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l'imagination a-t-elle sa place dans la science ?

Publié le 26/11/2005

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En fait la vérité scientifique est une prédiction, mieux une prédication. Nous appelons les esprits à la convergence en annonçant la nouvelle scientifique, en transmettant du même coup une pensée et une expérience, liant la pensée à l'expérience dans une vérification: le monde scientifique est donc notre vérification. Au-dessus du sujet, au delà de l'objet immédiat la science moderne se fonde sur le projet. Dans la pensée scientifique la méditation de l'objet par le sujet prend toujours la forme du projet.       [...] Déjà l'observation a besoin d'un corps de précautions qui conduisent à réfléchir avant de regarder, qui réforment du moins la première vision de sorte que ce n'est jamais la première observation qui est la bonne. L'observation scientifique est toujours une observation polémique; elle confirme ou infirme une thèse antérieure.     Naturellement dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments... Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.

Le sens commun oppose l'imagination, privilège des artistes, à l'activité scientifique, où régnerait la méthode et où l'imagination serait interdite.  C'est ce lieu commun que vous devez discuter. Distinguez les différents sens des notions en jeu. L'imagination s'apparente à une espèce d'activité onirique, plus ou moins en rupture avec le monde réel: en ce sens, elle est ce que Bachelard appelle un "obstacle épistémologique. L'imagination peut, en effet, créer en nous des attentes très fortes et fascinantes, et la fantaisie à l'invention.  Autrement dit, vous pouvez vous demander si l'invention scientifique demande le génie ou bien si elle ne suppose que la méthode. Si la méthode ne peut rendre compte de l'invention scientifique et si l'imagination a sa place, comment peut-elle produire des connaissances ?

« moins l'aspect de nos préjugés naturels que de notre héritage scientifique, qu'il faut reconsidérer et réformer. Or, en prenant un exemple peu Bachelard ien, on aimerait illustrer le propos de l'auteur : « Il y a rupture et non pas continuité entre l'observation et l'expérimentation. » En effet, si la science moderne prend naissance avec l'apparition de l'expérimentation, la croyance en l'observation, en l'expérience première et en ses prétendus faits estl'obstacle premier et majeur à la connaissance rationnelle. L'exemple le plus célèbre et le plus célébré reste le dispositif expérimental par lequel Galiléé , à l'aube du XVII ième, parvint à établir correctement la loi de la chute des corps.

Pour étudier cette chute des corps, Galilée ne se fie pas à l'observation commune, mais construit un dispositif, sélectionne les paramètres décisifs pour la loi qu'il veutétablir, et invente le moyen de mesurer leurs variations réciproques.

Il s'agit simplement de faire rouler des boulesdans un canal rectiligne creusé dans un plan incliné.

Il suffit ensuite de mesurer le temps de chute de la boule enfonction de la distance parcourue. Un certain nombre de traits remarquables se dégagent de cette expérience.

Tout d'abord Galilée a su comprendre que le mouvement de la boule est une chute, ralentie certes, et identique à la chute des corps. Deux mouvements différents pour le sens commun (la chute d'une pomme, par exemple, et le glissement d'une boule sur un plan incliné) sont compris comme identiques.

Mais, alors que le premier est difficilement mesurableavec les instruments de l'époque, le second peut l'être. Ensuite, Galilée , pour vérifier ses hypothèses, a construit, après avoir conçu, un dispositif technique.

C'est en ce sens que l'on peut parler du début de l'expérimentation et de la rupture avec l'observation courante. Le trait de génie de Galilée consiste en l'association de la science et de la technique et en l'élaboration d'un mécanisme permettant de mesurer les rapports entre les paramètres sélectionnés.

Le dispositif permet aussi decalculer les variations réciproques de l'espace et du temps et d'établir que la distance parcourue par le mobile estproportionnelle au carré du temps de la chute. Enfin, Galilée a su négliger ce qui devait l'être.

ainsi, il n'a pas tenu compte des forces de frottement de la boule sur le plan ou de la résistance de l'air, qui, ralentissent la chute. Kant a su montrer en quoi l'expérimentation rompait avec l'observation : en quoi ici la théorie prenait le pas sur la simple réception de l'expérience première, et en quoi l'effort scientifique visait à poser une question précise à la nature, en inventant les moyens de la contraindre ànous répondre. « Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur un plan incliné avec un degré d'inclination qu'il avait lui-même choisi [...] une lumière se leva pour tous les physiciens.

Ils comprirent que la raison ne perçoit que ce qu'elle produitelle-même d'après ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants [...] et forcer la nature à répondre à sesquestions [...] car sinon les observations, faites au hasard, sans plan tracé d'avance, ne se rattacheraient pas àune loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige. » Reste à montrer grâce à un exemple pourquoi Bachelard déclare que l'esprit scientifique « juge son passé en le condamnant ».

Bachelard affirme : « Il n'y a pas de transition entre le système de Newton et le système d'Einstein .

On ne va du premier au second en amassant des connaissances [...] Il faut au contraire un effort de nouveauté totale.

» Pour Bachelard en effet, les idées et connaissances héritées finissent par former une sorte « d'inconscient » scientifique, qui produit l'impression que tel ou tel axiome, tel ou tel concept sont évidents et vont de soi. Or, « Toute vérité nouvelle naît malgré l'évidence, toute expérience nouvelle malgré l'évidence immédiate. » Bachelard se sert de l'exemple de l'idée de simultanéité pour le montrer.

L'idée de simultanéité est une idée simple, évidente, immédiate. Autrement dit une question que l'on n'éprouve pas le besoin de se poser.

Dans la physique de Newton, si l'on doit, pour étudier le mêmemouvement dans deux repères différents, changer les coordonnées spatiales, il va de soi que la coordonnée temporelle reste identique.

Le mêmephénomène est pensé comme simultanéité dans les deux repères différents.

Or, c'est un fait que la mécanique d' Einstein a su montrer que cette idée prétendument simple de simultanéité était en réalité complexe, et que le temps s'écoulait différemment pour deux observateurs animés devitesses différentes.

On connaît le paradoxe des jumeaux de Langevin .

Si l'on envoie l'un des deux jumeaux dans l'espace à une vitesse proche de celle de la lumière, il ne vieillira pas au même rythme que le jumeau resté sur la terre. Cela signifie que l'on passe d'une théorie à l'autre par une redéfinition des concepts initiaux, des notions fondamentales de la physique (ici le temps, mais la physique ondulatoire a amené à une redéfinition de la notion decause).

Il ne s'agit donc pas d'une transition d'un système à un autre, mais d'une révolution, et d'une mutation dansles méthodes et les concepts.

De ce que Bachelard nomme une déformation.

La notion de temps voit son sens radicalement renouvelé du système de Newton à celui d' Einstein . Le mérite de Bachelard est de montrer que l'esprit a toujours l'âge de ses préjugés.

Si l'obstacle premier, inhérent à l'acte même de connaître est la connaissance commune, l'opinion, reste que « l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance.

Il juge son passéhistorique en le condamnant » A une époque qui sombre volontiers dans l'apologie naïve de la science, il n'est pas. »

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