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L'existentialisme est un humanisme, © Éditions Gallimard, p. 57-59.

Publié le 23/03/2015

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humanisme

Cette théorie [l'existentialisme] est la seule à donner une dignité à l'homme, c'est la seule qui n'en fasse pas un objet. Tout matérialisme a pour effet de traiter tous les hommes, y compris soi-même, comme des objets, c'est-à-dire comme un ensemble de réactions déterminées, que rien ne distingue de l'ensemble des qualités et de phénomènes qui constituent une table ou une chaise ou une pierre. Nous voulons constituer précisément le règne humain comme un ensemble de valeurs distinctes du règne matériel. Mais la subjectivité que nous attei¬gnons là à titre de vérité n'est pas une subjectivité strictement individuelle, car nous avons démontré que dans le cogito, on ne découvrait pas seulement soi-même, mais aussi les autres. Par le je pense, contrairement à la philosophie de Descartes, contrairement à la philosophie de Kant, nous nous atteignons nous-mêmes en face de l'autre, et l'autre est aussi certain pour nous que nous-mêmes. Ainsi, l'homme qui s'atteint directement par le cogito découvre aussi tous les autres, et il les découvre comme la condition de son existence. Il se rend compte qu'il ne peut rien être (au sens où l'on dit qu'on est spirituel, ou qu'on est méchant, ou qu'on est jaloux) sauf si les autres le reconnaissent comme tel. Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l'autre. L'autre est indispen¬sable à mon existence, aussi bien d'ailleurs qu'à la connais¬sance que j'ai de moi.

L'existentialisme est un humanisme, © Éditions Gallimard, p. 57-59.

 

humanisme

« Textes commentés 51 [ Après avoir répondu aux différents reproches qu'on pouvait lui faire, ! Sartre s'emploie à définir positivement ce qu'est l'existentialisme : il 1 commence par préciser que sa doctrine est la seule à « donner une dignité 1 à l'homme».

C'est déjà dire que l'existentialisme est un humanisme, tant i l'humanisme est lié à la reconnaissance de la dignité de l'homme, aussi 1 1 bien à la Renaissance (cf.

Pic de la Mirandole, Discours sur la dignité de ] L'homme) qu'à l'ère des Lumières (cf.

Kant, Fondements de la métaphy­ .1, sique ·des mœurs, qui définit le concept de «personne humaine » ).

L'existentialisme ne met pas en effet l'existence de l'homme sur le même 1 plan que l'existence de l'objet : l'homme en effet est libre, en tant qu'il est projet, c'est-à-dire faculté de transcender sa situation, alors que la chose s'inscrit dans le déterminisme universel de la nature.

C'est pourquoi Sartre peut distinguer l'existentialisme du matérialisme (ligne 2) : alors que le matérialisme veut comprendre l'homme en l'alignant sur le modèle de la chose, c'est-à-dire en le considérant comme un ensemble de réaction à des stimuli donnés (comme le fait le béhaviorisme, qui définit les comporte­ ments de l'homme en termes de réflexes spontanés et acquis), l'existen­ tialisme pense que jamais l'homme ne peut s'expliquer par des processus objectifs puisque c'est toujours le ramener à ce qu'il est, à sa facticité, sans voir qu'il est aussi ce qu'il n'est pas, à savoir l'avenir vers lequel il se projette.

Mais cette subjectivité qui le constitue n'est pas, souligne Sartre dans un second temps, ce que nous avons appelé plus haut une « subjectivité monadique », c'est-à-dire une subjectivité qui serait enfermée sur soi, « sans porte ni fenêtres ».

Le cogito sartrien est en effet très différent du cogito cartésien ou du cogito kantien, qui mènent tous deux au solip­ sisme, c'est-à-dire à la solitude totale du sujet pensant : pour Descartes comme pour Kant, le sujet ne peut être certain que de son existence, et il doit raisonner par analogie pour s'ouvrir à la possibilité de l'existence de l'autre.

À l'inverse, Sartre montre bien, dans L'Être et le Néant (troisième partie, chapitre 4, p.

298-349) que tant que j'agis, j'adhère à ce que je fais 1 et que pour être un objet pour soi, il faut d'abord l'être pour autrui.

Bref, « la personne est présente à la conscience en tant qu'elle est objet pour autrui » (ibid., p.

306).

Dire que «je pense donc je suis », c'est donc non seulement affirmer la certitude de l'existence de soi mais aussi celle de l'existence d'autrui : !'intersubjectivité (la relation entre sujets) prime donc sur la subjectivité individuelle.. »

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