L'expérience de l'histoire nous instruit-elle ?
Publié le 29/09/2009
Extrait du document
Le verbe « instruire « désigne l’activité au moyen de laquelle un individu transmet à un autre un savoir, une connaissance. Instruire autrui revient donc à lui enseigner un contenu qui vient combler son ignorance sur telle ou telle matière.
A première vue, la question « l’expérience de l’histoire nous instruit-elle ? « ne saurait que nous étonner. En effet, il semble bien que l’histoire ne saurait rien nous apprendre, dans la mesure où elle est susceptible de nous apparaître comme le règne d’un chaos complet, où seules les passions et la violence se donnent libre cours. Cependant, nous verrons que l’histoire est effectivement susceptible de nous instruire, quoique d’une manière déceptive : l’histoire nous apprend que toutes choses en ce monde se répètent indéfiniment et nous empêche de faire advenir acte ou pensée inédits. Pourtant, nous verrons qu’il est également possible de considérer l’histoire comme ce qui nous procure une instruction qui, loin d’être déceptive ou néfaste, nous conduit au contraire à nous conduire mieux dans le cours de nos vies.
La question au centre de notre travail sera de déterminer si l’histoire est susceptible d’apporter aux hommes un enseignement qui ne soit nullement néfaste, mais qui participe au contraire à leur éducation morale.
«
I.
L'expérience de l'histoire ne nous instruit en rien car l'histoire est chaotique a.
L'histoire est le règne du chaos
A première vue, nous commencerons par dire que l'expérience de l'histoire ne nous instruit nullement, dans la mesureoù l'histoire est absolument dépourvue de signification.
En effet, l'histoire peut nous apparaitre comme le domaineoù la violence déchainée de l'homme s'est toujours donnée libre cours, produisant des effets parfaitementinattendus.
Le récit historique ne saurait donc nous faire accéder au sens de l'histoire dans la mesure où l'histoiren'est nullement réalisée par des individus suivant un plan, ni par une entité abstraite qui la conduirait avec unerégularité qu'il nous serait possible de découvrir derrière l'apparent désordre des évènements.
L'histoire est biendavantage provoquée par les passions humaines qui produisent des effets parfaitement hasardeux, et parconséquent, elle n'est nullement l'entreprise globale qui viserait à réaliser quelque fin que ce soit.
L'œuvre littérairedu marquis de Sade donne toute sa portée à cette thèse : dans l' Histoire de Juliette, Sade dresse des listes impressionnantes récapitulant toutes les débauches, tous les vices et toutes les atrocités commises par les hommesà travers le temps.
Or, ce qu'il faut bien remarquer, c'est que la violence a cours partout, dans tous les pays, danstoutes les époques, de sorte qu'elle parait omniprésente dans le temps aussi bien que dans l'espace.
Il semble doncque l'expérience de l'histoire ne saurait nous instruire en aucune manière, dans la mesure où l'histoire est le théâtred'une évolution commandée par le hasard des passions violentes qui poussent les hommes les uns contre les autres,avec le même degré d'indétermination que le mouvement des atomes dans la physique Epicurienne.
b.
L'histoire ne nous instruit en rien car elle n'a que du mal à nous dire de l'homme
Rousseau montre fort bien que l'histoire est toujours le récit des malheurs de l'homme, une sorte de réquisitoirecontre la nature de ce dernier :
« Un des grands vices de l'histoire est qu'elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par lesbons : comme elle n'est intéressante que par les révolutions, les catastrophes, tant qu'un peuple croît et prospèredans le calme d'un paisible gouvernement, elle n'en dit rien ; elle ne commence à en parler que quand, ne pouvantplus se suffire à lui-même, il prend part aux affaires de ses voisions, ou les laisse prendre part aux siennes ; elle nel'illustre que quand il est déjà sur son déclin, toutes nos histoires commencent là où elles devraient finir ».
Emile, ou de l'éducation, Livre IV.
A la lumière d'une telle thèse, nous pouvons penser que l'histoire ne saurait nous instruire en rien car elle nous parlede ce que l'homme fait de mal, non de ce qu'il accomplit de louable pour sa propre nature.
En effet, il faut bien voirdans l'analyse du terme « instruire » sa dimension morale : instruire, ce n'est pas seulement prodiguer uneconnaissance, mais aussi un savoir qui nous permet de nous comporter mieux, de manière plus morale etrecommandable.
Il semble donc que l'expérience de l'histoire ne saurait nous instruire puisqu'elle ne peut nous mettredevant les yeux que des exemples de dépravation de l'homme, des preuves de cette méchanceté inhérente queHobbes lui reconnaissait déjà dans le Léviathan .
II.
L'expérience de l'histoire n'apporte qu'un savoir limité ou étouffant pour la génération de la nouveauté a.
L'histoire ne nous apporte qu'un savoir limité : « les mêmes choses, mais d'une autre manière » (Schopenhauer)
Cependant, il faut bien voir que l'expérience de l'histoire est bien à même de nous instruire, quoique d'une manièrelimitée sur laquelle nous devons nous attarder quelque peu.
En effet, l'histoire est sans signification, dépourvue dedestination, mais il n'en demeure pas moins que l'expérience que les hommes en font leur permet d'obtenir uneconnaissance certaine, quoique de nature fort limitée : ce qui est advenu auparavant est voué à se reproduire.Schopenhauer nous donne des arguments pour soutenir cette thèse, lui qui niait non seulement la scientificité del'histoire en tant que discipline (elle se contente de coordonner des faits quand le propre de la science est de les subordonner à des principes ou de les déduire de ceux-ci), mais le principe même d'une signification du devenirhistorique.
L' homme n'évolue pas, prétend-il, il obéit en permanence à des motivations qui sont le plus souvent.
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