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L'homme politique est-il un artiste ou un technicien ?

Publié le 12/10/2009

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La question peut alors se poser sous les termes suivants : qu'est-ce qui oriente la décision politique elle-même ? Est-elle l'objet d'une pure pratique, d'un art, d'une construction purement artificielle ? Elle n'est pas alors soumise à des lois strictes de déroulement et donc d'action. Elle est, bien plutôt, une gestion soumise aux aléas du moment et de la personne en charge. Ou bien est-il possible de considérer que ce qui oriente la décision politique peut être une science, c'est-à-dire un système de lois constantes qui permettent à la fois la compréhension du passé et la prévision des événements à venir ? Le domaine de l'action humaine peut-il être considéré comme celui du monde physique ? La politique est-elle un art ou une science ? Les pages qui suivent envisagent d'abord l'hypothèse de la politique comme science avant de se tourner vers la possibilité de la politique comme pratique. Mais la détermination exacte de la nature de la politique nécessite peut-être l'entrée en jeu d'un troisième terme : la valeur.   

« de classe.

Ces lois sont à la fois fixes et soumises à un processus évolutif dialectique dont le capitalisme est ledernier moment.

La politique comme objet de science, qui se révèle être une science économique, permet donc à lafois de comprendre le passé et de prévoir l'effondrement du capitalisme sous le poids de ses propres contradictions -et en particulier de la loi de baisse tendancielle du taux de profit.L'histoire ne semble pas avoir donné raison à Marx, puisque la révolution prolétarienne non seulement ne s'est pasproduite dans des pays au capitalisme avancé, mais encore n'est jamais parvenue à la société sans classe.

Laperspective historique de la politique, si elle porte en elle des enseignements essentiels sur la nature du politique,n'aboutit pas à une science car elle cherche, chose singulière, à penser la fin de l'histoire pour que cesse leprocessus politique lui-même.

Si donc la politique ne peut être l'objet d'une science historique pas plus qu'elle nepouvait l'être d'une science des Idées immuables, ne vaudrait-il pas la peine de s'interroger sur son statut même deconnaissance scientifique ? Ne peut-elle pas être une construction totalement artificielle ? [Partie II : la politique comme art] La politique est-elle donc une construction qui échappe à tout principe fondateur et à toute loi déterminée dedéroulement ? Plaide en faveur de cette interprétation la variété même des sociétés humaines, la multiplicité desorganisations exécutives, législatives et juridiques.

Ce serait sa nature même d'organisation humaine qui entraîneraitson caractère artificiel.

Car les sociétés animales elles-mêmes obéissent à des lois relativement stables.

Mais lasociété humaine, productrice en toute chose d'artifice, est elle-même soumise à l'artifice dans l'organisation desrapports entre ses membres.Cette idée est celle de Rousseau qui souligne dans le Contrat social que c'est l'état social lui-même qui engendredes conventions artificielles.

Seul l'état de nature révèle véritablement le propre de l'homme, ses besoins et sesdroits inaltérables, l'égalité et la liberté qui en découle.

Or l'état social ne conserve pas ces qualités de l'état denature : c'est en cela que l'on peut le dire artificiel Même si Rousseau l'a présenté comme possible, le rôle que jouel'état de nature dans le Contrat social est celui du mythe : ce qui permet de penser que tout état social est doncconventionnel et artificiel.

Le rôle que remplit l'état de nature est celui de guide pour sortir de l'artifice - rôlespécifiquement mythique : ordonner vers un sens.

Mais, en quelque sorte, la politique rousseauiste est prise entredeux feux : à l'origine un mythe, au débouché ce qui apparaît fortement comme une utopie politique dans un Etat dequelque importance.

Le réel, lui, reste dans son statut de convention.

On reconnaît là le mouvement spécifique auxXVIIe et XVIIIe siècles héritiers de la révolution scientifique de l'époque moderne qui brise les cadres culturellementnaturels du monde physique, de la morale et de la société.

Mais cette perspective ne laisse pas d'être inquiétante.Car autant les sociétés organisées autour de l'idée de monarchie de droit divin ne manquaient pas de se concevoircomme nécessaires, autant la pensée politique de l'époque moderne ne peut se concevoir hors de celle de l'artifice.Dans la politique de Hobbes, certes, la société où règne un pouvoir absolutiste est élaborée pour parvenir àsatisfaire les besoins fondamentaux de l'état de nature : la sécurité des personnes.

Mais pour y parvenir, le contratsocial est nécessaire, moment de l'artifice et de la convention.

Hobbes prévoit même la possibilité - toute formellechez lui - d'une révocation de ce pacte à l'unanimité des membres, Dans la théorie politique de Locke, la société estégalement le fruit d'un pacte qui permet d'assurer la propriété des biens et l'autorité du pouvoir paternel, qui sont àl'œuvre dans l'état de nature.

Mais il prévoit une réelle bilatéralité du pacte : si les droits fondamentaux ne sont pasassurés, le citoyen peut se révolter.

On voit ainsi que, quand bien même, chez Hobbes et Locke, l'état social estpensé en parfaite liaison avec l'état de nature, il n'en est pas moins une convention : c'est l'idée même qu'il peutexister un contrat social, un pacte artificiel, qui regroupe toutes ces pensées de l'organisation politique moderne.

Orcet état de nature, chez Hobbes, Locke et Rousseau se présente sous des figures très différentes quicorrespondent à des valeurs très différentes : sécurité, propriété et autorité paternelle, égalité et liberté n'engagentpas du tout aux mêmes conséquences pratiques.

La politique comme artifice met donc en lumière un problèmeaxiologique que l'idée de la politique comme science parvenait à laisser en dehors de son champ puisqu'elle restaitconcentrée sur l'élaboration de lois.

Or les systèmes politiques contemporains qui sont issus de cette réflexion desLumières s'affrontent comme systèmes de valeur et pratiquent volontiers le prosélytisme politique, comme sil'extension du domaine spatial de la démocratie, par exemple, pouvait être une preuve de la non-conventionnalité dece type de régime.

Or ce n'est nullement le cas des systèmes politiques qui se pensent légitimés par l'ordre dumonde, comme les monarchies de droit divin, qui pourtant devraient se considérer bien plus en droit d'imposer leurorganisation politique.

On peut donc se demander si le pacte social, en soulignant l'artificialité des constitutionspolitiques, ne déclenche pas une véritable crise de valeur. [Partie III : la politique et la crise des valeurs] Ne pourrait-on considérer que non seulement l'organisation humaine est conventionnelle, mais qu'elle ne saurait êtreautre chose ? Sur quoi donc la sophistique grecque du Ve siècle avant J.-C.

appuie-t-elle son enseignement de larhétorique ? Sur l'idée même que la seule chose à apprendre en politique est l'art de convaincre, car il est impossiblede concevoir les rapports humains comme le reflet de valeurs immuables et éternelles.

« L'homme est la mesure detoutes choses », peut ainsi dire Protagoras, ce qui entraîne immédiatement une impossibilité de trouver un garantaux valeurs dans la présence même des dieux : « Quant aux dieux, je ne puis savoir ni qu'ils sont, ni qu'ils ne sontpas.

» Mais la sophistique ne théorise pas cette conventionalité des affaires humaines.

Elle ne fait, à proprementparler, qu'en tirer parti : dans l'enseignement de la rhétorique pour les sophistes eux-mêmes, dans la pratiquepolitique dénuée de scrupule pour leurs élèves comme Critias, le chef des Trente tyrans ou Alcibiade.

C'est ce querévèle la discussion entre Calliclès et Socrate.

Le premier, en effet, s'il s'enthousiasme pour l'idée que la démocratien'est que la politique des faibles qui tentent de ramener à leur niveau les forts, ne peut répondre aux objections deSocrate, et en particulier à celle-là : mais les faibles, tous assemblés, ne sont-ils pas plus fort que le fort ? Dès lors,la démocratie n'est-elle pas effectivement le pouvoir du plus fort - la masse ? La sophistique, pour ne pas rendre. »

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