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L'évidence est-elle fiable pour connaître la vérité ?

Publié le 22/02/2012

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            L'évidence est un sentiment de certitude que l'on éprouve face à quelque chose qui va de soi, qui ne fait aucun doute, qui s'impose à l'esprit de façon irréfutable. Or, rien n'atteste a priori que ce sentiment ne soit pas une illusion subjective, et par là même inconsistante. Alors, peut – on se fier à l'évidence ? Cette question nous confronte au problème suivant : l'évidence est-elle un indice de vérité ou bien le symptôme d'une pensée enchaînée aux puissances du semblant ? Nous verrons, dans un premier temps, ce qui rend l'évidence problématique : ce qui paraît spontanément évident n'est pas nécessairement vrai. Nous montrerons, dans un second temps que l'évidence n'est souvent qu'une certitude immédiate éprouvée par une pensée qui « préjuge » et considère comme vrai ce qu'elle n'a pas pris soin d'examiner. Enfin, nous établirons, dans un troisième temps, dans quelle mesure il est légitime de se fier à l'évidence : certaines idées, lorsqu'elles sont claires et distinctes, s'imposent à l'entendement comme des évidences, qui sont l'indice que la pensée saisit un savoir consistant.

« donne qu'une image éphémère de l'objet sur laquelle je ne peux me fonder pour produire des connaissancesconsistantes. Mais l'évidence immédiate peut aussi avoir pour source la culture.

Le Moi se constitue grâce au processus éducatifqui permet l'inscription dans une culture donnée.

Or, toute culture charrie son lot d'évidences.

En devenantsociétaire de sa culture, le Moi devient par conséquent le jouet de croyances, d'opinions, voir de préjugés qui luiapparaissent comme autant d'évidences.

La force de l'habitude, mais aussi la force de l'autorité aliènent alors laconscience aux déterminismes de la culture, qui sont intériorisés de façon aveugle.

C'est ce qu'illustre la réponseapportée par Ménon lorsque Socrate lui demande de définir la vertu : Ménon produit une première définition, qui lui aété transmise par son maître Gorgias.

Cette définition lui semble évidente.

L'évidence est alors le symptôme d'unepensée aliénée à l'imaginaire : Ménon, fasciné par l'autorité du maître, ne songe pas à douter de ses paroles.

Puis ilapporte une seconde définition, qui reflète moins l'opinion du maître qu'un préjugé culturel dominant : il y auraitplusieurs vertus, qui dépendraient des particularismes individuels.

Si cette définition semble à Ménon toute aussiévidente que la première, c'est parce qu'elle renvoie à une croyance véhiculée par la culture.

On comprend à partirde cet exemple que la fascination ou l'imprégnation peuvent être à l'origine du sentiment d'évidence, qui n'est qu'unsymptôme : le symptôme d'une pensée aliénée à l'imaginaire du corps et de la culture. L'évidence immédiate constitue, par conséquent, un obstacle à la vérité.

Certes, certaines évidences peuvent êtreutiles à la vie.

Je dois faire confiance aux évidences empiriques pour conserver mon être, pour éviter la souffrance.Je peux ainsi me régler sur les évidences empiriques : pour éviter la douleur, il est préférable de savoir que le feuest susceptible de brûler ou qu'il faut éviter d'ingérer des champignons de couleur rouge… Mais si l'idéal visé estcelui de la connaissance, alors je dois considérer l'évidence immédiate comme un obstacle à la vérité : ainsiDescartes décide-t-il, au début de ses Méditations , de rejeter comme douteux toutes les évidences qui ont pour origine le corps perceptif ou la culture.

Le doute est la seule façon de me distancier des opinions auxquelles j'adhèrespontanément et d'instaurer un rapport critique à l'évidence : pour produire des énoncés consistants, il faut que lapensée se divise elle-même et qu'elle rompe avec les évidences qui l'habitent.

Pour qui vise la connaissance, il estnécessaire de « casser » l'évidence immédiate. L'évidence immédiate ne saurait être considérée comme un indice de vérité.

Elle n'est que le symptômed'une pensée qui ne doute pas, qui ne problématise pas, qui se laisse aller à sa pente naturelle.

Faut-il pour autanten conclure que l'évidence est toujours illusoire ? Il existe des énoncés qui s'imposent à la conscience : ils semblent alors indubitables et procurent unsentiment de certitude.

Mais l'évidence qu'ils font naître n'est pas pour autant immédiate.

Tel est, par exemple, lecas des énoncés mathématiques.

Lorsque le mathématicien est parvenu à démontrer un théorème en enchaînant defaçon parfaitement logique et rigoureuse, des propositions claires, il aboutit à un résultat qui lui paraît évident.Lorsque l'élève saisit, grâce à son seul entendement, l'explication du professeur de physique qui présente la loi de lachute des corps, il éprouve également un sentiment d'évidence.

Qu'est-ce caractérise le sentiment d'évidence ?L'évidence a pour seule source l'entendement : le sentiment d'évidence n'est pas un effet de l'imaginaire du Moi, iln'a pas pour source le corps perceptif ou une quelconque autorité extérieure à la Raison, mais a pour origine le seulentendement du sujet. L'évidence n'est plus alors, un sentiment éprouvé par une conscience qui adhère spontanément à des opinions noninterrogés, mais par un sujet qui a consenti à un travail d'examen.

L'évidence n'est plus spontanée, mais elle estl'aboutissement d'une réflexion rigoureuse.

Tel est le principal critère qui distingue cette forme d'évidence del'évidence immédiate : celle-ci n'est pas première, elle n'a rien de spontané, elle est l'effet d'un travail de réflexionet de problématisation.

La conscience n'est plus aliénée à l'imaginaire, mais saisit un concept clair et distinct, ou unraisonnement qui enchaîne, de façon rigoureuse, des concepts.

On pourrait croire que la saisie de l'image, par lebiais du corps perceptif est plus « simple » que la saisie du concept par l'entendement.

En fait, il n'en ait rien : leschéma que produit le physicien pour rendre compte d'un mouvement pendulaire est plus simple et plus évident quela perception d'un objet qui oscille dans l'espace : le schéma passe en effet par le concept, ou le mathème, quidépouille le réel empirique de ses qualités contingentes en le découpant en paramètres abstraits, claires et distincts. Cette forme d'évidence, qui a pour source l'entendement, et qui est éprouvée par un sujet capable de problématiserle réel empirique et de saisir le phénomène au moyen du pur concept, nous la désignerons par la notion d'évidenceapodictique.

Seuls les énoncés qui produisent un effet d'universalité et d'univocité suscitent un tel sentimentd'évidence.

Effet d'universalité, puisque l'on peut alors supposer que tous les sujets, qui auront consenti au mêmetravail, éprouveront ce sentiment d'évidence.

Effet d'univocité, puisque ces énoncés clairs et distincts« tranchent » : ils résistent à la réfutation et permettent de reléguer au rang de simples conjectures les hypothèsesqui entrent en contradiction avec ces énoncés.

Lorsque Newton découvre que, derrière la chute d'un corps,. »

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