Devoir de Philosophie

« L'humanisme... tend à comprendre et à absorber toutes formes rie vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances, même celles qui le repoussent, même celles qui le nient. » D'après ces suggestions d'André Gide (Journal, 14 juin 1926. Pléiade, p. 816), vous tenterez de définir ce que vous entendez vous-même par le mot d'humanisme.

Publié le 05/04/2009

Extrait du document

humanisme

On est en droit de s'étonner en constatant que la notion d'humanisme ne fut jamais autant repensée aux époques des humanités triomphantes qu'elle l'est depuis qu'il n'y a plus de véritables et complète culture humaniste. Peut-être est-ce précisément le besoin de retrouver l'homme et les  fins humaines qui pousse les écrivains de la fin du XIXe siècle et du début du XXe à méditer sur ce concept, au sortir d'une longue période d'enthousiasme scientifique où la primauté de l'homme avait été sérieusement ébranlée (on sait, par exemple, comment la critique « tainienne « réduisait le rôle de l'homme et de ses libres initiatives dans la création littéraire, pour lui substituer une explication de type scientifique et déterministe). Or. pour répondre à cette angoisse de l'homme dans un monde qui se déshumanisait de plus en plus, maintes doctrines surgissent, qui prétendent assigner des fins à l'action humaine. Les premières années du siècle voient se relever le christianisme, sous une forme traditionnelle ou sous une forme rénovée; les théories socialistes proposent à l'homme le but nouveau de la cité harmonieuse, et sans cesse, entre ces deux directions de pensée, éclosent des « systèmes « nouveaux pour résoudre les problèmes essentiels de l'homme : des philosophies notamment ont d'éclatants retentissements, le bergsonisme, plus près de nous l'existentialisme, le personnalisme, etc. En présence de ces solutions diverses, un certain désarroi se fait jour et c'est peut-être ainsi que la notion d'humanisme connaît un regain de faveur : n'y aurait-il pas un point commun, ou du moins la possibilité d'un point de vue commun, qui permette de rendre toutes ces doctrines intéressantes dans une sorte de syncrétisme où l'on ne garderait que ce qu'elles nous révèlent de l'homme? Un esprit particulièrement soucieux de synthèse et de totalité, André Gide, écrivait dans son Journal, un jour de 1926 qu'il réfléchissait sur la solution que la religion propose à notre inquiétude :· « L'humanisme tend à comprendre et à absorber toutes formes dé vie, à s'expliquer sinon à s'assimiler toutes croyances. « Et, allant au bout de sa pensée, il affirmait que l'humanisme a cette supériorité de n'être pas une doctrine entre d'autres et que l'on opposera à d'autres, puisqu'il ne craint pas les croyances « qui le repoussent « même pas « celles qui le nient «. Il est évident qu'une certaine universalité, une certaine volonté de tolérance sont liées à la notion même d'humanisme. Est-ce à dire toutefois que celui-ci ne va rencontrer aucune difficulté du côté de ces doctrines « qui le dépassent ou qui le nient «? Ne prétendront-elles pas opposer à l'humanisme de l'universalité un humanisme de l'approfondissement et ainsi ne risquent-elles pas de vouloir, plutôt que de le nier, le monopoliser à leur profit? Ne serons-nous pas, dans ces conditions, amenés à nous demander s'il ne doit pas être pris d'une façon beaucoup plus modérée, beaucoup plus humble, et si, plus qu'un orgueilleux syncrétisme, il n'est pas une simple conscience des limites et de l'efficacité à court terme des forces humaines?

humanisme

« 3 L'idéal de l'homme complet.

Ainsi l'humanisme nous apparaît pour l'instant comme un refus de choisir dans l'humainet il est certain que.

sur le plan pédagogique, l'idéal humaniste aboutit au désir de former un homme complet,universel, capable de tous les sports comme de toutes les disciplines intellectuelles ou morales (cf.

Rabelais,Pantagruel, VIII, XVIe Siècle, p.

42, et Montaigne.

Essais, 1, 26.

Ibidem, p.

230-233).

non pas par simple curiosité,mais par goût profond d'avoir touché à tout ce qui est humain.

C'est toutefois sur ce problème de l'éducation que serencontrent les premières difficultés : peut-on former un homme sans lui faire comprendre la nécessité du choix''!peut-on absolument s'assimiler toutes croyances, toutes formes de vie? Non seulement certaines croyances sontcontradictoires entre elles, mais, ce qui est plus grave encore, on risque, à vouloir tout connaître et tout pratiquer,de perdre de vue les fins humaines de cette éducation universelle.

Historiquement, l'humanisme a bien connu cedanger et y est parfois tombé.

S'il perd sa pointe morale, il devient volontiers universelle jouissance, «dilettantisme»; c'est notamment en Italie que l'humaniste s'est souvent abâtardi en esthète, soucieux avant tout de se partagerentre ses beaux manuscrits, ses œuvres d'art, ses épées ciselées; ou d'une façon plus virile, mais aussi peusérieuse, il peut devenir le condottiere, qui veut se réaliser pleinement afin de mieux mépriser les autres hommes, lesdominer et les écraser (Montherlant a bien étudié dans son Malatesta.

cf.

XXe Siècle, p.

590, ce type d'humaniste,quelque peu analogue à celui dont se réclamait le fascisme italien): mais, qu'il s'agisse du dilettante ou ducondottiere, peut-on encore parler d'humanisme? Jouissance « égotiste » ou mépris ne sont point des valeurshumanistes.

L'humanisme français, moins exubérant, mais plus vite moral ou moralisateur, est plus respectueux desfins humaines, et dans son désir de sérieux et d'honnêteté il ne va pas tarder à se poser le problème de ses rapportsavec des doctrines qui nient ou du moins limitent son désir d'universalité : christianisme des XVIe et XVIIe siècles,doctrines sociales de nos jours. II Les humanismes de l'approfondissement et du dépassement humains Dans son désir d'universelle compréhension, l'humanisme court en effet le risque de mettre tout ce qui est del'homme sur le même plan, indifféremment.

Or l'homme n'est peut-être pas la somme inorganique de tous leséléments qui le composent.

Telle est l'objection fondamentale des diverses doctrines qui.

à l'image statique qu'offrede l'homme l'humanisme traditionnel, prétendent opposer un idéal humain d'approfondissement et de dépassement.Pour ces doctrines (christianisme, socialisme, existentialisme, etc.).

l'homme est moins une nature donnée une foispour toutes et qu'il faut inventorier, qu'un perpétuel dépassement qui le fait de plus en plus lui-même: en somme,s'opposant, au départ, à l'humanisme traditionnel, ces doctrines prétendent très vite confisquer la notion à leurprofit, puisque, si on les suit, on arrive à plus d'humanité, à une conception de l'homme sans doute moins toléranteet moins universelle, mais plus authentique. 1 L'humanisme chrétien.

En effet, autant qu'une nature, l'homme a une « surnature » ou plutôt des buts surnaturels,pense le christianisme.

Et très vite cette religion s'avise qu'elle est un humanisme bien plus véritable quel'humanisme laïc, puisqu'elle conçoit de l'homme une image bien plus complète.

On peut considérer comme charte decet humanisme le texte célèbre de Pascal sur les trois ordres (Pensées, Éd.

Brunschvicg.

section XII, n° 793,Lafuma 585) où l'auteur montre que l'homme est chair, esprit et charité, mais que chacun de ces trois degrés n'apas la même valeur humaine et qu'en passant de la chair à l'esprit et de l'esprit à la charité, il s'accomplit de plus enplus et atteint à sa véritable destinée.

Ainsi on peut encore parler d'humanisme, puisqu'on cherche à s'expliquer etmême en un sens à s'assimiler — en les remettant à leur place — tous les éléments qui composent l'homme, mais lanécessité d'un choix, d'une hiérarchie des valeurs ne conférera pas toujours à cet humanisme la tolérance large etun peu facile de l'humanisme traditionnel. 2 L'humanisme social.

On peut en dire autant du nouveau type d'humanisme qui se développe de nos jours et quis'efforce de démontrer qu'il n'y a pas de véritable accomplissement de l'homme hors d'une certaine solidarité quil'unit à ses semblables pour former un corps social.

Cet humanisme, comme dans la perspective précédente, visedonc moins à faire l'inventaire de tout ce qu'il y a dans l'homme, qu'à assurer à celui-ci dépassement etaccomplissement vers un avenir heureux et un nouveau type d'homme répondant à cette société future: bien qu'ilsoit conçu assez diversement par les différentes doctrines, marxiste, socialiste, etc., il a reçu sans doute sonillustration littéraire la plus brillante des romans de Malraux et de Saint-Exupéry : il pourra hésiter comme chezMalraux entre le communisme et une sorte de culte du héros, il pourra être comme chez Saint-Exupéry lié à un idéald'utilité et de solidarité technicienne en face de la collectivité, il présente ce caractère commun de ne voir dansl'humanisme traditionnel qu'une forme statique et provisoire qu'il faut dépasser au profit d'un humanisme militant etactif, soucieux de constructions et par là même d'un certain choix, voire d'une certaine intolérance imposée parl'action et ses nécessités concrètes. 3 L'humanisme existentialiste.

Les humanismes modernes ont un trait commun, qui est de croire que la naturehumaine n'est pas cette « donnée » immuable qu'imaginaient les psychologues classiques.

Certains vont jusqu'àpenser qu'il ne faut assigner à l'homme aucune fin, ni religieuse ni sociale, car on s'expose, sans le vouloir, àretomber alors dans l'humanisme traditionnel, qui invite à croire que l'homme a une nature, une · essence ».

commeon dit en philosophie.

La critique existentialiste notamment remarque que définir l'homme par des buts religieux,sociaux ou moraux qui lui permettraient de réaliser son hypothétique « nature ».

c'est encore le définir d'une façonstatique, c'est supposer qu'il y a un Homme en soi, un Homme pur et idéal.

Jean-Paul Sartre enseigne que l'hommen'est rien d'autre que ce qu'il se fait » dans le concret de chaque situation, et que l'humanisme consiste bien moins. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles