qui nous donne le droit.
De quoi nous autorisons-nous pour faire une telle hypothèse?
b) Hypothèse nécessaire :
De quoi sommes-nous conscients?
Freud distingue deux sortes d’actes psychiques : 1) actes psychiques qui apparaissent à
la conscience, actes dont je me rends compte, sans que je puisse les expliquer par le seul
recours à la conscience.
Ce sont des actes à expliquer.
Ex : actes manqués, rêves, manies, idées fixes, phobies, etc.
2) actes psychiques explicatifs : ils
concourent à l’élaboration des premiers sans qu’ils soient conscients.
D’où un premier malentendu à dissiper : il ne faut pas dire « le rêve est inconscient »;
il faut dire : « je sais que j’ai rêvé, mais la raison m’en est inconnue; je ne peux pas expliquer
consciemment ce résultat psychique.
» L’hypothèse de l’inconscient est l’hypohèse d’une
activité qui expliquerait ces actes.
Freud estompe par ailleurs la différence entre le malade ou le pathologique et l’homme
sain ou le normal.
L’enjeu de l’hypothèse de l’inconscient est donc le suivant :
a) ou bien nous persistons dans la croyance : tout ce qui est psychique est perceptible par la
conscience.
Cette croyance affirme que rien n’échappe au pouvoir de la conscience.
Si
quelque chose échappe à ce pouvoir, ce ne peut être que momentané : soit défaut d’attention,
soit défaut de volonté.
Dans ce cas, certains faits psychiques demeurent inexplicables : nous pouvons bien
constater de plus en plus de faits sans pour autant les expliquer.
b) ou bien nous rattachons les actes psychiques inexplicables par la seule conscience à
d’autres actes psychiques inconscients.
Dans ce cas, les premiers actes deviennent compréhensibles : ils ont une raison d’être
et un sens.
Dès lors, il faut distinguer la surface et le fond; l’apparent et le caché; etc.
A la
surface, il y a un certain nombre d’actes inexplicables à leur niveau : on ne peut les expliquer
si l’on s’en tient aux informations que nous donne notre conscience.
Dans le fond, il y a
d’autres actes inconscients qui expliquent les premiers pourvu qu’on les y rattache.
Aux yeux
de Freud, il s’agit donc d’expliquer une expérience immédiate à partir de ce qui n’est pas une
telle expérience.
On peut donc dire que pour Freud, comprendre ces actes consiste à voir leur
raison, à saisir leur rationalité à partir d’un plan différent de celui où ils se situent.
Il y a un deuxième argument qui rend légitime l’hypothèse de l’inconscient : la cure
analytique est fondée sur cette hypothèse; elle réussit; donc, l’inconscient n’est pas absurde.
Faisons un bilan sur ce texte :
La notion d’inconscient a une fonction explicative.
Il faut abandonner
certaines connotations selon l’inconscient relèverait du mystère.
En
1915 tout au moins- mais on verra que Freud évolue- l’inconscient est
une notion qui a une fonction précise dans la théorie freudienne du
psychisme : fonction explicative.
Elle a aussi une fonction pratique
dans la cure analytique.
Autrement dit, grâce à l’inconscient, nous
rectifions certains jugements concernant le rationnel et l’irrationnel : ce
qui apparaît d’abord, immédiatement, absurde et insensé est en réalité
pourvu de sens.
Ce texte fait ensuite état d’un double point de vue sur la psychanalyse :
méthode de connaissance de l’ensemble du psychisme humain;
méthode de guérison de certaines maladies par représentation.
Ces
maladies, ce sont les névroses (hystéries, obsessions, phobies).
Rêve et interprétation : vers la connaissance de
l’inconscient.
Dans les Cinq leçons..., Freud écrit : « L’interprétation des rêves est (...) la voie royale
de la connaissance de l’inconscient (...) ».
Dans ce propos, il y a trois choses importantes : a)
interprétation; b) connaissance; c) inconscient.
a)....
»
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