L'homme est-il un être-pour-la-mort ?
Publié le 19/12/2009
Extrait du document
« La pluie est finie veut dire qu'elle a disparu. Le pain est fini veut dire qu'il , est consommé, qu'il n'est plus disponible comme utilisable. Aucun de ces modes de finir ne convient pour caractériser la mort comme fin de l'être-là. Si le trépas était entendu comme être-à-la-fin au sens d'une fin de ce genre, alors l'être-là serait par là même posé comme étant là-devant ou comme utilisable. Dans la mort, l'être-là n'est ni achevé ni simplement disparu, pas plus qu'il n'est terminé ou entièrement disponible comme utilisable. De même que l'être-là est constamment déjà son pas-encore pendant tout le temps qu'il est, de même il est aussi toujours déjà sa fin. Le finir auquel on pense dans le cas de la mort ne signifie pas pour l'être-là être-à-la-fin, mais au contraire un être-vers-la-fin de cet état « (Martin Heidegger, Être et Temps, 1927).
«
peut dire que « nul » n'était là.
»Ce nivellement, cette médiocrité et cette façon d'éviter toute originalité (« Tout ce qui est original est aussitôtaplati en passant pour du bien connu, tout ce qui a été conquis de haute lutte devient objet d'échange ») serévèlent au mieux dans les bavardages sur la mort.En effet, dans la mort, il en va du tout de mon existence : la mort est ce qui est absolument propre et mien.
Aussil'angoisse devant la mort est-elle en quelque sorte l'angoisse devant la liberté, devant notre être au monde.
Et s' «il est exclu de confondre l'angoisse de la mort avec la peur de décéder », c'est précisément que « l'angoisse de lamort est angoisse « devant » le pouvoir-être le plus propre, absolu, indépassable ».La capacité d'assumer la possibilité de la mort propre, et par suite de se découvrir comme être au monde , commejeté, librement, dans le monde, a donc partie liée avec la capacité du Dasein d'être soi.Or, précisément les bavardages du On à propos de la mort, là encore sombrent dans l'inauthenticité et lerecouvrement.
Il s'agit de camoufler cette mort qui est la mienne en événement, en bien connu.« Si jamais l'équivoque caractérise en propre le bavardage, c'est bien lorsqu'il prend la forme de ce parler sur lamort.
Le mourir, qui est essentiellement et irreprésentablement mien, est perverti en événement publiquementsurvenant.
»Le discours du On transforme la mort en accident : « le On meurt, propage l'opinion que la mort frapperait pour ainsidire le On ».
Là encore il s'agit de se démettre de ses responsabilités et même de soi-même.Ces bavardages interdissent à l'angoisse de la mort de se faire jour : en ce sens, ils privent l'individu de la possibilitéde l'accès à son être propre.
« Dans l'angoisse de la mort, le Dasein est transporté devant lui-même […] Or le Onprend soin d'inverser cette angoisse en une peur d'un événement qui arrive.
»En faisant miennes ces ratiocinations, sans doute gagnerais-je d'être rassuré, d'être indifférent à ce qui m'est leplus propre, mais au prix de l'aliénation, de la perte de soi.Mais si les analyses d'Heidegger ne se donnaient que comme une dénonciation de la pression des bavardages de lamasse, de la dictature anonyme qui régit les rapports humains et interdit à chacun l'accès à lui-même et au monde,elles perdraient de leur pertinence.Le On n'est pas extérieur au Dasein, à l'individu, il est au contraire l'un de ses modes d'être premier et originaire.
ILn'y a pas à faire le départage entre individus authentiques ou inauthentiques.« Le Dasein est de prime abord Un et le plus souvent il demeure tel.
Lorsque le Dasein découvre et s'approcheproprement du monde, lorsqu'il s'ouvre à lui-même son être authentique, alors cette découverte du « monde » etcette ouverture du Dasein s'accomplissent toujours en tant qu'évacuation des recouvrements et desobscurcissements, et que rupture des dissimulations par lesquelles le Dasein se verrouille l'accès à lui-même.
»Il n'y a pas d'accès véritable au monde et à soi-même, de façon authentique d'être qui ne se fasse jour à partir dece fond originaire d'inauthenticité.
Le « On » n'est personne, mais il est un mode d'être de chacun.
La dictature du «on » dont parle Heidegger est d'abord la façon commune de se préoccuper d'autrui.
C'est aussi ce que Heideggernomme « déchéance », c'est-à-dire la façon de ne pas être soi.
L'inauthenticité est un accès barré à notre êtrepropre, une aliénation de soi, au profit de l'anonyme.
Sitôt «jeté dans le monde », nous dit Heidegger, l'homme est livré à la possibilité de mourir.
«Dès qu'un homme vientau monde, il est assez vieux pour mourir », affirme un proverbe allemand repris par Heidegger.
Cet abandonfondamental, cette déréliction qui caractérise la situation humaine est source d'angoisse, mais en même temps moded'être, manière de vivre sa propre vie.
Ainsi, la mort n'est pas un événement strictement biologique qui nous ferait «sortir » du monde.
Au contraire, elle nous dévoile notre manière d'« être-dans-le-monde » comme être fini et projetévers cette fin.
C'est l'existence même de l'homme qui se trouve définie par la possibilité de mourir.
Car ce possible,qui est en même temps la fin de tous les possibles, décide du sens réel que l'homme peut donner à sa vie, de sarelation aux autres, de sa « liberté pour la mort ».
En arrachant ainsi la mort à l'anonymat et à la déperdition,Heidegger montre que l'homme comprend l'authenticité de son être fini et temporel par le biais de l'épreuveangoissante de sa mort en propre.
Plus que le rappel d'une échéance inéluctable, l'angoisse devant la possibilité desa propre mort révèle à l'homme la nature même de son Dasein, la structure de son « être-là»: le Souci pour l'être..
»
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