L'homme est-il dépendant du langage ?
Publié le 27/02/2008
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L'homme est-il dépendant du langage ? Cette question ne peut pas ne pas nous rappeler la formule aristotélicienne définissant l'homme comme « zoon logon « qui signifie certes homme raisonnable mais aussi et surtout homme possesseur du langage. Donc il y aurait un lien intrinsèque entre l'homme et le langage. Cependant l'homme qui est certes caractérisé par sa possession du langage est aussi et avant tout un animal. Si on réduit l'homme à son appartenance au genre animal en lui attribuant comme fin minimal la survie, il semble que le langage ne lui soit pas nécessaire et donc qu'il en soit dans une certaine mesure indépendant. D'où notre question : dans quelle mesure l'homme peut-il faire l'économie du langage ?
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par la voix ou par d'autres mouvements du corps, jamais cependant jusqu'à ce jour on n'a pu observerqu'aucun animal en soit venu à ce point de perfection d'user d'un véritable langage c'est-à-dire d'exprimersoit par la voix, soit par les gestes quelque chose qui puisse se rapporter à la seule pensée et non àl'impulsion naturelle.
Ce langage est en effet le seul signe certain d'une pensée latente dans le corps ; tousles hommes en usent, même ceux qui sont stupides ou privés d'esprit, ceux auxquels manquent la langue etles organes de la voix, mais aucune bête ne peut en user ; c'est pourquoi il est permis de prendre le langagepour la vraie différence entre les hommes et les bêtes. II/ En tant qu'animal rationnel et pensant, l'homme ne peut faire l'économie du langage – rapportlangage-pensée 1.
La pensée semble dépasser la parole En effet quand il s'agit d'exprimer certaines nuances, le langage semble pris au dépourvu.
Y aurait-il de l'ineffable?BERGSON "Ce qu'il faut dire, c'est que toute sensation se modifie en se répétant et que si elle ne me paraît pas changerdu jour au lendemain, c'est parce que je l'aperçois maintenant à travers l'objet qui en (est la) cause, à travers lemot qui la traduit.
Cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu'on ne le pense généralement.Non seulement le langage nous fait croire à l'invariabilité de nos sensations, mais il nous trompera parfois sur lecaractère de la sensation éprouvée.
Ainsi, quand je mange d'un mets réputé exquis, le nom qu'il parle, gros de1'approbation qu'on lui donne, s'interpose entre ma sensation et ma conscience; je pourrai croire que la saveurme plaît, alors qu'un léger effort d'attention me prouverait le contraire.
Bref, le mot aux contours bien arrêtés, lemot brutal, qui emmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans lesimpressions de l'humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle.
Pour lutter à armes égales, celles-ci devraient s'exprimer par des mots précis; mais ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoignerque la sensation est instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité".Ainsi les impressions fugitives semblent irréductibles à notre langage.
2.
Le langage comme constitutif de la pensée Cependant il semble difficile de penser sans l'art de la parole.
Il nous apparaît nécessaire de formuler notrepensée.
L'idée d'une pensée abstraite de toute formulation est ce que Hegel appelle l'intellectualisme – tant quele sujet ne formule pas ses pensées, il reste dans sa sphère propre qui par définition est non réfléchie – non pasréellement une pensée donc mais un sentiment, un « éprouvé » par moi.
Penser c'est se démarquer de cetteintériorité première et primitive.
Le concept ne peut faire l'économie du mot.
Le mot est constitutif de notrepensée.
« C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis » (HEGEL) 3.
Pensée et langage sont intrinsèquement liés : un lien de rétroaction Bien penser ne peut faire l'économie de bien parler.
En effet pour formuler et clarifier sa pensée, il semblenécessaire d'avoir à son actif un certain nombre de concepts, une certaine syntaxe.
Ainsi Benvéniste dira queles catégories d'Aristote sont directement le fruit de la langue grecque et qu'un individu locuteur compétentd'une langue dépourvue du mot « être » ne pourrait penser à la manière d'Aristote, ne pourrait pas comprendreAristote tout court.
Ainsi bien parler semble une condition nécessaire au bien penser.
Cependant bien parler est-il possible sans bien penser.
Inverser la question va nous amener à voir que la relation n'est pas unilatérale maisbien bi-directionnelle.
La parole est la résulante d'une pensée.
Le bien parler est le fruit du bien penser.
Ainsi onentend souvent dire qu'une proposition confuse est le fruit d'une pensée confuse.
Il y a interdépendance entreparler et penser : pensée et langage ne se constituent pas l'un après l'autre mais simultanément.
Il est doncimpossible de dire que bien parler suffit pour bien penser, de même qu'il serait impossible de dire que bien pensersuffit pour bien parler. En tant qu'animal politique, l'homme ne peut faire l'économie du langage afin de communiquer III. 1.
L'homme est un animal politique ARISTOTE« Il est donc évident que la cité est du nombre des choses qui sont dans la nature, que l'homme estnaturellement un animal politique, destiné à vivre en société et que celui qui, par sa nature et non par l'effetde quelque circonstance, ne fait partie d'aucune cité, est une créature dégradée ou supérieure à l'homme.
Ilmérite, comme dit Homère, le reproche sanglant d'être sans famille, sans lois, sans foyers ; car celui qui aune telle nature est avide de combats et, comme les oiseaux de proie, incapable de se soumettre à aucunjoug.
On voit d'une manière évidente pourquoi l'homme est un animal sociable à un plus haut degré que lesabeilles et tous les animaux qui vivent réunis.
La nature, comme nous disons, ne fait rien en vain.
Seul, entreles animaux, l'homme a l'usage de la parole ; la voix est le signe de la douleur et du plaisir et c'est pour cela.
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