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Liberté naturelle et liberté civile de J.-J. ROUSSEAU

Publié le 05/01/2020

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rousseau

Liberté naturelle et liberté civile

J.-J. ROUSSEAU (17T2-1778)

 

De l'état de nature à l’état civil, régi par la loi, la liberté a changé de nature. Rousseau compare ici la liberté naturelle et la liberté civile, et montre que c’est cette dernière qui fait accéder l’homme à sa véritable humanité.

 

Ce passage à l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C’est alors seulement que la voix du devoir succédant à l’impulsion physique et le droit à l’appétit, l’homme, qui jusque-là n’avait regardé que lui-même, se voit forcé d’agir sur d’autres principes, et de consulter sa raison avant d’écouter ses penchants. Quoiqu’il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s’exercent et se développent, ses idées s’étendent, ses sentiments s’ennoblissent, son âme tout entière s’élève à tel point, que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais, et qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme.

 

Réduisons toute cette balance à des termes faciles à comparer. Ce que l’homme perd par le contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre ; ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle qui n’a pour bornes que les forces de l’individu, de la liberté civile qui est limitée par la volonté générale, et la possession qui n’est que l’effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété qui ne peut être fondée que sur un titre positif. On pourrait sur ce qui précède ajouter à l’acquis de l’état civil la liberté morale, qui seule rend l’homme vraiment maître de lui ; car l’impulsion de seul appétit est esclavage, et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté.

 

Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Livre I, ch. VU, Garnier-Flammarion, 1966, pp. 55-56.

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« POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE La liberté naturelle est celle de l'animal, la liberté civile est celle de l'homme.

La première est celle de l'instinct, la seconde celle de la justice.

Or la justice est une notion élaborée, qui ne peut se construire qu'en acceptant de dépasser son propre point de vue, et de prendre en compte celui d'autrui.

Par la justice, l'homme accède à l'universa­ lité, à l'abstraction, en un mot à la raison.

C'est pourquoi Rousseau écrit ici que l.

Si l'obéissance à la loi est bien pour Rousseau l'expression d'une liberté morale, comme autonomie, c'est qu'elle suppose, en fait, qu'au moment de voter la loi, chacun fasse taire ses inté­ rêts particuliers.

Il n'y a pas de démocratie réelle possible sans vertu, comme Montesquieu l'avait déjà fait remarquer dans son Esprit des Lois.. »

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