L'Histoire, ce qui arrive à l'homme ou par l'homme?
Publié le 19/01/2005
Extrait du document


«
« Aussi bien la poésie est un genre plus philosophique et plussérieux que l'histoire : la poésie dit plutôt ce qui relève du général,l'histoire ce qui relève du particulier.
Fait partie du général l'espèced'hommes à qui il arrive de faire ou de dire telle espèce de chosesselon la vraisemblance ou le nécessaire, c'est le but de la poésiequi attribue des noms, tandis que le particulier c'est ce qu'a fait ousubit Alcibiade.
» Aristote, Poétique , 9, 1451a 36-b 11.
C'est au chapitre IX de la « Poétique » qu' Aristote ,
contre l'enseignement de Platon , assigne à l'art (en
particulier à l'épopée et à la tragédie), un caractère
philosophique qu'il récuse à l'histoire.
Ainsi déclare-t-il
que « La poésie est plus philosophique que la
chronique. »
La thèse d' Aristote est étrange pour un lecteur
moderne.
Nous pensons l'histoire en termes de science
de rigueur alors qu' Aristote n'y voit que le récit servile
des faits tels qu'ils se sont produits.
C'est la fiction
même, la construction poétique qui confère à la poésie sa supériorité sur l'histoire : « La différence
est que l'un dit ce qui a eu lieu, l'autre ce qui pourrait avoir lieu ; c'est pour cette raison que la
poésie est plus philosophique et plus noble que la chronique : la poésie traite plutôt du général,
la chronique du particulier. »
Ce n'est pas l'écriture en vers ou en prose qui donne à l'œuvre poétique son caractère (une
chronique écrite en vers reste une chronique), mais le type de rapport au réel qui se fait jour dans
l'œuvre.
La chronique (l'histoire) s'en tient aux faits tels qu'ils se sont passés, aussi invraisemblables et illogiques qu'ils soient.
En ce sensaussi, d'après Aristote , elle a très peu à nous apprendre, car les faits rapportés auraient tout aussi bien pu se produire autrement. La chronique reste immergée dans la sphère de la contingence, du possible, du hasard.
Elle ne peut donc pas nous éclairer sur cequi nous entoure.
A l'inverse, la poésie ne s'en tient pas à la réalité, mais en produit, grâce à la fiction, une
intelligence.
Elle ne traite pas du particulier, du contingent, mais du général.
« Le général, c'est le
type de chose qu'un certain type d'homme fait ou dit vraisemblablement. »
L'intrigue proposée par le poète n'est pas un pur caprice imaginatif, ni un simple récit des faits : c'est une intelligence de l'action.La fiction vise à dégager la cohérence, la vraisemblance ou la nécessité d'une action.
Tel type de personnage, placé dans tel typede situation devra logiquement se conduire de la façon décrite.
C'est la mise à jour de cette logique que le poète effectue, alorsque le chroniqueur est astreint à décrire les hasards et les interférences qui peuvent perturber cette cohérence.
Par exemple, Sophocle décrira dans « Antigone » non pas le caractère des héros, Antigone et
Créon , mais ce que leurs types de convictions les amèneront à faire.
Le souci politique de Créon le
poussera à interdire à celui des frères d' Antigone qui s'est battu contre la ville d'être enterré, et à
accorder une sépulture à l'autre.
La piété religieuse et familiale d'Antigone la conduit à juger
tyrannique et injuste l'édit de Créon .
La pièce décrit alors la logique d'un affrontement inévitable.
La force d'une telle œuvre (et aussi bien d' Œdipe ) provient du fait que le lecteur y reconnaît des
schèmes, une logique à l'œuvre dans d'autres situations, et que cette reconnaissance permet une
meilleure compréhension de la réalité.
Si l'on préfère, la fiction, la mise en intrigue, épure
l'histoire réelle ou supposée telle de ses scories contingentes, pour en dévoiler la pure logique.
Par suite, si la conception de l'histoire qui est celle d' Aristote s'éloigne considérablement de la
nôtre, il en va de prime abord de même pour sa conception de l'art.
L'intérêt premier de l'œuvre
ne vient pas de l'étude psychologique des caractères, de l'étude des personnages.
L'unité de
l'œuvre provient de ce qu'elle représente l'unité d'une action.
« L'unité de l'œuvre ne vient pas, comme certains le croient, de ce qu'elle a un héros unique.
Car.
»
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