L'existentialisme chrétien de GABRIEL MARCEL
Publié le 14/06/2011
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Nous pourrions citer le chrétien orthodoxe Nicolas BERDIAEV (1879-1948), dont l'Essai d'autobiographie spirituelle (1958) permet une initiation facile à sa pensée. Il était de nationalité russe, mais, expulsé par le gouvernement soviétique, il passa en France les vingt-quatre dernières années de sa vie, et quelque vingt-cinq de ses ouvrages furent traduits ou écrits directement en français. Nous nous contenterons de présenter le plus en vue des existentialistes catholiques, Gabriel MARCEL, et un existentialiste protestant, Georges GUSDORF. Nous terminerons en consacrant quelques pages à un philosophe d'une inspiration catholique très profonde quoique discrète et qui, du point de vue philosophique, se caractérise par l'accord qu'il effectue entre l'existentialisme et l'essentialisme : Louis LAVELLE.
«
le répète, est exclusive de la pure objectivité.
» (Journal métaphysique, 22 févr.
1922, p.
273).Ainsi, pour G.
MARCEL comme pour SARTRE, n'existe véritablement que ce qui existe pour moi.
On voit dès lors dequel côté il faut se tourner pour trouver l'être.
I.
— OU TROUVER L'ETRE ?
Le philosophe à la recherche de l'être se pose généralement cette question : l'objet, terme de ma connaissance,existe-t-il ? Une telle question est sans issue, car l'objet, c'est ce qui est posé devant, « ob-jectum », ce n'est,d'un être, que l'extérieur.
L'être, ce qui existe, c'est ce qui a un intérieur, « sub-jectum », un sujet.
Le problème del'existence, c'est le problème de la saisie par moi, non d'objets, mais de sujets.
La distinction entre l'objet et le sujet peut s'éclairer au contact d'autres distinctions analogues.
L'objet, nouspouvons l'appeler l'avoir, le sujet, l'être.
Ou encore, l'objet, c'est le donné; le sujet, c'est le présent.
II.
— L'ETRE EST UN MYSTERE.
Jusqu'ici, nous ne savons que négativement ce qu'est l'être : il n'est pas un objet, un donné, un avoir.
Pour montrerla difficulté qu'il y a à parler positivement de l'être, MARCEL monte une nouvelle distinction entre le problème et lemystère.« Entre un problème et un mystère, il y a cette différence essentielle qu'un problème est quelque chose que jerencontre, que je trouve tout entier devant moi, mais que je puis par là même cerner et réduire, au lieu qu'unmystère est quelque chose en quoi je suis moi-même engagé.
» (E.A.
= Etre et Avoir, 169.) En mathématiques, enphysique, il est question de problèmes.
En philosophie, parce qu'il s'agit d'être, c'est-à-dire du sujet à atteindre del'intérieur, il n'y a que des mystères.
Le tort fréquent des philosophes, c'est de dégrader les mystères en problèmes:problème des rapport de l'âme et du corps, problème du mal, problème de l'existence.
« Et voilà pourquoi, lorsqu'elleaborde des réalités de cet ordre, le mal, l'amour, la mort, la philosophie nous donne si souvent le sentiment d'être unjeu, une forme de prestidigitation intellectuelle.
» (E.
A., 251.)Le mystère fondamental, c'est le « mystère ontologique ».
Que l'être soit un mystère, cela veut dire qu'il est :incaractérisable.
Si nous disons : la neige est blanche, froide, etc., nous avons atteint son avoir, nullement son être: c'est suffisant pour le physicien, non pour le métaphysicien;2° concret.
On veut dire par là que l'être que j'atteins, c'est toujours tel être singulier.
On veut dire également quec'est un u être en situation », c'est-à-dire, à l'opposé de DESCARTES, que l'être n'est rien sans ses conditionscontingentes d'existence.
III.
— VOIES DE PENETRATION DE L'ETRE.
1° La connaissance.
Dans la conversation, « je », u tu », celui qui parle, celui à qui l'on palle, sont présents : cesont des sujets.
« Lui », u il », celui dont on parle, est absent : il est un objet.
Toute connaissance est,implicitement ou explicitement, une relation entre un « je » et un « tu » au sujet d'un « lui », elle est une u relationtriadique ».
De ces trois éléments, le terme, c'est le u lui », l'objet.
Il en résulte que la connaissance passe à côtédu mystère de l'être.
FICHTE pensait que le u je » ne se pose qu'en s'opposant un « lui »; mais le « je » ne se saisitalors que comme un objet, il ne s'atteint pas dans son être.
2° L'amour.
Le « je » ne se saisit comme sujet, comme « je », que dans cette communion avec un « tu » quis'appelle le « nous », autrement dit dans l'amour.
La connaissance est triadique; l'amour est dyadique : il réalisel'intimité entre deux sujets.
Mais qu'est-ce que l'amour ? Justement, il est indéfinissable : il n'y a qu'une façon depenser l'amour, c'est d'aimer; et ce seul fait montre sa valeur existentielle.
L'amour est " la donnée ontologiqueessentielle " (E.A., 244).3° Le témoignage, l'engagement, la fidélité.
Plus l'amour sera fort, plus il nous permettra de pénétrer l'être.
Unamour vrai comporte témoignage, engagement et fidélité.
Le spectateur constate un fait qui lui est extérieur etétranger, le témoin participe à un événement.
Cet événement est pour lui une épreuve à laquelle il répond par unengagement : ainsi il affronte son présent, il assure son passé, il construit son avenir.
A l'engagement, qui est uncommencement, s'ajoute cette « perpétuation d'un témoignage » 174) qu'est la fidélité, et particulièrement lafidélité devant la mort : l'être est le u lieu de la fidélité » (E.A., 55 et 137).
IV.
— PENETRATION DU MYSTERE DE L'ETRE (métaphysique et morale).
1° L'incarnation et la participation.
L'être que j'aime le plus, c'est moi-même.
Mon être existe comme lié à un corps :u l'incarnation, donnée centrale de la métaphysique » (E.A., I).
Faut-il dire que j'ai un corps ? C'est impropre, carmon corps n'est pas de l'ordre de l'avoir.
Faut-il dire que je suis un corps? C'est également fautif, car cela veut direque le corps existe seul, cela supprime l'incarnation.
Ce qu'il faut dire, c'est que, entre le corps et le moi, y aparticipation, à savoir participation à l'existence..
»
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