L'homme se définit-il par l'outil?
Publié le 10/03/2005
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Il n’est pas aisé de définir l’homme. L’homme est le plus évolué des êtres vivants, il appartient à la famille des hominidés et à l’espèce « homo sapiens «. Cela constitue une certaine description de l’homme, mais pas sa définition au sens de son essence. Qu’est ce qui définit l’homme, quelle est l’essence de l’homme ? On dit souvent que c’est sa capacité à raisonner, ainsi, l’homme serait par essence « animal rationnel «, mais sa rationalité n’est elle pas au service d’une détermination plus profonde ? Il semble que si l’homme raisonne, c’est pour construire et aménager son monde. L’homme se définirait donc par l’outil, c'est-à-dire par les objets qu’il fabrique pour mettre les forces de la nature à son service.
Mais peut être allons nous trop vite : ce n’est pas par ce que l’outil se définit par l’homme que l’homme se définit par l’outil. L’essence de l’homme est mystérieuse, le définir comme fabricant ne rend pas compte de certaines de ses déterminations comme par exemple le désir.
«
1) « L'existence précède l'essence » dit Sartre.
Dans la théorie existentialiste, l'homme n'est pas prédéfini par une essence, il est ce qu'il devient.
Dans ce sens, l'homme est unepure puissance qui ne peut se définir que par ses actes.
Or l'existencede l'homme ne consiste pas qu'à fabriquer des outils. « Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le mondeet qu'il se définit après.» L'homme, tel que le conçoit l'existentialisme, s'il n'est pasdéfinissable, c'est qu'il n'est .d'abord rien.
Il ne sera qu'ensuite et ilsera tel qu'il se sera fait.
Ainsi il n'y a pas de nature humaine, puisqu'iln'y a pas de Dieu pour la concevoir.» ...
L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.
Tel est le premierprincipe de l'existentialisme...
L'homme est d'abord ce qui se jette versun avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans l'avenir.» ...
Si vraiment l'existence précède l'essence, l'homme estresponsable de ce qu'il est.
Ainsi la première démarche del'existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu'ilest et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence.Et quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nousne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricteindividualité, mais qu'il f st responsable de tous les hommes.» Choisir d'être ceci ou cela, c'est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous nepouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons c'est toujours le bien et rien ne peut être bon pournous sans l'être pour tous.
» (J.-P.
Sartre, L'existentialisme est un humanisme)
Présentation du texte
Ce texte est extrait d'une conférence faite par J.-P.
Sartre en 1945 au « Club maintenant » et récemmentrééditée aux Éditions Nagel.
Cette conférence reprenait sous une forme condensée et plus accessible lesgrands thèmes de l'Être et le Néant.
Nous trouvons dans cet extrait la définition même de l'existentialismesartrien.
« ...
L'existence précède l'essence.
» Il s'agit ici de l'existence humaine radicalement différente de l'existencedes objets fabriqués par exemple.
Ce stylo-feutre bleu dont je me sers, existe évidemment.
Mais avantd'exister il a été imaginé, conçu, dessiné peut-être par quelque ingénieur.
Construit selon un modèle et pourun usage ce stylo a été une idée, autrement dit une « essence »avant d'être une « existence ».
Mais moi,homme, j'existe tout simplement.
Ma personnalité n'est pas construite sur un modèle dessiné d'avance etpour un but précis.
Tous les objets sont relatifs à l'usage que l'homme en fait, mais l'homme n'est l'objet nil'outil de personne.
Le stylo est pour l'écrivain, non l'écrivain pour le stylo.« L'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde...
Il n'y a pas de nature humaine puisqu'il n'y apas de Dieu pour la concevoir.
» Le fait même de l'existence est donc, pour les philosophes existentialistes, «absurde » mais ceci n'accrédite nullement une philosophie pessimiste de la vie.
Sartre ne veut pas dire que lavie est laide ou cruelle à la manière de Schopenhauer.
Absurde doit être pris dans le sens que lui donnent leslogiciens : non déductible par la raison :« Les existants apparaissent, dit Sartre, se laissent rencontrer mais on ne peut jamais les déduire.
» Sartrelie la négation de l'essence de l'homme (il n'y a pas de nature humaine) à la négation de Dieu (il n'y a pas deDieu pour concevoir cette nature).
Ce que Sartre nie ici c'est un « Dieu créateur...
assimilé à un artisansupérieur », ce qu'il nie c'est le Dieu de Leibniz qui conçoit dans son entendement une certaine essence del'homme et crée ensuite par un acte de sa divine volonté l'espèce humaine, conforme à l'essencepréalablement conçue.
Ainsi le concept d'homme, dans l'esprit de Dieu est assimilable au concept de stylo-feutre bleu dans l'esprit de l'ingénieur qui le fabrique.
Notons que le Dieu nié par Sartre est un dieu «fabricateur » plutôt qu'un Dieu créateur.
C'est le Dieu de Leibniz ou le Dieu horloger de Voltaire.
Sartrepersonnellement est athée, mais on peut concevoir un existentialisme chrétien.
Au fond, les existentialisteschrétiens ne disent pas autre chose que Sartre ; l'existence du monde et celle de l'homme ne découlent pas,rationnellement, de concepts préalablement posés ; l'homme et le monde sont en effet, pour eux, issus d'unecréation contingente ; ils sont le fruit d'un Amour mystérieux.
L'être du monde (et notre être, ou plutôt notreexister) ne sont pas la conclusion d'un théorème mais l'effet d'une grâce.« L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait...
L'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir et cequi est conscient de se projeter dans l'avenir.
» L'homme n'ayant reçu aucune « essence » préalable, sera telqu'il se sera fait.
L'existentialisme est une philosophie de la liberté.
Certes, tout homme est « en situation ».Il a un corps, un passé, des amis ou des ennemis, des obstacles devant lui, des problèmes vitaux à résoudre.Mais on ne peut pas dire que les situations dans lesquelles l'homme se trouve « déterminent » sa conduite.Par exemple un déterministe prétendait que des gens opprimés se sont révoltés « parce » qu'ils étaient dansune « situation intolérable ».
Sartre fait remarquer qu'une situation n'est pas intolérable en soi, elle le devientparce qu'un projet de révolte lui a conféré ce sens.
On aurait pu avec un autre projet considérer la situationcomme une épreuve sanctifiante, comme l'occasion bénie de se purifier et d'offrir ses souffrances à Dieu.
En.
»
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