L'idée de bonheur personnel suffit-elle à fonder la morale ? Doit-elle, au contraire, en être rigoureusement exclue ?
Publié le 19/03/2004
Extrait du document
C'est de ce
bonheur que parle PÉGUY dans les vers bien connus : Heureux ceux qui
sont morts sur les champs de bataille !
De cette morale aussi
nous pouvons dire que si elle ne se dégrade pas en hédonisme, c'est
qu'elle implique la morale du bien. Apparemment, elle fixe comme fin à
l'activité humaine une fin personnelle : réaliser le plus possible les
virtualités que nous avons en nous; nous grandir. Mais en fait il n'est
qu'une façon de grandir : se dévouer à plus grand que soi, à un bien.
Qu'on ne dise pas que le bien n'est qu'un moyen, la fin restant la
grandeur personnelle; car qui chercherait cette grandeur ne
l'atteindrait pas et ne manquerait pas de déchoir à la recherche de
satisfactions plus basses.L'activité morale étant conditionnée par l'oubli de soi, l'idée du
bonheur personnel, aussi épuré qu'on le suppose, ne saurait la fonder.
B. Cependant, l'idée du bonheur personnel ne doit pas être
rigoureusement exclue. - En effet, seule est exclue la thèse d'après
laquelle le bonheur est la fin unique de la vie humaine. Mais on ne
saurait condamner celui quoi, plaçant le but de la vie dans le bien,
considère le bonheur comme une conséquence inséparable de la recherche
du bien et dont la recherche est impliquée dans celle du bien.a) Il n'y a aucune obligation d'exclure l'idée du bonheur et on ne peut
rien reprocher à celui qui fait du bonheur la fin secondaire de sa vie :
d'une part, en effet, il ne peut être taxé d'égoïsme, puisqu'il fait
passer le bien avant toutes choses; d'autre part, le bonheur lui-même,
quand il est l'accompagnement d'une vie morale, est un bien puisqu'il
réalise l'ordre, la justice demandant que quiconque agit bien soit
heureux.
Le bonheur est, non seulement le fondement de la morale, mais encore la pierre de touche des vérités métaphysiques. Je ne dois reconnaître comme vrai que le système de pensée qui cherche à satisfaire mon désir d'être heureux. Mais, la quête effrénée du bonheur ne suffit pas à fonder la morale car le bonheur n'est pas un idéal de la raison mais un idéal, une chimère de l'imagination. Ce n'est qu'un rêve subjectif qui n'a pas la portée et la valeur universelle que réclame l'action morale.
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