L'illusion de la communion des consciences
Publié le 26/10/2013
Extrait du document

L'alcoolique anonyme qui se lève dans la douleur de la confession publique n'a pas pour but de raconter sa souffrance aux personnes concrètement présentes autour de lui. Il sait très bien que ces mêmes personnes ne sont pas là pour lui et son histoire, qu'elles ne l'écouteront pas comme on écoute pour comprendre, mais il sait que cette résonance matérialisée dans les mots avoués va rendre cette souffrance et cette puissance du désir physiquement saisissables pour lui, puisqu'elles auront été concrètes et entendues, présentes matériellement pour les autres. Cette existence de la douleur devenue mots sera, pour lui-même, un objet susceptible enfin d'être maîtrisé, saisi, objectivé, puisqu'il existe! C'est lui-même le premier but de cette communication sans interlocuteur.

«
La présence de /'Autre : un obstacle ou une puissance pour moi? lliil
C La cohérence de /'Autre : son discours.
C'est donc cette transmission, dont nous avons tant fait !'éloge,
sous toutes ses formes sociales et éducatives, qui va mettre en place
cette homogénéité, ce monde de !'Autre.
C'est la langue, comme
en attestent d'ailleurs les études des mêmes ethnologues et anthro
pologues que nous évoquions plus haut, qui va contenir les élé
ments constitutifs de la règle et permettre leur intégration.
La com
munication avec
l' Autre est moins le dialogue fraternel et informa
tif
qu'un moyen de sans cesse contrôler la continuité de la norme et
la pérennité
d'un sens.
Michel Foucault le dit ainsi :
«Il se peut toujours qu'on dise le vrai dans l'espace d'une extériorité
sauvage; mais on n'est dans
le vrai qu'en obéissant aux règles d'une
police discursive qu'on doit réactiver en chacun de
ses discours.
»
Il.
LA MYSTIFICATION DE LA COMMUNICATION
A.
Nécessité de la communication
En effet, cette puissance acquise par le monde de !'Autre, structu
rant de la vérité et déterminant du sens,
n'est envisageable et pos
sible que
s'il y a une profonde dimension de communication.
En
effet, cette créativité du groupe pose le problème de son artificia
lité, de ce caractère non naturel et de ce fait produit de toutes pièces
par l'invention culturelle.
Cette fragilité dans la force, cette puis
sance en permanente résistance, demeure contre le temps et la
diversité des hommes
par la pérennité de l'éducation, de la trans
mission, de la répétition,
en un mot de la communication.
La force
de
l' Autre, la valeur de la construction du monde du sens que
l'ensemble des hommes, par leur communauté, réussissent, ont
besoin d'être formulées, transportées, transposées dans le langage
qui fige et institue son existence et donne de la réalité à ses formes.
La culture, le système de significations et de représentations que
nous devons
à la production des autres, du groupe, luttent sans
cesse contre l'éphémère et l'absence.
S'il n'y a de sens et de valeurs que dans cette positivité du groupe,
alors le Juste, le Droit, le Bien ou
l'inhumain n'existent que tant qu'il
y a ce partage artificiel du réel luxuriant par les grilles de la discrimi
nation culturelle.
C'est pourquoi cette production créatrice de l' Autre
repose sur une condamnation à la communion.
Paradoxe aux appa
rences chaleureuses : l'homme est condamné
à la communion pour
accoucher de cette unité dressée contre la nature silencieuse..
»
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