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L'ÉTAT RESTREINT-IL LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE ?

Publié le 15/03/2004

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L'opposition de ces deux « figures » ne relève-t-elle pas d'un processus à expliquer ? Quant à la liberté individuelle, elle doit être envisagée elle aussi en sa spécificité. Pouvoir d'agir reconnu en droit et/ou effectivement mis en oeuvre, la liberté peut se dire d'un individu ou d'un groupe, mais aussi se diversifier en fonction des types d'action en cause : liberté de penser, de se déplacer, de s'exprimer, de décider de ce qui importe à la conduite de l'existence en étant son propre maître. La liberté individuelle est propre à l'individu en tant que tel, c'est-à-dire en tant que sujet unique reconnu irremplaçable, auteur singulier de ses pensées et de ses actes, pour lesquels il dispose d'une sphère personnelle. Affirmer la liberté individuelle, c'est se référer à cette sphère d'action propre à l'individu, et en poser la valeur distinctive. Comment la délimiter, et dans le cadre de quelles exigences? Question décisive impliquée dans le sujet. Esquissons la démarche de réflexion. Il faudra, dans un premier temps, se demander quelle peut être cette liberté individuelle qui préexiste à l'intervention de l'État, et réfléchir sur ses éventuelles limites, voire sur le sens problématique qui peut être le sien. Dans un deuxième temps, les fondements de l'État seront envisagés en relation avec les analyses précédentes, et dans la perspective d'une éventuelle redéfinition de la liberté individuelle.

« forces dont rien ne permet de dire, qu'il se perpétuera indéfiniment.

Rousseau soulignait, dans le livre I du Contrat Social (chapitre 3) les contradictions de l'expression « droit du plus fort».Hobbes, quant à lui, essayant d'interpréter en en déployant les implications lafigure d'une liberté individuelle naturelle, pensait qu'à l'état de nature, latendance dominante est celle de l'affrontement permanent des forcesindividuelles, état intenable de guerre de « tous contre tous » où le plus fortlui-même n'est jamais certain de maintenir indéfiniment sa domination.

Quellesque soient les caractérisations de cette condition (insuffisance des forcesindividuelles isolées pour subvenir aux besoins ou insécurité permanente) ellene peut se perpétuer telle quelle.

Ses «limites» obligent à concevoir une autresituation et du même coup à redéfinir, sans doute, la liberté individuelle. Troisième partie : fondements de F État et liberté individuelle Déduire théoriquement la nécessité d'une communauté organisée, est-ce ipsofacto poser la nécessité de l'État ? La question, nous le savons, dépend del'idée que l'on se fait de l'État.

Le rapport liberté individuelle/État est-ilnécessairement conflictuel ? L'État est-il toujours cette instance extérieureque « rencontre » l'individu comme puissance régulatrice s'imposant à lui dèslors qu'il serait trop tenté de donner libre cours à ses impulsions premières,dont l'expression sans norme ni entrave serait justement la liberté individuelle? Pour répondre à ces questions, il convient de procéder à une analyse desfondements de l'État, mise en situation par les remarques effectuées lors denotre premier moment de réflexion.

Si l'on considère que l'État constitue une instance de régulation distinguée de lasociété elle-même, il faut en dégager les implications, et faire varier la réflexion selon la distinction du droit et dufait.

Tout d'abord, on suppose que la seule « justaposition » des libertés individuelles ne donne pas d'embléenaissance à une communauté cohérente et harmonieuse.

Mais ne pourrait-on concevoir un type de régulationimmanent au groupe, donnant à celui-ci le caractère d'une véritable communauté ? L'État n'est sans doute pas laseule modalité de régulation des groupes humains, comme le montre d'ailleurs la variété des types d'organisationsociale.

Radicalement, que suppose l'idée d'une autorégulation des libertés individuelles, sans recours obligé à uneinstance répressive et normative externe (étatique ou autre) ? De prime abord, c'est l'absence de conflits entre lesindividus qui est requise ; ou, si l'on veut, l'identification par chaque individu de son intérêt propre à l'intérêtgénéral.

L'harmonie du groupe est d'autant plus solide qu'elle est engendrée positivement par le libre consentementde ses membres (thème du Contrat) au lieu d'être imposée de l'extérieur.

Encore faut-il que chaque individu ait desraisons réelles pour «adhérer» ainsi à la communauté.

Seule la conviction que l'appartenance à celle-ci s'effectuesur des bases de stricte réciprocité et d'égalité entre tous peut fonder à ses yeux l'identification de sa libertéindividuelle et de la force du groupe.

Dans cette perspective idéale, on peut alors appeler État la forme donnée à lasouveraineté populaire en tant qu'elle est devenue consciente d'elle-même, aussi bien en chacun qu'au niveau de lacommunauté.

Un peuple est un peuple avant de se donner un roi ou un président, selon le mot de Rousseau : réalisécomme autonomie et autolégislation, l'État n'est alors nullement facteur de restriction des libertés individuelles, car ilest contemporain de l'acte par lequel celles-ci se (re)définissent.

« L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite estliberté», écrit Rousseau, indiquant clairement qu'il y a émergence simultanée, en droit, de la loi et de la liberté.Puissance législatrice, l'État ne se situe pas par rapport à un donné qui lui préexisterait (les libertés individuelles «naturelles ») : il naît « en même temps » que la liberté individuelle, qui figure à la fois comme origine-fondement (lecontrat fondateur implique libre consentement) et comme fin-raison d'être (les termes du contrat visent les libertésde chacun dans le cadre de la communauté qui rend possible l'existence optimale de chaque affirmation individuelle).Dans une telle problématique, l'État n'est pas véritablement «instance externe» à la Société civile.

S'il paraît êtretel, de fait, c'est que trop souvent l'aliénation de chaque individu à l'exacerbation de ses intérêts particuliers lui faitpercevoir l'État comme une puissance arbitraire et contingente : cette perception signifie simplement que lui-mêmea « oublié » ou perdu de vue le fondement de l'État.

Dans le moment même où il s'oppose g l'État, l'individumanifeste qu'il a besoin d'être « gouverné » de l'extérieur, puisque l'autonomie personnelle ne suffit plus.

A cemoment, l'État cesse d'être compris comme expression de souveraineté.

Un tel processus peut être le fait del'individu lui-même lorsqu'il ne se comporte plus comme un auteur (sujet) raisonnable d'une communauté, et qu'ilentend se prévaloir d'un modèle fictif de liberté individuelle (celui qui existerait, hypothétiquement, en-deçà de lasociété) alors qu'il n'entend pas renoncer aux apports de la vie sociale.

Nous avons vu plus haut les limites d'unetelle figure de liberté, son côté à la fois précaire et illusoire.

Le caractère contradictoire d'une telle attitude donne àl'opposition de l'État et de la liberté individuelle un semblant de consistance, mais ce n'est qu'un faux semblant, quiprocède d'une double méprise : le rôle de Y État et la conception de la liberté individuelle donnent lieu àmalentendu.

Mais il convient de préciser qu'on ne peut ici parler de méprise que si l'on se réfère à un État légitime,fondé en droit.

Le point de vue change radicalement si, dans les faits, l'État n'accomplit plus la fonction qui fonde saraison d'être, ou la détourne à des fins contestables. Quatrième partie : passage à la question de fait, comment répondre à la question posée lorsqu'en faitl'État n'est plus conforme, en son action, à ce qui doit le fonder ? La distinction entre liberté individuelle et exigence d'harmonie du groupe assigne donc à l'État la fonction d'incarnerla volonté générale pour tout ce qui concerne les décisions du groupe : distinction et non opposition, car la volontégénérale est constituée par «l'aliénation des volontés particulières» elles-mêmes - chaque individu ne renonçantdans cette aliénation qu'à cette part des « appétits premiers » qui est incompatible avec l'existence d'autrui.

C'est. »

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