L'héritage chrétien en philosophie (Saint Augustin, Saint Thomas d'Aquin) ?
Publié le 01/06/2009
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Durant toute l'Antiquité, l'homme imaginait des dieux à sa mesure, humble tentative de lutte contre la fatalité et l'arbitraire qui paraissaient la loi du monde : c'était la mythologie. Mais voilà que Dieu crée les hommes à son image, retournement immense apporté par la révélation chrétienne : c'est l'apparition de la métaphysique. A travers les persécutions et les martyrs, le christianisme a gagné tout l'Empire romain entre les IIIe et Xe siècles, et par là même il a christianisé l'héritage grec. Le christianisme occidental devient ainsi la composante majeure de la pensée de la civilisation qui nous précède, y compris la pensée rationaliste, dans la mesure même où elle s'est constituée contre lui. Le christianisme ne cessera plus d'être au coeur de l'histoire humaine qu'il anime de sa chaleur vitale et de la force dilatante et communicative dont le Sermon sur la Montagne donne le meilleur exemple. Athée, un européen est encore prisonnier d'une éthique, de comportements psychiques, puissamment enracinés dans la tradition chrétienne (Fernand Braudel). Le devoir ancien de justice tel qu'il apparut chez Cicéron et fut célébré par Rome est bouleversé par le nouvel idéal de charité qui le transfigure. Le christianisme fait appel à l'amour pour établir dès ici-bas le règne de Dieu, et chacun dans cette oeuvre est égal aux autres hommes : tous égaux devant Dieu.
Un seul commandement entraîne tous les autres : aimer Dieu. Comment aimer Dieu ? en aimant son prochain. Mutation prodigieuse, si l'on songe qu'Aristote lui-même pensait l'esclavage nécessaire, et étendait l'incapacité d'être vertueux à tous ceux qui avaient une activité manuelle ou lucrative. Or voici que Dieu se fait homme et menuisier! La pensée grecque affirmait l'intelligibilité du monde et le pouvoir de l'homme de régler rationnellement sa conduite, mais souffrait d'un déséquilibre profond, car elle voyait cruellement en même temps le péché humain et cherchait un sauveur. Cette opposition est l'une des clefs de la tragédie grecque. Origène (185-254) d'Alexandrie offre la première synthèse : Bonté de Dieu. Création des âmes. Libre révolte des âmes s'opposant à leur père. Rédemption de ces âmes par jésus-Christ. Sanctification des âmes par l'esprit. Tout cela s'enchaîne dans un système harmonieux qui rassemble l'essentiel de la doctrine de la jeune Église. C'est en vain que Plotin veut riposter. Origène accélère la conversion des grecs à l'Évangile. Plus tard, et après des batailles autour de la filiation du Dieu-homme et de Dieu-le-Père, saint Augustin reprend l'effort d'Origène et de saint Athanase; il établit vigoureusement les fondations de la doctrine de l'Église.
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: la première conséquence politique est donc que l'homme ne peut accepter de la part de l'État n'importe quel acteque ce dernier lui proposerait ou lui imposerait.Le christianisme veut que l'homme écarte certains rapports de subordination et en tout cas refuse absolument toutrapport d'absorption.
L'homme a des fins essentielles qu'il ne peut sacrifier, il porte en lui des droits inhérents à sapersonnalité et résultant de sa vocation à l'immortalité.
C'est pourquoi la détermination des limites des droits del'État est chose essentielle pour le christianisme.Le citoyen n'était dans la cité antique qu'une partie du tout.
Il revêt maintenant une valeur absolue.
La conceptionde l'État souverain ne sera acceptable que si cet État est une société ouverte, et qu'il ne prétend pas enclore en luil'homme entier (et avec l'homme, le chrétien).Ainsi naît une partie nouvelle du droit qui concerne les rapports de l'État avec les individus ou les collectivités.
C'estde lui que viennent les libertés publiques.
Le droit romain ne s'était jamais élevé jusqu'à l'idée que l'homme, commetel, est libre.Ce sont ces idées politiques, intimement liées à l'enseignement moral qui les fonde, que Saint Thomas d'Aquin abrassées dans une gigantesque oeuvre de Synthèse.
Saint Thomas d'Aquin (1225-1274)
Saint Augustin avait confondu dans ses études l'ordre naturel et l'ordre surnaturel.
Saint Thomas d'Aquin posera audépart de sa philosophie une vigoureuse distinction entre l'âme et le corps.
Ainsi, sur la terre, le pouvoir sacerdotalest ce qui procède de l'âme et le pouvoir des princes ce qui procède du corps.La révolution de saint Thomas est d'abord un retour aux sources païennes.
Il a l'audace de redécouvrir Aristote etde mettre fin à ce qu'on appelle le sacerdotalisme médiéval.
Saint Thomas tente la synthèse, la somme, de tout cequi était connu de son temps.
(Titre de son principal ouvrage la Somme théologique.)D'Aristote, saint Thomas tire que la société politique est naturelle à l'homme, car l'homme est par nature un « animalcivique » (on traduira cette célèbre formule par « animal politique )).Il a aussi recours à Cicéron :La société est une multitude organisée sous une loi de justice consentie dans un intérêt commun.Saint Augustin reprenait aussi cette phrase dans sa Cité de Dieu, mais c'était pour la refuser en tant que notion deCité sentimentale et affective.La société englobe donc les citoyens; mais elle ne les absorbe pas : la conception thomiste de la Cité est organique,et non pas mécanique.Nous nous arrêterons aux conceptions politiques de saint Thomas, utiles à connaître du seul point de vue del'histoire des idées.
Saint Thomas, comme beaucoup de docteurs du temps, se penche sur le problème de l'origine dupouvoir politique.
Il montre que cette origine est Dieu et affirme que le Pouvoir est par conséquent en lui-mêmenécessaire et divin, mais ses formes sont contingentes et humaines.Ces formes, saint Thomas les trouve dans Aristote.
Il y a trois types de gouvernements purs : monarchie,aristocratie, démocratie, et il y a trois types de formes altérées : tyrannie, oligarchie, démagogie (cette dernièreappelée démocratie par opposition à la démocratie au sens actuel, dite dans la première série de trois types «politéia »).Saint Thomas sépare rigoureusement les gouvernements qui agissent « droitement » et ceux qui agissent «injustement » par rapport au bien commun.
Ses critères politiques sont donc moraux.
Les premiers gouvernementssont « politiques », c'est-à-dire qu'ils agissent conformément à la loi.
Les autres sont « despotiques » : ils agissentsans lois ou au mépris des lois.Saint Thomas donnerait, en principe, sa préférence au système monarchique « politique » : un seul gouverne, maisselon les lois.
Cela serait conforme à l'exemple divin (l'Église est construite selon une hiérarchie monarchique), auxenseignements de la philosophie (l'art imite la nature, et la nature est suspendue à l'unité) et aux leçons de l'histoire(les exemples de cités sans roi ont été des échecs).
Mais saint Thomas d'Aquin sait que le régime idéal n'est pasviable.
Toujours fidèle à Aristote, il recommande un régime modéré et intermédiaire entre les différents types : lerégime mixte.Le régime mixte est une combinaison de formes simples qui se limitent mutuellement.
Donnons-en une définitionrapide due à Marcel PRÉLOT, l'idée va marquer toute la pensée politique à venir.Un seul chef commande selon la loi et la vertu.
Selon les mêmes lois et vertus, des magistrats concourent àl'administration; enfin, tous les citoyens participent à la souveraineté comme électeurs et sont éligibles à toutes lesmagistratures, y compris la suprême.Par la suite, saint Thomas sera revendiqué à la fois par les monarchistes intégraux et par les démocrates chrétiens.Gardons comme enseignement que toute la politique de saint Thomas se veut conforme à la nature (c'est-à-dire àDieu).
Le législateur doit uniquement redresser, orienter, maintenir et conserver la nature, et par rapport à lanature.
Malheureusement, ces idées ne devaient pas entrer dans la pratique, puisque le sacerdotalisme médiévalallait laisser la place à l'absolutisme princier qui trouve son sommet en Louis XIV...
Il y a loin de saint Thomas àBossuet..
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