L'histoire peut-elle se passer de récit ?
Publié le 17/01/2022
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On ne parle d'histoire qu'à partir de l'apparition de l'écriture. Ainsi s'oppose l'histoire et la préhistoire. Dès lors le récit, en tant que témoignage écrit semble constitue l'une des pièces maîtresse de l'histoire. Et cela d'autant plus que l'histoire actuelle ne cesse elle-même de servir de récits comme témoignages afin de développer son objet. Cependant, le récit se comprend aussi comme un genre littéraire. L'essentiel est de voir alors que le récit ne garantit pas son authenticité et cela d'autant plus qu'il faut appel à la rétrodiction. Ainsi, le témoignage est-il toujours fait de mémoire dans un récit. Or la mémoire est soumise elle-même à l'imagination et à l'opinion. C'est donc la scientificité même de l'histoire qui se trouve en jeu dans ce sujet. En ce sens, comment l'histoire pourrait-elle se passer du récit, même si celui n'est pas nécessairement objectif, tout en gardant sa scientificité ?
Le terme de "récit" peut désigner une histoire racontée. Mais il faut interroger ce que cela signifie : qui est l'auteur de ce récit ? L'historien ? L'histoire elle-même ? Qu'est-ce que cela implique ? Un récit ne suppose-t-il pas une certaine unité ? Un début, une fin, une unité dans l'action, un fil directeur ? Peut-on donc assimiler l'histoire à un récit ? En quoi cela la limite-t-elle ? L'historien ne fait-il que recueillir passivement les événements passés ?
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dimension sociale ? La psychanalyse ou la physique ne se confondent pas pour autant avec l'image populaire de lapsychanalyse ou avec les applications de la physique.
2)L'histoire est l'histoire des sociétés humaines.
L'histoire humaine ne se présente pas comme le recueil des biographies de tous les hommes un par un, et pourquoil'histoire de la nature ne raconte pas des coups de foudre un à un.
Voilà aussi d'où vient l'idée confuse que l'histoirehumaine n'est pas l'histoire des individus, mais celle « des sociétés humaines », ou « de l'homme en société », de cequ'il y a de « collectif » chez l'homme.
En fait, le mot juste est celui de spécificité ; donnons-en deux exemples,empruntés, l'un aux choses humaines, l'autre à la nature.
J'entreprends d'écrire la vie des paysans nivernais sousLouis XIV.
L'un de ces paysans, nommé Pierre à la Guillaume, est mort assez jeune après avoir épousé une veuve quiavait du bien au soleil ; en matière religieuse, il était « conformiste saisonnier » et faisait ponctuellement sespâques, etc.
Vais-je raconter la vie de ce Pierre ? Non, car, historien désintéressé, je n'ai aucune raison dem'intéresser singulièrement à ce paysan plutôt qu'à n'importe quel autre de ses semblables ; il n'est pas mon ancêtreet, quand il le serait, ce n'est pas l'histoire de ma propre famille que je suis en train d'écrire.
Or, dès que je cesse dem'intéresser à ce Pierre « parce que c'est lui », je m'aperçois que tous les détails de la vie de Pierre sont àconfronter avec les détails correspondants de la biographie de chacun des autres paysans nivernais : la mortalitéaux différents âges, le mariage, les secondes noces, la politique matrimoniale, la répartition de la propriété, lapratique religieuse ; ce sont autant de traits spécifiques de la vie des paysans nivernais.
Ainsi, à un recueil debiographies de paysans, je substituerai un recueil d'items spécifiques ; ce recueil n'est pas autre chose quel'« histoire des paysans nivernais ».
Dans cette histoire, la biographie de Pierre se retrouvera tout entière, maisvolatilisée, ventilée en différents items : Pierre aura conservé tous ses traits spécifiques, mais perdu sa singularitéd'individu.
De la même manière, si j'étudie historiquement un grand homme, Louis XIV, sa singularité s'éparpilleraentre le rôle spécifique du roi, qu'il est seul à remplir, le rôle d'amant, ou celui de malade ; ce sont autant d'itemspour l'histoire des institutions politiques, de la vie sexuelle et de la médecine.
3) L'histoire comme un roman ?
L'histoire est un roman vrai et la conception que l'historien se fait de la « causalité » historique est exactement lamême que celle que se fait un romancier de la causalité, telle qu'il la met en œuvre dans son roman ; aussi est-ilsurprenant que plusieurs livres étudient « la causalité en histoire » : pourquoi en histoire précisément ? L'intérêtépistémologique de pareils livres serait exactement le même si leurs auteurs avaient étudié comment nous expliquonsle divorce de Dupont ou le fait que Durand a pris ses vacances à la montagne plutôt qu'à la mer.
Plus simplementencore, on pourrait étudier la causalité dans l'Éducation sentimentale ou la Recherche du temps perdu.
L'histoirehumaine diffère donc grandement de l'histoire de la nature et même de celle des espèces vivantes ; mais cettedifférence lui vient de son objet : l'homme, non de l'implantation de la connaissance historique.
Conclusion.
L'histoire ne peut se passer de récit, mais elle ne peut, au prix de n'être plus une discipline scientifique, se réduireentièrement à ce dernier.
L'histoire est aussi la succession des faits et des événements, des lois qui régissent lesgrands mouvements sociaux..
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