L'expérience est-elle la seule source de nos connaissances ?
Publié le 17/01/2022
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lorsque, grâce à un doute totalitaire, nous avons réussi à « détacher l'esprit des sens » et à lui rendre sa pureté native.
A l'opposé de l'empirisme, le rationalisme dogmatique affirme que l'esprit humain possède en lui-mêmetoutes les conditions de son savoir a priori, cad antérieurement à toute expérience.
Une première solution consiste à affirmer que la raison est une donnée première qui ne doit rien à l'expérience et quel'homme en possède congénitalement les principes.
Toute une tradition philosophique, depuis l'Antiquité grecque,affirme que les principes de la raison existent a priori et indépendamment de l'expérience sensible.
C'est ainsi que pour Platon , l'âme les tient d'une existence antérieure à son union au corps.
Pour Platon , l'âme a une existence distincte du corps.
Elle est immortelle, elle est source et principe du mouvement, elle est ce qui animele corps.
Elle a existé avant d'être enfermée en lui, elle existera après sa disparition.
Avant de s'incarner dans uncorps, l'âme a appartenu à un cortège divin, elle a eu connaissance de la vérité dans un monde suprasensible.
Pour Descartes aussi la raison est innée et irréformable.
Il voit en elle « la marque de Dieu sur son ouvrage ».
Les principes sont de « vraies et immuables natures » ou « idées innées » et ont été comme gravés dans l'esprit de tout homme par le créateur [1].
[1] INNÉISME
INNÉISME
Doctrine philosophique d'après laquelle sont en quelque sorte inscrits ou présents dans l'esprit humain des idées, des vérités(rapports entre idées) ou des principes.
On la fait parfois remonter jusqu'à Platon (théorie de la réminiscence : l'âme conserve lesouvenir confus des idées contemplées avant cette vie).
La théologie chrétienne a souvent repris et transposé cette thèse, sous laforme de la doctrine de l'illumination intérieure : Dieu est le Verbe qui éclaire nos esprits (saint Augustin, Aurelius Victor, Malebranche, Bordas-Demoulin ; pour ce dernier, les idées sont à la fois en Dieu et en nous).
Mais l'innéisme est proprement la doctrine de Descartes ( Méditation troisième ), pour qui l'homme a trois sortes d'idées : adventices (venues du dehors), factices (imagination) et innées (ainsi les idées mathématiques : «Lorsque je commence à les découvrir, il ne me semble pas que j'apprennerien de nouveau, mais plutôt que je me ressouviens de ce que je savais déjà auparavant, c'est-à-dire que j'aperçois des choses quiétaient déjà dans mon esprit, quoique je n'eusse pas encore tourné ma pensée vers elles» Méditation cinquième ).
Locke, dans l' Essai philosophique concernant l'entendement humain (1690), triomphe trop aisément de la thèse cartésienne en l'entendant à la lettre : ces idées ne se rencontrent pas chez l'enfant ni chez le primitif.
Certains textes de Descartes se prêtaient à cette interprétationréaliste : Lettre à Newcastle de mars ou avril 1648, évoquant un dépôt d'objets dans notre esprit.
Mais d'autres présentent l'innéité comme virtuelle : Notæ in programma ; Réponses aux troisièmes objections (d'une idée née avec nous «j'entends seulement que nous avons en nous-mêmes la faculté de la produire»).
C'est également comme virtualités que Leibniz comprend les idées innées ; ilse déclare, après Descartes, «pour l'idée innée de Dieu » (Nouveaux Essais sur l'entendement humain ).
Kant situe clairement le problème : «Si toute notre connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute de l'expérience» ( Critique de la raison pure ) ; les données sensibles sont organisées par les «formes» de la sensibilité et de l'entendement.
Pour les évolutionnistes tels que Spencer, ce qui est inné dans l'individu a été acquis par l'espèce.
Encore faudrait-il distinguer innéitépsychologique et antériorité transcendantale.
Il semble difficile de nier le pouvoir organisateur de l'esprit : la connaissance est, pourLéon Brunschvicg, un accord mouvant entre un réel inachevé et un esprit en devenir.
Rousseau, contre Locke, affirme que la conscience morale est innée : quand le bien et le mal se présentent à nous, nous lesreconnaissons immédiatement, pour aimer l'un et détester l'autre, et «c'est ce sentiment qui est inné».
Max Scheler affirme que lesvaleurs sont appréhendées par des intuitions d'ordre émotif, cela contre les prétentions du sociologisme à les expliquer parl'éducation ( Le Formalisme en éthique , 1913-1916).
De plus, si on envisage l'expérience au sens restreint et précis d'expérimentation scientifique, on s'aperçoit quel'expérience n'est pas une donnée brute, mais le résultat d'une élaboration rationnelle.
Ainsi il est quelque peu abusif de considérer l'expérimentation comme une source de connaissance puisqu'elle estdavantage un moyen de vérifier, ou plus exactement de contrôler, la validité d'une hypothèse théorique.
Ceci nous conduit à poser la question plus générale du rôle de la raison dans la constitution de l'expérience.
C - LA RAISON CONSTITUTIVE DE L'EXPÉRIENCE ?
C'est dépasser l'opposition terme à terme de l'empirisme et du rationalisme que d'envisager l'expérience commeconditionnée par l'entendement.
Ainsi toute expérience suppose un certain nombre de règles que le sujet impose à l'avance au donné d'expérience.Ce sont ces déterminations préalables qui donnent à certaines connaissances le statut de loi et permettent desurmonter les objections de l'empirisme et du scepticisme.
Donc, il n'y a de causalité, de connaissance causale que dans la mesure où l'expérience est a priori ordonnée parl'entendement..
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