L'imagination est-elle ennemie de la raison ? ?
Publié le 05/09/2004
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Pascal condamne sévèrement l'imagination, « cette partie décevante [c'est-à-dire trompeuse] dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté (...). Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature «. Faut-il se rallier à cette opinion et voir dans l'imagination l'ennemie de la raison ?
• Qu'est-ce qui peut amener à opposer l'imagination et la raison ? — Opposition image-concept ? — Opposition des « types de raisonnements « (l'imagination se fonde-t-elle uniquement sur l' « analogie «?) • Réfléchir sur les différentes appréhensions que l'on peut avoir et de « l'imagination « et de « la raison «. • Cette opposition de l'imagination et de la raison repose-t-elle sur une certaine façon d'appréhender le psychisme humain ? (Par exemple, en particulier sur une théorie des « facultés «). • Ne peut-on concevoir d'autres contraires de la raison ? (Ne pas méconnaître, en effet, que le sujet n'est pas : L'imagination est-elle contraire à la raison, mais L'imagination est-elle le contraire de la raison ?) • S'intéresser aux travaux de Bachelard. Ne pourrait-on dire que, pour lui, l'opposition est entre une raison et une imagination communes qui ont partie liée dans l'appréhension empirique du monde, dans leur fonction pragmatique et une raison et une imagination psychanalysées et rythmalisées qui s'accorderaient dans une claire séparation des tâches ?
- I. — DE QUELLE IMAGINATION PEUT-IL S'AGIR ?
- II. — LA FACULTÉ D'IMAGINER EST-ELLE ENNEMIE DE LA RAISON ?
«
l'imagination ne saurait être tenue pour ennemie de la raison.
Elle n'établit pas les rapports susceptibles de heurterle bon sens et de violer les règles fondamentales de la logique.
Elle n'affirme rien comme réel.
Il arrive seulement queses constructions ont tant de vie que le réel en est parfois oublié.
Mais dans ce cas commence à intervenir uneforme supérieure de cette faculté, la seule que, en dehors du vocabulaire des psychologues, évoque le mot «imagination ».B.
En effet, il est plus juste de définir l'imagination : la faculté d'imaginer.Imaginer ne consiste pas simplement à former des images : je n'imagine pas une bagarre dont je fus témoin hier, jela revois ; sur le quai de la gare, je n'imagine pas le train s'immobilisant sous le hall, je le vois d'avance.Qui imagine construit par la pensée quelque chose qui n'existe pas ; cette imagination est créatrice ou, plusprécisément, inventive.Dans cette invention interviennent sans doute des images, mais elle ne se réduit pas à une combinaison d'images.Elle comporte aussi le recours à tout un savoir comportant notions générales, termes abstraits, symbolesconventionnels, etc.
Le philosophe qui disserte et même le mathématicien qui cherche la solution d'un problèmeimaginent comme l'architecte ou le peintre, quoique d'une manière un peu différente.
Aussi, bien qu'il soit classiqued'opposer concept et image, « imaginer » est souvent synonyme de « concevoir », c'est pour cela encore que nousavons pu dire : « Qui imagine construit par la pensée ».C'est de l'imagination inventrice, forme particulière de la pensée, que l'on peut se demander si elle n'est pasl'ennemie de la raison.
II.
— LA FACULTÉ D'IMAGINER EST-ELLE ENNEMIE DE LA RAISON ?
A.
La prédominance de la fonction imaginative aboutit souvent à une pensée irrationnelle ou déraisonnable.
Nous lesavons par expérience.On pourrait citer ici l'observation que Pascal emprunte à Montaigne : « Le plus grand philosophe du monde, sur uneplanche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, sonimagination prévaudra » (PASCAL).
« Cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en touteschoses a établi en l'homme une seconde nature.
Elle a ses heureux, sesmalheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres.
Elle faitcroire, douter, nier la raison Elle suspend les sens, elle les fait sentir.Elle a ses fous et ses sages.
Et rien ne nous dépite davantage que devoir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction autrement pleine etentière que la raison.
Qui dispense la réputation, qui donne le respectet la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands,sinon cette faculté imaginante.
Toutes les richesses de la terre sontinsuffisantes sans son consentement.
Ne diriez-vous pas que cemagistrat dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout unpeuple se gouverne par une raison pure et sublime, et qu'il juge deschoses par leur nature sans s'arrêter à ces vaines circonstances qui nefrappent que l'imagination des faibles.
Voyez-le entrer dans un sermon,où il apporte un zèle tout dévot renforçant la solidité de sa raison parl'ardeur de sa charité ; le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exemplaire.Que le prédicateur vienne à paraître, si la nature lui a donné une voixenrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l'ait mal rasé, sile hasard l'a encore barbouillé de surcroît, quelque grandes vérités qu'ilannonce je parie la perte de la gravité de notre sénateur.
Le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice,quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra.
Plusieurs n'en sauraient soutenir lapensée sans pâlir et suer.
(L'homme a bien eu raison d'allier ces deux puissances, quoique dans cette paix l'imagination ait bienamplement l'avantage, car dans la guerre elle l'a bien plus entier.
Jamais la raison ne surmonte totalementl'imagination, mais le contraire est ordinaire).
»
Pascal, Pensée 44 (Lafuma).
L'imagination est interposée entre la raison et les sens.
De la raison et les sens, Pascal dit que ce sont des « principes de vérités » ( Pensée 45 ), reprenant ainsi quelque chose de la thèse aristotélicienne.
Ils ne sont sources d'erreur que par leur relation, qui est accomplie par l'imagination.
Cette dernière, au lieu d'êtreneutre comme chez Aristote , apparaît comme une puissance maligne (« superbe » = idée d'arrogance et d'orgueil) qui trouble les opérations de la raison et le fonctionnement des sens.
Les deux exemples pris par Pascal , celui d'un juste, celui d'un sage, manifestent tous deux le contraste entre une con duite fondée sur la raison (soutenue soit par la charité, soit par la vertu), et son dérèglement.
»
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