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l'histoire justifie-t-elle ce que l'on veut n'enseigne-t-elle rigoureusement rien car elle donne des exemples de tout (Valéry)

Publié le 19/03/2004

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histoire
C'est que chacun se porte vers le passé avec ses idées sur le présent et sur l'avenir : « Les interprétations concrètes du passé sont liées à des volontés tendues vers l'avenir... L'historien, dans la mesure où il vit historiquement, tend à l'action et cherche le passé de son avenir, c'est-à-dire s'évertue à fonder sur les événements du passé ses prétentions pour l'avenir. Cette façon de procéder est normale chez l'homme. Il commence par des hypothèses injustifiées et, par éliminations successives, aboutit à une conception indiscutable et acceptée par tous. Malheureusement, ce contrôle de l'hypothèse, relativement facile dans les sciences strictement expérimentales comme la physique ou la chimie, est impossible en histoire. D'abord, les événements historiques sont si complexes qu'on ne peut jamais prétendre faire, conformément à la quatrième règle du « Discours de la méthode », de ces revues si générales qu'on soit assuré de ne rien omettre. L'historien doit nécessairement faire un choix, ne s'arrêter qu'au plus significatif. « Il faut donc choisir, c'est-à-dire convenir non seulement de l'existence, mais encore de l'importance du fait ». Chacun choisit les faits qui confirment sa thèse et néglige les autres. Ensuite, les événements historiques ne se répétant pas, un contrôle rigoureux des observations antérieures est impossible.
histoire

« A.

Sans doute, à l'époque préscientifique et plus ou moins encore dans la suite, la majorité des livres d'histoireétaient moralisateurs.

Mais la question est de savoir si, dans la mesure même où ils exercent une certaine influencemoralisatrice, ils ne s'écartent pas de l'histoire vraie, tombant dans la biographie romancée, dans le récit édifiant oudans la légende.

L'histoire vraie « contient tout et nous donne des exemples de tout ».

L'historien qui fait un choixparmi les faits, dans le but de fournir à ses lecteurs de beaux modèles, fait une oeuvre morale, non une oeuvrehistorique.Si le passé nous paraît plus beau que le présent, c'est que nous sommes portés à oublier ce qu'il avait de laid.Constatons ce qui se passe à la mort : les critiques cessent, un concert de louanges ou du moins un silencerespectueux s'imposent.

De là sans doute, la tendance générale à parler des vertus des temps passés.

L'histoire,surtout l'histoire d'autrefois, ne pouvait qu'exagérer cette tendance : sur qui fixait-elle notre attention, sinon sur lesgrands hommes, rois, conquérants, réformateurs ?...

L'humanité moyenne disparaissait dans un fond vague.

Seulsles plus beaux types humains avaient les honneurs de l'avant-scène.

On comprend qu'une telle histoire pûtenseigner quelque chose : elle ne donnait guère que des exemples choisis.Par conséquent, si l'histoire est éducatrice, c'est parce qu'elle ne montre pas le passé tel qu'il est ; parce qu'elle acessé d'être ou n'est pas encore la véritable histoire. B.

L'histoire scientifique ne peut donc pas donner des leçons, et l'historien a pour but d'expliquer le passé, non de lejuger en précisant dans quelle mesure il doit être imité.

Toutefois, le lecteur d'ouvrages qui font revivre le passé, etl'auteur de ces ouvrages lui-même, en tant qu'homme sinon en tant que savant, ne peuvent-ils pas tirer de laconsidération de ce passé des leçons précieuses pour l'avenir ?D'abord, nous avons, de fait, une certaine morale théorique, c'est-à-dire une conception générale de la vie, uncertain sens de l'idéal.

L'histoire pourra nous apprendre comment organiser notre vie personnelle et la vie collectivede manière à réaliser cette conception d'une façon viable et se rapprochant le plus possible de l'idéal entrevu ; ellenous montrera, au contraire, comment certaines méthodes, justifiables d'un certain point de vue, aboutissent, enfait, à un recul de la moralité et de la culture, à un retour vers la barbarie.

L'histoire restera une véritable «maîtresse de vie ».Si nous n'avions pas de morale théorique et si nous n'entrevoyions pas quel sens nous devons donner à la vie,l'histoire ne serait certes pas capable de suppléer à ce déficit.

Comme le physicien, l'historien constate ce qui est :non ce qui doit être.

Or, il n'y a pas de privilège pour ce qui a été, pas plus qu'on ne peut pas jeter l'interdit sur cequi n'a pas encore été.

L'histoire ne peut donc pas résoudre le problème moral.

Elle peut du moins le poser d'unefaçon aiguë.

La vue de cet immense fleuve humain, aspirant toujours à plus de bonheur et à plus de justice, l'appelfréquent lancé par des esprits d'élite à un droit supérieur à la force, les efforts d'âmes généreuses pour réaliserl'accord universel des hommes, ne peuvent pas manquer d'émouvoir le penseur et de l'amener à se poser la question: n'y a-t-il là que vaine aspiration ? Cet idéal dont l'homme subit l'attrait est-il totalement illusoire ? Si l'histoireconduit à se poser cette question, dirons-nous qu'elle n'enseigne rien ? N'est-ce pas un enseignement précieux quede poser les grands problèmes dont la solution commande la vie raisonnable de l'homme ?Si donc l'histoire est incapable de nous fournir une morale toute faite, elle peut du moins nous éclairer dans lapratique de celle que nous professons et rendre plus impérieux le besoin d'une réponse à la question du but de lavie.

« L'histoire, a écrit Fustel de Coulanges, ne nous dira sans doute pas ce qu'il faut faire, mais elle nous aiderapeut-être à le trouver ».L'histoire n'amène donc pas au scepticisme.

Sans doute le sceptique y trouve d'innombrables raisons de son attitude: les contradictions des hommes ont été un des plus forts arguments mis en avant, depuis Pyrrhon jusqu'à Pascal,par ceux qui ont douté de la possibilité pour l'homme d'arriver à la vérité.

Mais cette attitude était antérieure àl'étude du passé.Ne pourrait-on pas expliquer de la même manière l'attitude prise par Valéry à l'égard de l'histoire ? Si, pour lui, «l'histoire peut justifier ce que l'on veut », n'est-ce pas parce qu'il est sceptique ? Il a été frappé par l'impossibilité deséparer l'observateur de la chose observée, et l'histoire de l'historien ».

Mais cette remarque ne doit-elle pass'appliquer aussi au jugement qu'il porte lui-même sur l'histoire ? Ce jugement se justifie dans l'attitude sceptique dePaul Valéry.

Qu'on abandonne cette attitude, et il ne se justifie plus avec la même évidence.. »

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