L'homme se réalise-t-il en satisfaisant ses désirs ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
C'est dans la même optique que Nietzsche réhabilite les désirs qui pour lui enrichissent l'existence de l'homme et luipermettent de développer sa volonté de puissance.
Pour lui, l'être humain ne cherche pas juste sa conservationmais l'accroissement de son être.
Il rejette dans le gai savoir cette interprétation : « Vouloir se conserver soi-même est l'expression d'une situation de détresse, d'une restriction de la véritable pulsion fondamentale de la vie, qui tendà l'expansion de puissance et assez souvent, dans cette volonté, elle remet en cause et sacrifie la conservation de soi.
» Pour cela, il faut accepter le corps, la vie et les désirs qui lui sont liés.
Il critique donc tous les philosophesqui visent à détruire le désir : « « cette exigence d'échapper à toute apparence, à tout changement, à toutdevenir, à la mort, au désir, à l'exigence même — tout cela signifie, osons le comprendre, une volonté de néant, unerépugnance à la vie, une révolte contre les conditions les plus fondamentales de la vie.
»La nature de l'homme le pousse au désir et sa réalisation passe par un accroissement de sa puissance sur le mondeet donc de son action.
Or, cet accroissement se réaliser à travers la joie du désir satisfait.
Le désir ne développe pas la véritable humanité de l'homme et le réduit à la rêverie- Dans le désir, nous abandonnons la raison pour se laisser aller aux réactions du corps.
Nous sommes par suite horsdu domaine de la raison et notre conduite ne peut être appelée raisonnable.
Il faut bien voir que ce qui faitl'humanité de l'homme n'est pas la satisfaction des désirs bestiaux du corps mais sa raison.
Pour Platon et Aristote,la raison est la partie divine de l'homme qu'il s'agit d'entretenir.
Socrate montre que celui qui se laisse diriger,commander par ses désirs est le plus esclave des esclaves.
Ainsi le tyran, dominé par ses désirs les plus vils estcelui que Platon place au plus bas de l'échelle des individus.
En proposant une tripartition de l'âme entre l'esprit(nous), le courage (thumos) et le désir (epithumia) où l'esprit en tant que supérieur commande à l'inférieur le désir,Socrate voit dans la conception de Calliclès qui prônait une vie entièrement soumise à l'assouvissement de tous lesdésirs, une forme de domination inauthentique et inversée.
De même, Aristote voit comme activité spécifique del'homme, la contemplation, activité de la raison.
La contemplation suppose elle aussi un état de quiétude, où aucuneperturbation ne vienne interrompre notre concentration.
Dès lors, le désir nous empêche de nous adonner à cetteactivité et annihile toute prétention au bonheur.
C'est en tout cas ce qu'affirme Platon qui dénonce aussi la tyranniedes désirs dans le Phédon « Le corps nous remplit d'amour, de désirs[…] si bien, que comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser » Nous ne pouvons réaliser notre essence d'homme et ceci nenous permet pas d'atteindre cet état de bien être.
De même, cette incapacité de bien penser entraîne l'homme àdésirer des choses qui ne sont pas bonnes.
Le désir déforme la réalité et nous entraîne vers des dangers et actionsirréfléchies et dangereuses.
Ovide exprimait ceci : « je vois le meilleur, je l'approuve et je fais le pire ».
Le désirn'amènerait dès lors pas l'homme à se réaliser mais plutôt à se détruire ou à agir contre son propre intérêt.- De plus, nous avons vu que la satisfaction pourrait apporter joie et donc augmenter la puissance d'action del'homme.
Pourtant, c'est se tromper sur la nature du désir.
Ce dernier est permanent, il refuse la satisfaction etmène l'homme à toujours désirer sans répit.
"Tout désir naît d'un manque, d'un état qui ne nous satisfait pas ; doncil est souffrance, tant qu'il n'est pas satisfait.
Or, nulle satisfaction n'est de durée ; elle n'est que le point de départd'un désir nouveau.
"Schopenhauer, Le monde comme représentation et comme volonté.
De plus, les hommes qui courent toujours après la satisfaction des désirs, se trouvent à un moment rattrapés par l'ennui.
Plus rien n'a plusde valeurs.
C'est ainsi que les gens très fortunés, pouvant satisfaire tous leurs désirs, ne sont pas les plus heureux,bien au contraire pour le philosophe allemand.C'est aussi ce que met en exergue le psychanalyste Lacan.
L'expérience de la psychanalyse met en évidence que ledésir fuit d'objet en objet en fonctions des représentations verbales, connectées à l'inconscient.
Le désir serait alorspour Lacan une métonymie, c'est-à-dire un déplacement incessant.- Enfin, pour Alain, le désir est insatisfaction du réel qui ne fait rien pour transformer le réel.
Il écrit dans Les passions et la sagesse que « le désir est, à ce que je crois, un très petit personnage [...] Ce n'est que rêverie, et sans aucun développement, les désirs ne font rien.
» Pour le philosophe français, il faut limiter l'utilisation du mot« désir » et de garder le mot « besoin » pour ce qui « nous met en quête et nous embarque.
» La preuve du besoinest dans la réalisation et l'action effective pour le satisfaire.
Le besoin n'est pas un projet qui peut rester lettremorte.
Dans le désir, il y a un fort risque que la représentation ne se transforme jamais en action et se substitue àelle.
Le désir est souvent une simple rêverie, dans laquelle l'homme se coupe du réel pour se satisfaire d'unereprésentation imaginaire.
Alain écrit encore qu' « il n'y a rien de plus commun que de désirer être un grandpeintre » ou bien « d'être aimé d'une belle fille ».
Le désir reste donc souvent qu'un souhait et ne peut permettre àl'homme de se réaliser.
En effet, nous l'avons la réalisation présuppose le passage d'une idée abstraite à uneexistence réelle.
Ici, l'homme en reste à l'idée et n'éprouve absolument pas ses capacités dans la réalité.
Le désir permet au possible de devenir réalité, quand il est pensé et soutenu- Pourtant, dire que la réalisation de l'homme passe par le développement de la raison ne permet pas à l'hommed'échapper au désir.
En effet, comment se lancer dans un processus qui viserait à mieux se servir de la raison, si ce.
»
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