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L'idée de finalité doit-elle demeurer étrangère aux sciences biologiques ?

Publié le 22/03/2004

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Mais, à cause des abus toujours possibles, nécessité d'un contrôle sévère et, d'une prudente réserve. Il semble y avoir une contradiction dans les termes quand on rapproche le mot positif qui caractérise habituellement la science et la notion de finalité qui appartient habituellement à la métaphysique. La science est positive dans la mesure où elle se limite aux faits. Elle établit entre eux des relations de cause à effet qui, lorsqu'elles sont constantes, prennent le nom de lois. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.La notion de finalité au contraire comporte l'intervention d'une volonté soit humaine, soit divine. La suite des causes se trouve en quelque sorte interrompue par un « commencement absolu ». Un projet précède l'existence de la réalité et contribue à la rendre réelle. En conséquence on ne voit pas bien comment la finalité pourrait prendre un sens positif. * * *Ce n'est pas certes que telle finalité ne soit pas intervenue dans la science.

« Une autre tentative plus récente de réintroduire la contingence et.

la finalité, est née du progrès même de lascience physique.

Le microscope électronique d'une part, des phénomènes physiques comme l'effet Compton et lemouvement brownien d'autre part, ont permis, vers la fin du XIXe siècle de conclure que nos lois physiques ne sontvraies que grosso modo, dans leur ensemble et pour tout dire sont des lois statistiques.

On en a profité pourconclure à l'échec de la causalité et pour parler du « choix » que ferait sans cesse la nature, choix évidemmentdicté par une finalité qui nous dépasse. * * * Cependant le progrès de la science, et en particulier de la biologie n'autorise point ces conclusions qui sont pour lemoins prématurées.Toutes les conditions pour créer une certaine confusion se trouvent réunies en biologie.

L'objet de cette science estle plus complexe de tous, c'est la matière vivante où rien ne semble exister séparément, où tout influe sur tout.

Ainsi comme Bergson l'a montré dans une brillante analyse, l'étude de l'oeildégage une série d'éléments qu'il serait inopportun de considérer séparément,car ils ne peuvent s'expliquer que par une idée d'ensemble qui est la fonction del'oeil, la vue.Mais le mot finalité, en biologie, a-t-il le même sens qu'en métaphysique ? Lelogicien Goblot a fait remarquer qu'il vaudrait mieux employer l'expression de «convenance complexe ».

En effet, il y a entre les éléments qui composent lamatière vivante des milliards de combinaisons possibles.

Celle qui permet auxéléments constitutifs de l'oeil de voir n'est qu'une de ces combinaisons, maisc'est la bonne et elle a des chances de durer parce que l'animal qui en dispose,grâce précisément à la vue, peut se nourrir, se défendre et durer.

Ainsi selon lavigoureuse expression de Diderot dans la « lettre sur les aveugles », tout sepasse comme si dans la nature les dés pouvaient être a pipés ».

Il y a encorefinalité puisqu'il y a accord complexe des éléments en vue d'un but.

Mais c'es|;une finalité qui n'est plus a priori, comme dans la pensée métaphysique, mais aposteriori : en effet, dans le cycle de l'évolution, l'animal qui ne dispose pasd'organes lui permettant de survivre est rapidement éliminé. Il ne s'agit pas là d'un retour à une position matérialiste naïve expliquant lesphénomènes vivants par des lois physiques et chimiques simples ; bien aucontraire, cette attitude philosophique s'efforce de cerner la réalité vivante dansson évolution, dans son histoire.

Sur la question de l'évolution, elle étudie les espèces disparues non seulement àpartir des ossements qu'on peut découvrir mais aussi de la possibilité pour l'homme dans certaines conditions decréer des espèces nouvelles.

Ce qu'il y a de plus important, c'est d'éliminer tous les souvenirs du vitalisme et lesentités métaphysiques dont ils embarrassent la recherche scientifique.Ainsi se trouve éliminé l'argument qui déclare notre science impuissante.

D'abord il faut répondre que l'homme peutdéjà pratiquer la synthèse de substances organiques complexes.

La première de toutes, celles de l'urée a pu êtreréussie dès 1828.Mais enfin et surtout il faut bien poser que le monde est complexe et que le voir dans sa complexité n'est pas unsigne de faiblesse, mais au contraire de force.La science de l'homme ne se propose point de recommencer le monde, ce qui de toutes façons serait une lourdetâche et qui pour le moment ne servirait à rien.

Le but de la science reste de se rendre comme maître et possesseurde la nature.

Or ce but, personne ne saurait le nier, est atteint de plus en plus. * ** Il faut en prendre son parti.

La finalité métaphysique se trouve peu à peu exclue des explications scientifiques.Toutefois le monde se découvrant de plus en plus complexe devant l'investigation de l'homme, celui-ci a été amenéà préciser le concept mécanique de la causalité.

La matière vivante ne connaît pas le même type de causalité que lamatière inanimée.

Le fait vivant garde son caractère d'organisation, de cohérence et de réaction adaptée.

Dans lamesure où ses traits distinctifs peuvent être résumés par le mot finalité, la causalité peut et doit comprendre aussila finalité.Mais dans ces conditions, la finalité doit perdre ce halo de mystère que la pensée métaphysique lui avait conférée.Elle doit avoir un usage positif, un usage scientifique.. »

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