Lettres à Lucilius
Publié le 27/03/2013
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Lucius Annaeus Seneca est né à Cordoue, vers 4 avant J.-C. Il fit d'abord une carrière d'avocat à Rome et se distingua par à son talent oratoire. Questeur sous le règne de Caligula, il fut exilé durant huit ans sous un prétexte fallacieux. Il revint en grâce sous le règne de Claude et fut dans un premier temps le conseiller écouté de Néron. Mais celui-ci le prit en haine, et, l'accusant d'avoir participé au complot de Calpurnius Pison, il lui ordonna de se donner la mort, en 65 après J.-C. Outre ses écrits moraux, dans lesquels il élabore une philosophie d'inspiration stoïcienne, Sénèque est également l'auteur de neuf tragédies.
«
·,
« P ou rquo i soignes-tu ta b ea uté ? Après tous
tes efforts, les animaux
te surpasseront en
beauté.,.
La philosophie doit avoir pour résultat
le progrès moral
Il est pour toi une évidence, Lucilius, je le
sais :
nul ne peut trouver le bonheur, ou
même l'apaisement, sans le culte de la sa
gesse,
et le bonheur est le fruit de la sagesse
parfaite, comme du reste la vie supportable
implique une ébau
che de sagesse.
( ...
)
La philosophie n'est
point un métier au
service de la foule,
fait pour la montre :
son domaine n'est
pas le mot mais
l'action.
On ne
l'emploie pas à tuer
le temps,
comme
une distraction in
téressante,
à sup
porter l'amertume
du désœuvrement :
elle
modèle et fa
çonne l'âme, met de
l'ordre dans la vie, dirige les actions, in
dique les devoirs
et les tentations à fuir, elle
se tient
à la barre et dirige notre navigation
à travers les écueils et les vagues.
Sans elle,
nulle existence dépourvue de crainte, nulle
sécurité.
La philosophie doit apprendre à faire
«ce qu'exig e la force des choses », donc
à mourir
Disposons donc notre esprit à vouloir
toujours ce qu'exige la force des choses,
et surtout développons sans tristesse
la
pensée de notre fin.
C'est pour la
mort plus que pour la vie que nous devons
faire nos provisions.
La vie est toujours
suffisamment pourvue, mais c'est nous
qui réclamons toujours davantage de
ses ressources.
( ...
) J'ai vécu, mon très
cher Lucilius, autant qu'il était suffisant:
c'est en homme comblé que j'attends la
mort.
Dans sa dernière lettre, à la fois
stoïcien et épicurien, Sénèque ex plique
pourquoi la
« perfection de la raison »
est le bien suprême
Mais voici ma pensée : je ne puis avoir de
plus grande utilité qu'en te révélant ton
bien, en te séparant des bêtes, en te logeant
avec la divinité.
Pourquoi entretiens-tu et
cultives-tu la force physique ? La nature l'a
accordée
à un degré supérieur aux bestiaux
et aux fauves.
Pourquoi soignes-tu ta
beauté
? Après tous tes efforts, les animaux
te surpasseront en
beauté.( ...
) Veux-tu bien
renoncer
aux qualités dans lesquelles tu ne
peux que rencontrer la défaite, en visant des
domaines étrangers,
et revenir à ton bien
propre.
( ...
)
Tu es un animal raisonnable.
Quel est donc le bien
qui réside en toi ?
La perfection de la
raison.
Est-ce que,
oui ou non, tu la
convies à atteindre
ses limites, à réali
ser sa plus grande
extension possible ?
Dans ce cas, crois
toi heureux :
quand
toute ta joie naîtra
de la raison, quand
le spectacle des biens dérobés, convoités,
conservés
par l'humanité ne t'inspirera, je
ne dis pas aucune pré/ érence mais aucun
désir.
Je
veux te donner la courte formule
qui te permettra de prendre ta mesure, de
prendre conscience de ta perfection.
Tu
posséderas ton vrai bien, quand tu com
prendras la souveraine misère du bonheur
courant.
Adieu
!
Traduction de P.
Oltramare,
Éditions Les Belles-Lettres, 1929
« La vie est toujours
s u ffisammen t pourvue,
mai s c'est no us qui
récl amons toujours
davantage de ses
r
essou rces .
,.
,
NOTES DE L'EDITEUR
Sénèque a sans doute influencé les Pères de
l'Église, mais il est faux de dire que son
œuvre est proche du christianisme.
On a même prétendu qu'il aurait eu une
correspondance avec saint Paul, son
contemporain ; même si celle-ci a été
publiée dans certaines
éditions des œuvres
complètes de Sénèque, rien ne prouve
qu'elle n'est pas apocryphe.
réalisée
lorsque l'on a réduit ses besoins au
plus strict nécessaire, et il emprunte des
sententiae à Sénèque, lorsqu'il dit, par
exemple, que l'homme de bien est un athlète
qui se complaît
à combattre nu, que la terre
cache ses trésors,
et qu'il est contre nature
d'aller les chercher, que la dissolution des
mœurs entraîne la corruption du goût : une
thèse que Sénèque avait abondamment sou
tenue ...
» P.
Grimal, Sénèque, PUF, 1981.
philosophe
de langue romaine ; celui-ci,
précisément, voulut agir et fut
le précepteur
et le ministre du plus haï des empereurs.
Figure étrange, souvent détestée dans
!'Antiquité ...
où l'on voit volontiers en lui
un simple moraliste,
et où l'on affirme
d'une façon assez contradictoire qu'il
infléchit la philosophie vers les problèmes
de la vie pratique ...
» A.
Michel,
« Comme Sénèque ...
et ses maîtres, il
(Rousseau) pense que
la véritable liberté est
l Alinari I Naples, Musée national 2.
4 Lauros-Giraudon 3 Edimédia
« La plus importante figure du 1er siècle
est celle de Sénèque, le dernier grand
Histoire de la Philosophie, Gallimard,
1969.
SÉNÈQUE02.
»
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