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L’IMAGINATION (cours de philosophie)

Publié le 27/01/2020

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philosophie

C’est D. Hume qui découvrit cette propriété originale de l’imagination : associer, suivant des principes précis, les images des présentations passées et ainsi structurer l’expérience présente en en anticipant le développement. Seulement en énonçant les trois principes qui règlent l’imagination (connexion par ressemblance, contiguïté et relation de cause à effet), il se bornait à constater les effets de ces principes qu’il attribuait à l’imagination ; il n’allait pas jusqu’à dégager les implications temporelles d’une telle théorie de l’imagination. C’est que, pour lui, ces principes étaient identifiables par leurs effets (ce sont les principes de la nature humaine) non par leur cause. Pouvait-on en fait remonter plus haut et découvrir non point les effets de l’association dans l'imagination, mais la cause de l’association elle-même?

Cette question n’est point celle de Hume, ou plutôt cette question eut appelé de la part du philosophe anglais une réponse négative. Pour lui, il est impossible de remonter au-delà de ces principes de la nature humaine : l’esprit n’est pas une table rase sur laquelle l’expérience viendrait inscrire son texte à la manière des caractères typographiques la feuille vierge de papier blanc2 ; l’expérience est fonction d’une organisation a priori qui structure l’imagination selon les lois de l’association. Ceci doit nous suffire, d’autant plus qu’à vouloir remonter au-delà, par exemple en cherchant du côté de ce que l’on appelle le moi, l’on risque de découvrir qu’il s’agit peut-être d’une fiction de notre imagination répondant plus à l’exigence ou au besoin personnels d’identité qu’à la réalité effective d’une variation incessante de nos perceptions. Ce genre de spéculations est un luxe et fait courir des risques : la mélancolie philosophique, comme Hume l’appelle lui-même {Traité de la Nature humaine L.l, IVe partie, § Vil) ; c’est l’imagination qui entraîne le « sujet » sur cette voie dangereuse de la quête d’un « moi » cause des perceptions, ses effets,

L’IMAGINATION

1. De l’image à l’imagination: le temps et l'affectivité

2. De l’association empirique au schématisme 3. L’imagination trompeuse: exaltation et symbolisme

TEXTES

1. Kant : Schématisme,

analogie, anthropomorphisme

2. Balzac : Swedenborg,

le voyant et les correspondances

reçoit pour les penser. Autrement dit, ce n'est pas la répétition de l’identique dans les choses qui rend compte de la capacité de l’imagination à en reproduire les conjonctions constantes, même en l’absence de l’objet : c’est au contraire la capacité de l’imagination à organiser (Kant parle de synthèse de l’imagination) a priori en les liant entre elles les représentations passées et les présentations présentes, qui rend possible la constitution d’un rapport réglé des phénomènes. Et ceci est possible parce qu’il s’agit des phénomènes et d’eux seuls. L'imagination n'est donc pas simplement une sorte de mémoire automatique qui en présence de A en mouvement vers B ressuscite la liaison abolie passée A/B : elle le fait comme imagination empirique parce que par anticipation, mais cette antériorité est d’ordre logique et non pas chronologique, (il faudrait même dire transcendantal, c’est-à-dire qui rend a priori une connaissance possible), elle est cette synthèse pure qui maintient les représentations passées et les unit aux présentations présentes. En un mot l’imagination transcendantale permet par sa structure temporelle subjective la constitution de la continuité du phénomène et de l’objet : telle est la raison pour laquelle Kant en faisait une source originale de la connaissance. Sans elle en effet l’appréhension du présent dans l’intuition serait dépourvue de sens puisqu’instantanée et donc incapable de se maintenir dans la continuité. Avec elle le passé se trouve maîtrisé puisque reproduit, c’est-à-dire au sens littéral « produit une seconde fois », opération qui est possible parce qu’il ne s’agit pas des choses en soi, mais des phénomènes et d’eux seuls. L'imagination n’est donc pas une banale fonction ou faculté de rappel des conjonctions constantes de l’expérience, mais le lieu originaire où le temps de la subjectivité se manifeste comme organisation de l’expérience. Cette propriété se trouve explicitée lorsque Kant étudie l’œuvre spécifique de l’imagination : le schématisme. Curieusement en effet Kant s’intéresse moins à l’imagination reproductrice d’images qu’à celle productrice de schèmes. La raison est facile à découvrir : le schématisme, dont il dira qu’il est « un art caché dans les profondeurs de l’âme humaine » caractérise sans doute l’imagination comme troisième source ou comme racine commune, et l’image ne le ferait guère. C’est que l'image (das Biid) est un produit du pouvoir empirique de l’imagination (Einbildungskraft) productive là où le schème est pour un concept « la représentation d’une méthode générale dont use l’imagination pour procurer à un concept son image ». L’image (das Biid) reste toujours déterminée en raison de son origine sensible : c’est ce qu'avaient compris tous ceux qui remarquaient comme Descartes son imprécision, celle du chiliogone par rapport à sa définition. Mais l’image ou le rappel de l’image n’épuise pas la fonction originaire de l’imagination (celle de source) : le schématisme est cette fonction spécifique dans laquelle l’essentiel est la méthode (Verfahren), car elle renvoie à l’idée de règle. Le rappel des images (fonction de l’imagination empirique) se fonde sur la production réglée de celles-ci, sans quoi les associations empiriques et leurs régularités (des lois, disait Hume) serait inintelligible. Les images s’associent parce qu’elles trouvent dans l’imagination un cadre déterminé qui les préordonne a priori. Je n’ai pas besoin de m’épuiser en efforts impuissants à me représenter l’image d’un chiliogone3, il me suffit d’en produire le schème, c’est-à-dire de procurer une image à ce concept selon une méthode de construction. De même, l’anticipation du mouvement de la boule B au moment où le sujet perçoit celui de la boule A n’est pas suspendue à l’improbabilité d’un miracle, mais à une organisation de l’imagination qui fournit une règle de liaison entre ces deux phénomènes, dont seul le premier est présent.

Méthode et règle : ces deux termes signifient que dans l’imagination œuvrent ces fonctions universelles pures d’intelligibilité que sont les concepts purs de l’entendement et de l’intuition. Par eux-mêmes ils sont vides, tout comme par elle-même l’intuition est aveugle. Pour qu’ils remplissent leur fonction d’intelligibilité, il faut qu’ils rencontrent les images pures ou empiriques, mais cette rencontre n’est pas celle de deux sources qui mêleraient leurs eaux : l’imagination n’est pas le mixte ou l’hybride de l’entendement et de l’intuition, car elle n’est pas un mélange, mais une schématisation ce qui en fait une troisième source originale. Les concepts purs de l’entendement ou catégories sont tout autant de manières spécifiées de penser, en l’unifiant, un divers ; ce divers ne peut être reçu que tem-porellement puisque le temps est l’image pure de tous les objets des sens : comme tels ils doivent tous être présentés et reproduits ; l’incarnation ou l’information (schématiser c’est à la fois prendre une forme et en donner une voire s'en donner une4) de la catégorie dans le temps s’appelle schématisme car la catégorie apporte la règle et l’universalité, le temps un divers qui n’est pas encore déterminé (c’est simplement du multiple), mais cette importation ne se produit pas sous la forme d’un moule à gaufres (on a pourtant fait ce reproche à Kant !) quadrillant une pâte molle. Elle suppose en effet sa possibilité : pour que la catégorie puisse unifier ce divers temporel, il faut que cette union soit possible, et cette possibilité ne saurait relever de ce qu’elle unit, mais de ce qui unit. C’est pourquoi le schématisme propre à l’imagination transcendantale n’est pas le produit de l’union de l’entendement et du temps, mais ce qui produit cette union. Par là l’imagination est moins la faculté de produire des images ou de les rappeler que le milieu spécifique où l’universalité du concept (transcendantal ou empirique) peut trouver une expression qui ne soit point liée à la particularité nécessaire d’une présentation actuelle ou passée. Deux exemples pour s’en convaincre :

3. « Que si je veux penser â un chiliogone, je conçois bien â la vérité que c’est une figure composée de mille côtés, aussi facilement que je conçois qu’un triangle est une figure composée de trois côtés seulement ; mais je ne puis pas imaginer les mille côtés d’un chiliogone comme je fais les trois d’un triangle, ni pour ainsi dire les regarder comme présents avec les yeux de mon esprit... » (Descartes Méditations Métaphysiques VI° Méd. § II.)

4. Du Cange dans son Giossarlum medlae et Inflmae latinltatis à l’article Schematlzare (1678) : changer de forme et d’aspect, se transformer ; de Schéma, forme espèce, schéma chez les Grecs. Il donne comme exemple le cas d’un démon à qui l’on a ordonné de se transformer (schematizare se) en se donnant la forme d’une jeune fille... (Op. clt. 1954, t. VIII, p. 347, col. 2.)

philosophie

« 1.

De l'image à l'imagination: le temps et ! 'affectivité Qu'est-ce qu'une image? Un objet d'une perception qui pourtant n'est pas l'objet de la perception, puisqu'on s'accorde pour distinguer l'une de l'autre: en effet, l'image« ressemble» à l'objet perçu mais n'est pas celui­ ci.

Le grec dit cela très bien lorsqu'il emploie eikôn pour image: l'eikôn, c'est ce qui ressemble à (c'est le sens du verbe eikô) et donc n'est pas ce qu'il semble être.

Multiples sont les modes de ressemblance et de dis­ semblance dont est susceptible l'image: elle diffère de son objet parce qu'elle le représente en son absence.

Dans ce cas, l'image est une per­ ception passée redevenue présente, mais pas tout à fait puisqu'elle n'est pas ce qu'était la première perception «en personne».

On la distinguera aussi par sa faiblesse eu égard à la force de la perception actuelle, auquel cas l'image est moins que la perception qui serait plus: différence donc de degré, non de nature.

Mais qui pourrait se contenter de cette thèse des degrés : le roi nu, mais entouré de ses courtisans, reste vu actuelle­ ment comme le roi, et pourtant les courtisans le perçoivent nu ; cepen­ dant, c'est l'image du roi qui s'impose à eux, annulant avec force une perception réputée pourtant plus forte ...

Tous les amoureux savent plus ou moins que l'objet de leur passion est non une réalité perçue mais une image actuelle de cette réalité.

D'où l'on tire aisément que l'image concurrence la perception sur son propre terrain au point d'en être indis­ cernable.

La ressemblance devient en quelque sorte de l'identité.

En quelque sorte, parce que cette ressemblance n'existe pas pour tout le monde.

C'est le courtisan qui ne voit point que le roi est nu ; ce sont les amoureux qui vantent la beauté de leur maîtresse qu'ils voient« effec­ tivement» belle.

Dans ces cas apparaît un élément commun: l'intérêt pour l'objet perçu.

A vrai dire il n'est pas de perception qui n'obéisse à un inté­ rêt: l'eau fraîche paraît «bonne» à celui qui a soif, tout comme le fruit était aux yeux d'Eve «agréable à regarder».

Faut-il en conclure qu'il n'y a pas dé ·perception de la réalité, mais seulement des images de la réa­ lité, entendant par là qu'on n'a jamais affaire au réel mais seulement à l'imaginaire? Non puisque, on s'en doute, l'image ne s'impose pas à tout le monde : lorsque dans A l'ombre des jeunes filles en fleur, Saint-Loup montre au narrateur la photographie de sa maîtresse, celui-ci la trouve vulgaire et écoute avec politesse la célébration amoureuse de son ami.

De même, on peut ne voir en le roi qu'un homme, et lui adresser des remontrances.

Donc l'image ne se substitue pas toujours à la perception réelle et l'on aurait tort de tirer entre le réel et le sujet percevant le voile des images.

Même, si comme déjà dit, il n'est pas de perception qui ne soit traversée par un intérêt, elle n'en est pas moins distincte de l'image, ne serait-ce 54. »

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