L'histoire de l'humanité obéit-elle à une finalité supérieure ?
Publié le 22/02/2004
Extrait du document
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La conjugaison de ces deux forces donne ce principe étrange et paradoxal, « l'insociable sociabilité » que cetexte a pour objet de nous présenter.
Kant cherche à dégager un principe qui permette de comprendre lemouvement de l'histoire, afin d'essayer de lire, au-delà de la profusion des événements, quelque loi généralequi échapperait au désordre apparent des conduites et des faits.
Ce principe, « l'insociable sociabilité », nousoffre un angle de vue suffisamment aigu pour nous permettre de saisir toute la complexité de l'histoire, enapparence absurde.Une question mérite alors d'être posée.
On admet, en principe, que deux forces ou tendances opposéess'annulent et aboutissent à cette paralysie qu'on appelle « immobilité », en physique.
Or, ici, cet antagonismeest au contraire présenté comme un puissant moteur de l'histoire et du progrès humain, car c'est la résistanceque chacun rencontre dans la satisfaction de son intérêt propre qui éveille ses forces et le porte à sedépasser.
Il cherche alors « à se frayer une place parmi ses compagnons, qu'il supporte de mauvais gré, maisdont il ne peut se passer.
»Il y a donc là comme un renversement de tendance, la cause (l'égoïsme) étant contraire à l'effet (le progrès),de telle sorte que c'est son caractère antagoniste qui lui donne sa force et son efficacité.
De ce processusnaissent en effet les grands talents et les grandes oeuvres collectives.
Ce à quoi s'oppose cet extrait:
Ce texte de Kant n'est pas sans rappeler ce qu'Hegel appellera le « travail du négatif », expression qui décritcomment les passions humaines aboutissent, chez l'homme, à l'instauration de la raison et au progrès del'histoire.Mais l'originalité du texte de Kant provient de la conception de la nature qu'il sous-entend : « Le moyen dontla nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leur antagonisme au seinde la société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'une ordonnance régulièrede cette société », écrit Kant juste avant le début de l'extrait présenté ici.Ainsi, l'ordre naît du désordre apparent et la nature n'est plus considérée comme un ensemble mécaniquementdéterminé et aveugle, mais comme un tout finalisé.
Elle accomplit en effet un projet (« dessein ») pour lequelelle impose aux phénomènes une finalité, celle du développement des dispositions naturelles de l'homme.
Kants'oppose ainsi à tous ceux qui ne voient dans l'histoire que le règne du désordre et du hasard, mais il s'opposeaussi à ceux qui cherchent le sens de l'histoire uniquement dans les luttes entre individus que celle-ci nousprésente.Contrairement à un auteur comme Marx qui, au XIX siècle, « séparera » en deux les forces antagonistes quis'opposent dans la société (le seigneur et le serf ; le roturier et le noble ; le bourgeois et le prolétaire – c'est-à-dire, en définitive, l'opposition du maître et de l'esclave), Kant introduit cet antagonisme au coeur mêmedes individus.Ce n'est pas la société qui est, comme expression de la lutte des classes, antagoniste, mais l'homme lui-même.
Ce qui laisse supposer qu'il n'est ni possible ni souhaitable de le réconcilier avec lui-même, sous peinede se priver du principal moteur du développement humain.
La finalité de l'histoire est une unification politique complète"Une tentative philosophique pour traiter l'histoire universelle en fonction du plan de la nature, qui vise à uneunification politique totale dans l'espèce humaine, doit être envisagée comme possible..." KANT
Emmanuel Kant (1724-1804), philosophe allemand, est célèbre dans l'histoire de la philosophie pour avoir tentéune synthèse entre l'idéalisme et le réalisme.
Certes, la connaissance, pour l'homme, est possible, mais elleest limitée.
Tel est le sens général de la Critique de la raison pure, dont il publie la première édition en 1781,première des trois Critiques qui assureront sa gloire, et qui lui feront traiter la question de la morale (Critiquede la raison pratique, 1788) et la question du beau (Critique de la faculté de juger, 1791).
A côté de ces oeuvres monumentales, Kant rédige plusieurs opuscules.
Ainsi, en 1784, une Idée d'une histoireuniverselle au point de vue cosmopolitique qui répond à une demande exprimée dans un journal littéraire :
A la fin de sa vie, Emmanuel Kant rédige, sous la forme de neuf propositions, un court essai qui suggère quel'Histoire pourrait avoir un point final.
Il s'agit, pour le philosophe, de ranimer l'idée d'une Histoire universellequ'il n'aura plus le temps ni la force d'écrire.
L'évolution de l'Humanité, telle que la relatent les historiens,obéit-elle à une rationalité, a-t-elle un sens, une direction et une signification? Quelle unité discerner dans lechaos des événements? Ne peut-on distinguer un mouvement d'unification politique de l'espèce humaine? Siles réponses paraissent évidemment difficiles à établir, les questions sont comme une nécessité de l'esprithumain pour penser l'histoire :Une tentative philosophique pour traiter l'histoire universelle en fonction du plan de la nature, qui vise à uneunification politique totale dans l'espèce humaine, doit être envisagée, comme possible et même commeavantageuse pour ce dessein de la nature.
»Kant rappelle ainsi que l'Histoire n'appartient pas qu'à l'historien.
Le philosophe est sommé d'en dégagerl'universalité (unus vertere : tourner dans une seule direction) comme naguère le théologien.
Pour ce faire,Kant propose de substituer à la Providence de Bossuet, la Nature.
Cette dernière se sert des passionshumaines et des conflits qu'elles génèrent pour accomplir son dessein secret :« Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leurantagonisme au sein de la Société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause d'uneordonnance régulière de cette Société j'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-.
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