L'Imagination Détourne-T-Elle De L'Action ?
Publié le 27/12/2012
Extrait du document
- La compréhension réfléchie de cette dimension : morale d’inspiration stoïcienne cherchant l’articulation
d’une liberté intérieure et d’une acceptation de l’ordre des choses (« changer mes désirs plutôt que … «) -
Mélange de volonté et de « fatalisme « : se représenter soi-même dans le monde comme ayant une
place assignée, mais qu’il faut interpréter du mieux possible à travers chacune de ses actions ou activités
III) la recherche d’une bonne distance - en un sens, accepter d’être « acteur «, cad d’être engagé dans
les actons humaines, suppose alors de pouvoir se considérer soi-même à distance, en maintenant l’écart
entre une conscience intérieure et l’obligation d’affronter les nécessités extérieures (cf. Montaigne, « la
peau et la chemise «) - c’est en ce sens que la position d’acteur ne vient pas s’opposer à celle de
spectateur, mais au contraire l’intégrer comme un élément de composition nécessaire : être capable
d’observer le « jeu « des autres, leurs comportements divers,
afin d’en tirer des leçons qui ne sont pas nécessairement ni exclusivement celles d’une meilleure «
utilisation « qu’on pourrait en faire, voire d’une manipulation pure et simple. - dans cette perspective, on
peut solliciter et élargir les remarques de Diderot concernant le « Paradoxe sur le comédien « : la plus
«
(le doudou, les multiples activités ludiques qui se situent presque toujours entre imaginaire et réel)
avancée par Winnicott dans Jeu et réalité, afin d'identifier cette zone de recouvrement des deux
dimensions et comprendre leur articulation.
Hypothèse selon laquelle le développement de l'enfant est
toujours un apprentissage de cet ordre : non pas un pur et simple renoncement à l'imaginaire qui est une
dimension initialement protectrice, mais un déplacement progressif de ses rapports avec le réel —
processus dans lequel le fait de « jouer », à tous les sens du terme, constitue un ressort essentiel
(attachement-détachement-déplacement des représentations et des affects).
c) A un autre niveau, mais
de manière finalement convergente, on peut penser à la célèbre fable de La Fontaine, « La laitière et le
pot au lait », qui évoque cette opposition binaire entre réel et imaginaire puisque sa morale immédiate
semble bien ironiser sur ces esprits rêveurs qui s'illusionnent en bâtissant trop vite des « chateaux en
Espagne », cad en imaginant les actions à venir comme autant de promesses de réalisation trop vite
anticipées.
Mais cette fable gentiment cruelle (« adieu veaux, vaches, cochons, couvée … ») contient
pourtant une remarque ultime qu'on peut interpréter dans un tout autre sens : « chacun songe en veillant,
il n'est rien de plus doux ».
Formule intéressante
qui est la définition même que Platon donne de l'espoir (« le songe éveillé ») mais qui, si on y prête un
peu plus d'attention, amène à interpréter les choses différemment : cette imagination comme « songe
éveillé » est bien notre lot commun (qui pourrait en être exempt ?).
Et elle peut de fait être totalement
contrariée ou démentie par l'enchaînement des évènements réels (espoir renversé, comme le lait qui
contenait tous les possibles imaginés) ; mais elle peut tout aussi bien en être une anticipation
parfaitement réaliste qui ne renvoie pas le « songe » à une rêverie sans consistance.
Si le pot de la
laitière s'est brisé à cause d'une distraction liée à ses rêveries d'action trop vite anticipée, cet
enchaînement n'est pas toujours fatal et vient démentir la leçon trop unilatérale de la fable : l'imagination
anticipatrice peut aussi se voir traduite en action, précisément parce qu'elle a été capable de cette
projection dans le temps à venir, ce qui est exactement l'inverse de la rêverie nostalgique ou purement «
contemplative » marquant une autre forme d'imagination plus volontiers attachée au passé ou à un temps
immuable.
—> comment mieux identifier et analyser cette « imagination active » qui vient démentir la
morale trop vite ironique de la fable ? De quelles représentations est-elle constituée, si elle ne se limite
pas à ces scénarios prospectifs que chacun, anticipant l'avenir avec un risque certain et inévitable, se
raconte volontiers, à la manière
de Perrette ? En quoi y a-t-il là autre chose de plus efficace et calculé que la seule propension à se «
raconter des histoires » ou à construire des « chateaux en Espagne » ? II L'imagination active : agir en
connaissance de cause a) Si l'imagination en général contient toujours une projection qui la détache de la
réalité immédiate (ne fût-ce que sous la forme d'une trace, d'une « copie » qui vient redoubler cette réalité
et en décaler les « images », voire les recombiner tout autrement), elle n'est pas inéluctablement rejetée
hors de cette réalité pour s'en détourner et s'en protéger dans son monde imaginaire.
Mais pour bien
saisir ce qui fait la consistance d'une imagination
active aux antipodes de l'imagination rêveuse, il faut davantage se rapporter à des formes qui mettent en
jeu un autre mode d'inventivité de l'esprit, plus attentif à comprendre, à analyser et à décrire les choses
qu'à se projeter imaginairement dans des images et des histoires qui viendraient s'y substituer.
b) pour
suivre autrement le fil identifié au travers de la fable de La Fontaine, un bon exemple d'imagination active
par anticipation se trouve par l'anecdote rapportée par Aristote à propose de Thalès (hypothétiquement
mais de manière vraisemblable) : Politiques, I, XI, 1259 a 6 sq.
: « Je citerai ce qu'on raconte de Thales
de Milet ; c'est une spéculation lucrative, dont on lui a fait particulièrement honneur, sans doute à cause
de sa sagesse, mais dont tout le monde est
capable.
Ses connaissances en astronomie lui avaient fait supposer, dès l'hiver, que la récolte suivante
des olives serait abondante ; et, dans la vue de répondre à quelques reproches sur sa pauvreté, dont.
»
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