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L'expression du jugement personnel de Montaigne dans les Essais fait-elle de cet auteur un critique sévère de la société de son temps ?

Publié le 16/04/2009

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montaigne

Michel Eyquem de Montaigne a entrepris de dicter les Essais autour de 1572. Les Essais se nourrissent autant de son expérience d'homme dévoué à la communauté (Montaigne fut Maire de Bordeaux) autant que de son expérience des lecture de l'humanisme dans la « retraite « de sa « librairie «. Montaigne publie les livres I et II à Bordeaux en 1580, puis les complète avec le livre III dans l'édition parisienne de 1588. Il continue ensuite d'enrichir son œuvre en vue d'une  dernière édition. Les Essais ont a ce point marqué l'histoire de la littérature et de la pensée parce qu'ils marquent l'effort original d'un individu pour étudier sa propre individualité, mais aussi parce que l'écriture de cette œuvre « a sauts et a gambades «, c'est-à-dire avec une grande liberté de ton marquaient une véritable rupture avec le style des prédécesseurs de l'auteur.   Par expression du jugement personnel, nous entendons la mise en mots d'une opinion formulée par l'auteur, qui manifeste une critique, ou au contraire un accord avec un objet de pensée. Il faut bien voir que ce type de jugement ne prétend précisément pas a l'objectivité, a une expression sans passion et prétendument apaisée d'une pensée : il s'agit au contraire de la prise de position d'un individu, qui exprime ce qu'il pense sans prétendre faire abstraction de sa propre subjectivité.   Lorsque quelqu'un est le critique sévère de la société de son temps, il prétend mettre en évidence les défauts du monde qui l'entoure, dans le but de provoquer une prise de conscience de la part de ses contemporains, et partant, une amélioration concrète de ce qu'il critique.   A première vue, nous pouvons dire qu'il est certain que le jugement personnel de Montaigne dans les Essais conduit a faire de cet auteur un critique sévère de la société de son temps, dans la mesure ou la confrontation du monde tel qu'il est avec la lecture des anciens, ses propres valeurs, et le modèle surprenant des habitants du nouveau monde, lui fournissent de nombreuses raisons de se faire le contempteur du monde qui l'entoure. Cependant, nous verrons que si l'auteur critique la société de son temps, il n'en laisse pas moins d'être anime par un esprit de curiosité et de tolérance qui forme une irréductible confiance en l'homme.   La question au centre de notre travail sera donc de déterminer dans quelle mesure l'expression du jugement personnel de l'auteur dans les Essais aboutit à une critique de la société de son temps qui ne laisse pas d'être tempérée par une confiance rayonnante dans les vertus de l'humanité.

I.                   Une écriture du soi qui ouvre sur une critique sévère de la société contemporaine

  1. Une écriture ou apparait clairement le jugement de l'auteur
  1. Un jugement souvent sévère sur les contemporains de l'auteur

II.                Un jugement personnel marqué par la pensée des anciens et la découverte du nouveau monde

  1. La pensée des anciens pour critiquer les modernes
  1. La découverte du nouveau monde pour repenser l'ancien

  

III.             Cependant, l'expression du jugement personnel de Montaigne l'incline également à la confiance en l'humanité

  1. Un moi avide de découvrir le monde par la pensée et les voyages
  1. Une confiance irréductible dans les vertus de l'humanité

montaigne

« " Quand les vignes gèlent en mon village, mon prêtre en argumente l'ire de Dieu sur la race humaine, et juge que la pépie en tiennedéjà les Cannibales ". Mais il faut bien voir que la critique de Montaigne ne se borne pas à une dénonciation de l'ignorance, et par conséquent a unepromotion de la culture et du savoir pour y remédier.

Car si Montaigne critique l'ignorance de ses contemporains c'est parce que celle-ci les conduit les plus souvent a l'intolérance, et celle-ci a la violence.

Comme l'écrit ailleurs dans les Essais Montaigne : « Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinonque chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes ». Nous dirons donc que si Montaigne exprime son jugement personnel dans les Essais , c'est bien souvent pour critiquer avec sévérité ses contemporains, dont l'ignorance peut les mener à l'intolérance, et celles-ci aux formes les plus horribles de la violence : rappelons à cepropos que Montaigne vivait au temps des guerres de religion qui ont ensanglanté la France.

II.

Un jugement personnel marqué par la pensée des anciens et la découverte du nouveau monde La pensée des anciens pour critiquer les modernesa. Allant plus loin, nous dirons que si le jugement personnel de l'auteur le conduit bien souvent à critiquer ses contemporains, il le fait leplus souvent a l'aide d'arguments conceptuels qui sont tires de la lecture des anciens.

On voit en effet à travers les Essais une véritable profusion de citations, exemples, mais aussi des thèmes.

Nous savons en effet que Montaigne aimait beaucoup à lire lesanciens, surtout les Romains, et qu'il ne se déplaçait jamais sans un livre dans ses voyages.

Les Essais abondent en effet de citations de poètes, tels que Lucrèce, Virgile, Horace, Catulle et Ovide, mais aussi d'auteurs de textes comiques, comme Térence et Plaute.Cette lecture des auteurs de l'antiquité fournit à Montaigne des concepts et des valeurs a partir desquelles il critique sescontemporains, notamment des valeurs stoïciennes telles que le renoncement aux positions sociales dominantes, l'art de vie simple, larésignation, ou des valeurs épicuriennes comme l'acceptation de la mort et de la vieillesse. La découverte du nouveau monde pour repenser l'ancienb.

Mais il faut bien voir que si le jugement personnel exprimé par Montaigne fait souvent des Essais un réquisitoire contre sescontemporains, c'est aussi parce que Montaigne trouve dans les relations de la découverte du nouveau monde des arguments pourcritiquer l'ancien.

En effet, contrairement a ses contemporains, Montaigne s'efforce de porter un regard neuf sur les habitants del'Amérique et notamment sur les fameux cannibales dont il est question dans le chapitre Des coches ou dans Des cannibales . Montaigne a d'ailleurs probablement rencontré des colons revenus du Brésil pour s'informer et recueillir des informations a partirdesquelles concevoir ses propres opinions.

« Quand je regarde à cette ardeur indomptable, dequoy tant de milliers d'hommes, femmes, et enfans, se présentent et rejettent àtant de fois, aux dangers inévitables, pour la deffence de leurs dieux, et de leur liberté : cette genereuse obstination de souffrir toutesextremitez et difficultez, et la mort, plus volontiers, que de se soubsmettre à la domination de ceux, de qui ils ont esté si honteusementabusez : et aucuns, choisissans plustost de se laisser defaillir par faim et par jeusne, estans pris, que d'accepter le vivre des mains deleurs ennemis, si vilement victorieuses : je prevois que à qui les eust attaquez pair à pair, et d'armes, et d'experience, et de nombre, ily eust faict aussi dangereux, et plus, qu'en autre guerre que nous voyons.

(…) Au rebours, nous nous sommes servis de leurignorance, et inexperience, à les plier plus facilement vers la trahison, luxure, avarice, et vers toute sorte d'inhumanité et de cruauté,à l'exemple et patron de nos moeurs.

Qui mit jamais à tel prix, le service de la mercadence et de la trafique ? Tant de villes rasees,tant de nations exterminees, tant de millions de peuples, passez au fil de l'espee, et la plus riche et belle partie du monde bouleversee,pour la negotiation des perles et du poivre : Mechaniques victoires.

Jamais l'ambition, jamais les inimitiez publiques, ne pousserent leshommes, les uns contre les autres, à si horribles hostilitez, et calamitez si miserables.

Les Essais, livre III, chapitre VI. Ce texte est en effet frappant parce qu'il produit une critique de l'Europe et un éloge de ceux que ces derniers appellentles « sauvages » alors que cette appellation pourrait fort bien leur être donnée, d'après Montaigne.

Nous dirons donc que si lejugement personnel de Montaigne dans les Essais fait bien souvent de lui un critique sévère de ses contemporains, c'est parce que cejugement est fortement influencé par la découverte du nouveau monde et de ses habitants, qui fournissent à l'Europe un modèleinattendu et paradoxal.

III. Cependant, l'expression du jugement personnel de Montaigne l'incline également à la confiance en l'humanité Un moi avide de découvrir le monde par la pensée et les voyagesa.. »

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