L'étude des mathématiques est-elle nécessaire dans la vie ?

« l'entendement humain.

Celui-ci doit faire la part à l'intuition, à l'imagination, à la nuance, à la subjectivité.

Un espritréellement bien formé doit selon les circonstances et les domaines d'application adapter son type de raisonnementen tenant compte de critères subjectifs, humains, variables dans le temps et dans l'espace.Cette adaptation est indispensable pour une bonne insertion sociale et des relations correctes avec les autres.La cohabitation quotidienne avec les individus ne se satisfait pas de la rigueur d'esprit et de la justessemathématiques.

Elle repose au contraire sur les notions de relatif, de compromis, de constante adaptation à desparamètres nombreux, aussi variés qu'imprévisibles.

L'individu est unique, « ondoyant et divers » comme ledéfinissait Montaigne.

La foule, le groupe sont également soumis à des changements importants.

Aussi, comme lesouligne avec raison Chateaubriand, l'esprit mathématique est totalement en rupture avec la vie sociale.

Quiconquevoudrait l'y appliquer irait au-devant de fortes déceptions ou devrait briser, s'il en avait malheureusement le pouvoir,cet élément humain qui en fait la richesse et la complexité.

On ne peut ainsi guère prévoir et raisonneridentiquement en appliquant des lois tirées d'événements antérieurs en histoire, en politique ou même enpsychologie.

L'individu ne se laisse pas réduire comme chiffres ou fonctions...Cette diversité féconde en découvertes individuelles et toujours renouvelées est à l'origine du patrimoine littéraire etartistique.

Chaque artiste donne une réponse individuelle, propose une vision personnelle qui ne procède pasdirectement des travaux antérieurs à la différence de la recherche scientifique qui s'appuie pour les prolonger oupour les contester sur ses prédécesseurs.

C'est pourquoi la notion de progrès est pertinente en sciences et nondans les arts.

Un pur esprit mathématique ne s'intéressant pas à ce patrimoine est évidemment incomplet.

Il existecertes une culture mathématique qui s'intègre pleinement dans l'histoire des mentalités et de leurs progrès :l'invention du zéro est à cet égard passionnante.

Elle fait partie de cette longue marche de l'humanité qui comprendaussi bien la découverte de l'imprimerie et des lois de la perspective que les fresques de la Chapelle Sixtine, lacomposition de telle symphonie ou la rédaction de tel roman.

L'erreur, souvent le fait de purs scientifiques, est den'accorder d'utilité qu'à des réalisations immédiatement exploitables.

L'utilitarisme ne peut être la valeur fondatriced'une société.

Celle-ci vit de l'utile certes, mais aussi de cet « autre essentiel » que sont les arts.L'impressionnisme, la contradiction, le relatif, la pure subjectivité cultivée à l'excès sont les valeurs constitutives del'expression artistique.

Appliquées à la science, elles peuvent paraître exaspérantes, elles sont même néfastes.

Dansle domaine de l'art, elles sont nécessaires. *** Il serait vain et rétrograde de contester l'utilité et même la nécessité des mathématiques dans le monde d'hier etd'aujourd'hui.

Elles sont indispensables à la formation de l'entendement, à la vie moderne dans ses grandesinventions et dans ses préoccupations quotidiennes.

Cependant leur excessive valorisation présente desinconvénients.

Il s'agit de limiter leur champ d'utilisation, de les cantonner dans leurs domaines afin que continuent àse développer parallèlement d'autres valeurs, d'autres types d'intelligences, également nécessaires à la formationd'esprits complets, harmonieux, aptes à s'insérer dans un monde ouvert à ces deux regards.. »