L'histoire est-elle un poids pour l'homme ?
Publié le 03/09/2009
Extrait du document
À première vue, il peut nous sembler parfaitement exact d’affirmer que l’histoire est un poids pour l’homme, que nous considérions l’histoire individuelle ou l’histoire collective de l’homme. En effet, l’histoire individuelle de l’homme pèse sur lui, le détourne de l’action s’il l’a sans cesse à l’esprit : il y a une quantité d’oubli absolument nécessaire à l’homme dans le seul intérêt de la perpétuation de son existence. De même, l’histoire collective est également un poids pour l’homme, dans la mesure où elle pèse sur son imagination, l’empêche de faire advenir un monde nouveau en lui présentant sans cesse à l’esprit le modèle stérilisant du passé. Pourtant, notre réflexion ne se bornera pas à un réquisitoire contre l’histoire puisqu’elle montrera dans quelle mesure celle-ci est nécessaire, sinon indispensable à l’home : si l’histoire est un fardeau pour l’homme, c’est un fardeau qui contient bien des choses utiles pour lui.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si l’histoire individuelle et collective sont de vains fardeaux pour l’homme, ou au contraire des adjuvants dans la conduite de sa vie.
«
apprentissage sans cesse recommencé de toutes les compétences nécessaires à la perpétuation de sa vie, l'histoiredemeure un poids considérable sur ses épaules.
Il doit l'oublier en partie pour pouvoir consacrer son esprit aumoment présent et gouter le bonheur.
b.
L'histoire comme discipline, un fardeau inutile à l'homme
Mais c'est en un autre sens que l'histoire est un poids pour l'homme : parce qu'elle est une discipline parfaitementinutile.
En effet, Schopenhauer nous donne des arguments pour soutenir cette thèse, lui qui niait non seulement lascientificité de l'histoire en tant que discipline (elle se contente de coordonner des faits quand le propre de la science est de les subordonner à des principes ou de les déduire de ceux-ci), mais le principe même d'un devenir historique.
L' homme n'évolue pas, prétend-il, il obéit en permanence à des motivations qui sont le plus souvent moralement mauvaises, car intéressées :
« La vraie philosophie de l'histoire revient à voir que sous tous ces changements infinis, et au milieu de toutce chaos, on n'a jamais devant soi que le même être, identique et immuable, occupé aujourd'hui desmêmes intrigues qu'hier et que de tout temps : elle doit donc reconnaître le fond identique de tous ces faitsanciens ou modernes, survenus en Orient comme en Occident ; elle doit découvrir partout la mêmehumanité, en dépit de la diversité des circonstances, des costumes et des mœurs.
Cet élément identique,et qui persiste à travers tous les changements, est fourni par les qualités premières du cœur et de l'esprithumains - beaucoup de mauvaises et peu de bonnes.
La devise générale de l'histoire devrait être : Eadem,sed aliter [les mêmes choses, mais d'une autre manière].
Celui qui a lu Hérodote(1) a étudié assez l'histoirepour en faire la philosophie ; car il y trouve déjà tout ce qui constitue l'histoire postérieure du monde :agitations, actions, souffrances et destinée de la race humaine, telles qu'elles ressortent des qualités enquestion et du sort de toute vie sur terre ». Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation , supplément au livre III, chapitre XXXVIII.
Pour Schopenhauer, le temps est un cercle éternellement refermé sur lui-même qui tourne sans progresser.
Il n'y adonc pas d'Histoire à proprement parler, mais une succession de petites histoires se répétant à l'infini : l'histoire estdonc un perpétuel recommencement de « petites histoires » toujours identiques les unes aux autres.
Comme l'écritVanini :
"Achille assiégera Troie à nouveau; les mêmes religions, les mêmes cérémonies renaîtront; l'histoire humainese répète; il n'est rien qui n'ait déjà été." (Lucilio Vanini, Sur les secrets de la nature) .
Nous dirons donc que l'histoire est un poids pour l'homme dans la mesure où elle est un savoir inutile, dontl'apprentissage est long et laborieux dans le détail alors qu'il peut se résumer en général à cette seule formule quil'anéantit comme savoir : tout ce qui advient est déjà advenu et se répétera encore.
II.
L'histoire est un poids pour l'homme car elle est un obstacle à l'avènement de la nouveauté a.
L'étude de l'histoire, un poids qui pèse sur l'imagination de l'homme
Allant plus loin, nous dirons que l'histoire est un poids pour l'homme car elle pèse sur son imagination comme unelimitation de ses capacités à faire advenir quoique ce soit de nouveau.
En effet, Marx dans Le 18 Brumaire de Napoléon Bonaparte montre que l'écriture de l'histoire est une activité qui empêche la réalisation de la nouveauté dans le monde des hommes, celle-ci étant tout à fait envisageable, possible.
En effet, il écrit ces mots :
« Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librementchoisies ; celles-ci, ils les trouvent au contraire toutes faites, données, héritage du passé.
La tradition de toutesles générations mortes pèse comme un cauchemar sur le cerveau des vivants.
Et au moment précis où ilssemblent occupés à se transformer eux-mêmes et à bouleverser la réalité, à créer l'absolument nouveau, c'estjustement à ces époques de crise révolutionnaire qu'ils évoquent anxieusement et appellent à leur rescousse lesmânes des ancêtres, qu'ils leur empruntent noms, mots d'ordre, costumes, afin de jouer la nouvelle piècehistorique sous cet antique et vénérable travestissement et avec ce langage d'emprunt (…) Il en est ainsi du débutant qui, ayant appris la langue nouvelle, la retraduit toujours en sa langue maternelle, mais il n'aura assimilél'esprit de la langue apprise et ne pourra créer librement dans celle-ci que le jour où saura s'y mouvoir sans nuressouvenir et oubliera, en s'en servant, sa langue d'origine ».
Cet extrait montre bien que l'histoire est comme un poids qui pèse sur la cervelle des hommes pour les empêcher de.
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