l'imagination est-elle la cause de notre malheur ?
Publié le 26/11/2005
Extrait du document
«
catharsis de la remémoration).Le temps de la subjectivité n'est pas seulement ce qui est à l'oeuvre dans la vie affective.
Il est aussi, pourl'homme, comme sens interne, ce qui permet de lier les images.
L'association de deux mouvements (une boule debillard A en heurte une autre B) peut être débordée par une anticipation de l'imagination, sous la forme d'uneinférence causale.
Je n'imagine que le Soleil se lèvera demain que parce que je l'ai vu se lever chaque jour.
Ici enjeu dans l'appréhension de l'expérience, l'imagination ne peut s'égaler à la pensée dès lors que celle-ci se développelibrement, hors des limites de l'expérience visuelle.
Je peux définir un chiliogone (polygone à mille côtés) mais je nepeux à proprement parler l'imaginer.
(Pour approfondissement, voir aussi le point de vue kantien dans La Religiondans les limites de la simple raison, Kant, Éd.
Vrin, p.
102, II, paragraphe 1, b, note, et Critique de la raison pure : «La faculté qui relie les éléments divers de l'intuition sensible est l'imagination, laquelle dépend de l'entendement pourl'unité de sa synthèse intellectuelle, et de la sensibilité pour la diversité des éléments de l'appréhension.
»)L'imagination, puissance trompeuseOn peut comprendre, dès lors, que la tradition philosophique donne un statut assez ambigu à l'imagination.
Celle-ci,souvent rattachée à la perception, a longtemps été pensée comme une entrave à la connaissance authentique.Ainsi Pascal disait-il de l'imagination : « C'est cette partie décevante de l'homme, cette maîtresse d'erreur et defausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours...
» En tout cas, son statut psychique, envisagé à lafois dans l'approche de la vie affective et dans la réflexion sur le rapport perceptif, demande à être défini dans soncaractère spécifique.
Toute perception est en un sens imagination (faculté de produire des images) et l'on a puparler de « connaissance imaginative », rattachant les « modes d'imaginer » de l'homme à son acceptation naïve del'apparence, doublée d'une projection anthropomorphique inaperçue (cf Spinoza).À ce niveau, la production d'un imaginaire apparaît bien comme l'investissement d'une vie affective antérieure à laperception du présent ; cet investissement s'opère de façon quasi « naturelle » dans le rapport immédiat àl'apparence (pas de problématisation des données empiriques).
La connaissance objective, elle, exige une rupture.L'imaginaire – et la formation qui lui correspond – ne se réduit donc pas à la perception ; il est faux de dire qu'il enpart.
Dans le champ des relations sociales, là où le souci de paraître mais aussi le désir de reconnaissance règnent,l'imagination joue un rôle déterminant.
Pascal se plaît à souligner ce rôle, repérable dans le sens de la hiérarchiecomme dans les mimétismes fébriles qui poussent les hommes à cultiver leur image, mais aussi à valoriser les biensqui les rassurent en ce qui concerne celle-ci.
Cette quête de valorisation tend à fausser les choses, au point del'emporter sur la raison.
Dans la soumission aux autorités, la symbolique de la puissance, le cérémonial de mise enscène des pouvoirs, jouent sur les ressorts de cette imagination.On soulignera la force du texte de Pascal concernant les dangers de la « faculté imaginante », propre à suscitersoumission voire vénération.
De fait l'imaginaire traditionnel des pouvoirs de domination ne manque pas d'en user etd'en abuser.
Éclairage comparatif
On pourra réfléchir sur le texte qui suit, également tiré des Pensées de Pascal (même édition, n°147) : « n°147.
–Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être : nous voulons vivre dansl'idée des autres d'une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître.
».
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