l'être vivant a-t-il des droits ?
Publié le 17/11/2005
Extrait du document
C’est la biologie qui caractérise en propre la science du vivant. Le terme « biologie « contient la racine grecque « bio « qui désigne la vie. Ce terme a été crée au début du XIXe siècle par Lamarck. Un être vivant est un organisme (système existant par soi, dont tous les éléments ou organes sont interdépendants) apte à l’auto-construction, à l’auto-conservation, à l’auto-régulation, et à l’auto-réparation. Telles sont les principales fonctions qui, lorsqu’elles sont remplies, font qu’un être est vivant ; d’où la célèbre formule de Bichat, qui, en 1800, définissait la vie comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort «. Si l’expérimentation, malgré le risque de tuer son objet vivant, fait avancer la biologie, c’est au prix d’un paradoxe, d’un renoncement, et de l’affrontement à des problèmes éthiques de plus en plus complexe. Paradoxe du « vivant séparé de la vie par la science et s’essayant à rejoindre la vie à travers la science « (Canguilhem) ; renoncement à expliquer la vie elle-même, sous peine d’en perdre les caractères propres ; problèmes éthiques liés non seulement aux conditions de l’étude (on n’a pas le droit de faire subir n’importe quel traitement à un être vivant), mais aussi aux conclusions non scientifiques qu’il est toujours possible d’en tirer.
«
Selon le généticien Jacques Monod, les êtres vivants se définissent par trois propriétés caractéristiques : la «téléonomie », qui désigne leur projet à conserver l'intégrité de leur être et le reproduire par la multiplication del'espèce, la « morphogenèse autonome » qui désigne l'édification de la structure organique à partir d'un systèmeinterne et autonome, et « l'invariance reproductive » qui désigne le pouvoir des être vivants à transmettre degénération en génération leur patrimoine génétique.
On peut ainsi répartir les êtres vivants en quatre groupes : lesêtres humains, les animaux, les végétaux et les micro-organismes.
Il convient que les êtres humains possèdent desdroits, à l'aune desquels leurs actions sont régies.
Mais ce cas particulier peut-il être généralisé à l'ensemble desêtres vivants ?
En d'autres termes, un être vivant a-t-il des droits ? Le concept de « droit » désigne ce qui est permis parconformité à une règle sociale ou morale.
La reconnaissance d'un droit peut procéder d'un ensemble de règles : on aalors affaire à un droit légal ; elle peut également procéder des principes d'une conscience éclairée : on à affaire àun droit moral.
Si les êtres vivants ont des droits, cela signifie qu'ils sont justifiés d'exiger, de revendiquer de faireou de jouir de quelque chose.
Alors pourquoi refuserait-on aux êtres vivants l'attribution de droits: ce n'est pasparce que l'on admet que les êtres humains sont différents des autres êtres vivants que ces derniers ne pourraientêtre sujets de droit.
Cependant, à partir du moment où nous avons des droits, nos actions sont subordonnées à desnormes et des limites nous sont imposées : or le vivant peut-il être soumis à un ensemble de règles ? En effet, cequi caractérise le vivant, c'est d'abord son infinité, ou tout du moins sa multiplicité et sa variabilité.
La bioéthique nenous empêche-t-elle pas alors de régulariser les comportements des êtres vivants ? Leurs qualités en font en effetdes entités dignes d'une liberté totale, en théorie, et il serait dégradant de normaliser leurs actions : si l'être humaina créé les droits, c'est simplement pour harmoniser la vie en société que lui a permise son développementintellectuel.
D'autre part, partant du principe que les droits ont été créés par les êtres humains, l'idée que lesanimaux, végétaux et micro-organismes puissent faire partie de la communauté morale ou juridique n'est-elle paspour nous, humains, confuse voire inquiétante ? De facto, il nous paraît bien difficile d'admettre que tous les êtresvivants puissent avoir des droits.
Pourtant, les associations en faveur des droits des animaux se multiplient et leursarguments tendent à nous le rendre acceptable.
Doit-on pour autant refuser la possibilité de l'octroi de droits aux êtres vivants ? Car si l'on admet que les êtresvivants, autres que les humains, n'ont pas de droits, alors on établit clairement une supériorité de l'humain sur lesanimaux, les végétaux et les micro-organismes : ne serait-ce un acte philanthrope et injustement fondé ? Les êtresvivants, par nature, ne méritent-ils pas d'être sujets de droits ? Peut-être alors faut-il se demander ce que lareconnaissance de droits aux êtres vivants modifierait au rapport que nous entretenons avec ceux-ci ?
Accorder des droits aux êtres vivants : n'est-ce pas un acte illégitime et non fondé ? L'octroi de droits morauxest en effet réservé aux agents moraux et des droits légaux ne serait être attribués à un automate.
Au fond, lesêtres vivants peuvent-ils faire partie d'une communauté de personnes ?
La communauté morale peut-elle accueillir l'ensemble des êtres vivants ? Les agents moraux sont responsablesde leurs actions.
Une fois un cours d'actions accompli, il est présupposé que les agents moraux auraient eu lapossibilité d'agir différemment : leur comportement n'est soumis à aucune causalité externe déterminante, ni causépar des mécanismes qui resteraient impénétrables à la conscience.
Les animaux, végétaux et micro-organismesentrent-ils dans un tel cas ? Il semble évident que non.
En ce qui concerne d'abord les animaux : leur comportementest soumis à une causalité essentielle et déterminante : leur instinct.
On n'a alors nul besoin de s'interroger sur laprésence ou non d'un conscience animale, question encore ambigüe de nos jours.
L'instinct animal produit uneréaction impulsive et souvent instantanée, face à un danger, un besoin, une peur...
Cet instinct est exactementtout ce que l'animal est, trouvant en lui-même toutes les conduites dont son appartenance à l'espèce le rendcapable.
On en conclut que les animaux ne sont pas des agents moraux : ils n'ont pas ce regard extérieur qui leurpermettrait d'agir après réflexion.
Les animaux n'ont alors pas la possibilité d'agir d'une autre manière que celle aveclaquelle ils ont agi.
Ainsi, puisque les animaux ne sont pas des agents moraux, ils n'éprouvent ni sentiment, ni unequelconque passion.
On peut citer un texte d'Alain, extrait de Les Dieux, qui va dans le même sens : « Il n'est pointpermis de supposer l'esprit dans les bêtes, car cette pensée n'a point d'issue.
Tout l'ordre serait aussitôt menacé sion laissait croire que le petit veau aime sa mère, ou qu'il craint la mort, ou seulement qu'il voit l'homme.
» Qu'en est-il des végétaux et des micro-organismes ? Il convient que ce ne sont pas des agents moraux puisqu'ils n'ont pas deconscience.
La conscience est en effet la faculté par laquelle l'esprit se perçoit, se connaît lui-même, connaît sesactes, et, en général, toutes ses modifications.
Or, il est certain que les végétaux et micro-organismes ne sont pasconscients de leur être.
Si une plante réalise la photo-synthèse, ce n'est pas parce qu'elle l'a décidé et qu'elle enest consciente, mais parce que les chloroplastes de ses cellules agissent indépendamment même de la plante qui lespossède.
D'ailleurs, si les végétaux et micro-organismes ne sont pas membres de la communauté morale, c'est.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le vivant a-t-il des droits?
- THÈME 1 : La Terre, la vie et l’organisation du vivant Thème 1A : Transmission, variation et expression du patrimoine génétique Chapitre 1 : Les divisions cellulaires, transmission du programme génétique chez les eucaryotes
- HABERMAS, L’intégration républicaine, « Les droits de l’homme. À l’échelle mondiale et au niveau de l’État » (1996). Traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz (revue) - corrigé HLP
- Cédric Villani : Théorème vivant
- Lecture linéaire n°5 : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : postambule