L'exigence de justice a-t-elle sa place dans les échanges économiques ?
Publié le 07/02/2004
Extrait du document
• Remarquez bien qu'il ne porte pas directement sur la justice, mais sur l'exigence de justice. Le besoin rationnel de respect d'une certaine égalité, l'aspiration à cette dernière occupent-ils une position et jouent-ils un rôle dans les relations nouées entre les hommes dans le procès de production ? L'exigence de justice a-t-elle sa place dans les échanges économiques ? • Peut-on concilier l'exigence de justice et les aspirations à la liberté économique ? Une société économique juste est-elle compatible avec la loi du marché ? Le problème est de savoir comment bâtir une justice sociale, supposant simultanément l'égalité des hommes et l'inégalité des statuts sociaux dans le jeu économique et le système professionnel.
«
[III.
Distorsions et corrections]
a.
Il n'en reste pas moins que ces aspects positifs ont historiquement été occultés par l'organisation du systèmecommercial dont nous constatons les effets dans la société contemporaine.
Comment prétendre qu'il y aurait de lajustice dans les échanges économiques lorsqu'on peut quotidiennement constater, non seulement la différenciationcroissante entre zones de richesse et zones de pauvreté, mais encore, à l'intérieur d'un même pays, les différencesde ressources qui affectent la population ?
b.
Il est sans doute utopique de chercher à reconstruire une société dans laquelle la justice consisterait en unstatut rigoureusement égal pour tous.
Outre que cette égalité ne durerait guère au-delà d'une génération, elleaboutirait à supprimer toute initiative de développement, dès lors que la motivation financière ne jouerait plus.
c.
C'est pourquoi on peut adopter sur la question un point de vue plus modeste en rappelant l'hypothèse et lesprincipes que formule John Rawls dans sa Théorie de la justice.
Puisque le problème consiste à réfléchir sur unerépartition juste des biens qui considère en même temps comme nécessaire et supportable une certaine inégalitédans les situations personnelles, Rawls le repose dans les termes d'une hypothèse philosophique.
Considérons, dit-il,comment un groupe de personnes peut choisir de répartir les biens fondamentaux dans une société à instaurer,étant admis qu'aucune d'entre elles ne sait quelle place elle y occupera.
Ce dernier point a pour conséquencequ'aucune ne pourra chercher à favoriser qui que ce soit, et c'est pourquoi elles choisiront la répartition la plusavantageuse pour tous, sans négliger le sort d'aucune catégorie possible.
d.
On constate alors, selon, Rawls, que ses décideurs hypothétiques se mettront d'accord sur une société danslaquelle existeront des inégalités économiques et sociales — alors même qu'aucun n'a intérêt à désirer une sociétéinjuste.
Mais ces inégalités seront supportables dans la mesure où elles seront encadrées par des principes généraux(égalité des libertés de base pour tous ; répercussion des inégalités sous forme de profit possible pour chacun ;accessibilité de toutes les positions et fonctions à tous, y compris aux plus démunis, grâce à des systèmes d'aide del'État).Dans une telle organisation, qui reste une analyse théorique, les échanges économiques produisent sans doute del'inégalité et donc de l'injustice, mais cette dernière est corrigée puisqu'une sorte d' "État-providence" se préoccupede garantir l'égalité des chances.
[Conclusion]
Les échanges économiques contemporains sont devenus d'une telle complexité que la réflexion qui tente d'yintroduire un peu de justice risque de demeurer théorique.
Il n'est pas sûr, en effet, que la bonne volonté (mêmemorale) de l'homme puisse contrôler totalement le fonctionnement et le développement de l'économie.
Mais ce n'estsans doute pas une raison pour renoncer à rééquilibrer tant bien que mal les échanges.
SUPPLEMENTS: Rawls: L'égalité est-elle possible en société ?
Il semble difficile pour l'homme de s'abstraire de la vie en communauté, qui le place dans des rapports constantsavec les autres, qu'il s'agisse de l'existence familiale ou sociale.
La vie familiale semble aller de soi, puisqu'elle estfondée sur des relations naturelles, biologiques, où chacun joue un rôle défini.
On s'interroge davantage sur les liensqui attachent l'homme à la société, sur le sens et la nature de son engagement dans la collectivité.
Faut-il lescomprendre sur le fond d'une sociabilité spontanée, voire de l'altruisme ? Ou ne s'agit-il pour nous que du jeu del'intérêt bien compris ? Voire de la satisfaction égoïste des besoins, qui engendrent le conflit ? Quoi qu'il en soit, lasociété semble peser sur l'individu, hypothéquant sa liberté et l'empêchant d'être ce que bon lui semble.
Une vie en société ne peut sans doute pas se concevoir sans règles ni lois, qui entravent les libertés individuelles.Celles-ci paraissent légitimées par l'utilité publique, l'intérêt commun du groupe, afin de prévenir et régler lesdiscordes engendrées par la diversité.
Au point que ce qui est bien ou mal, dans une société, paraît souvent selimiter à cette utilité.
Disposons-nous d'une autre norme du bien et du mal, de l'utile et du nuisible, que ce qui estpermis ou défendu selon qu'il favorise, ou au contraire met en danger, la cohésion sociale ?On peut toutefois se demander si les règles sociales expriment une sorte d'idéal, ou si elles ne sont au contrairequ'un pis-aller : au risque de l'arbitraire et de l'injustice, des modes de fonctionnement seraient imposés pour pallierles imperfections de l'être humain.
Les règles sociales, nécessaires pour la vie en commun, le bon fonctionnement de la société, visent-elles seulement.
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