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L’État d'Arthur Schopenhauer, Douleurs du monde.

Publié le 29/01/2020

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schopenhauer

« L’État, ce chef-d’œuvre de l’égoïsme intelligent et raisonné, ce total de tous les égoïsmes individuels, a remis les droits de chacun aux mains d’un pouvoir infiniment supérieur au pouvoir de l’individu, et qui le force à respecter le droit des autres. C’est ainsi que sont rejetés dans l’ombre l’égoïsme démesuré de presque tous, la méchanceté de beaucoup, la férocité de quelques-uns : la contrainte les tient enchaînés, il en résulte une apparence trompeuse.

Mais que le pouvoir protecteur de l’Ètat se trouve, comme il arrive parfois, éludé ou paralysé, on voit éclater au grand jour les appétits insatiables, la sordide avarice, la fausseté secrète, la méchanceté, la perfidie des hommes, et alors nous reculons, nous jetons les hauts cris, comme si nous nous heurtions à un monstre encore inconnu ; pourtant, sans la contrainte des lois, sans le besoin que l’on a de l’honneur et de la considération, toutes ces passions triompheraient chaque jour. Il faut lire les causes célèbres, l’histoire des temps d’anarchie pour savoir ce qu’il y a au fond de l’homme, ce que vaut sa moralité ! Ces milliers d’êtres qui sont là sous nos yeux, s’obligeant mutuellement à respecter la paix, au fond ce sont autant de tigres et de loups, qu’une forte muselière empêche seule de mordre. Supposez la force publique supprimée, la muselière enlevée, vous reculeriez d’effroi devant le spectacle qui s’offrirait à vos yeux, et que chacun imagine aisément ; n’est-ce pas avouer combien vous faites peu de fond sur la religion, la conscience, la morale naturelle, quel qu’en soit le fondement ?

C’est alors cependant qu’en face des sentiments égoïstes, antimoraux, livrés à eux-mêmes, on verrait aussi le véritable instinct moral dans l’homme se révéler, déployer sa puissance, et montrer ce qu’il peut faire ; et l’on verrait qu’il y a autant de variété dans les caractères moraux qu’il y a de variétés d’intelligence, ce qui 25 n’est pas peu dire. »

schopenhauer

« Schopenhaue1~ Douleurs du monde 1 f ....

qui sous-tend tout ce texte et qui permet de comprendre les 1 ....

thèses que l'auteur y défend.

Cette anthropologie, on pour- L ..

rait la résumer par la phrase célèbre de Hobbes : « L'homme 1...

..

est un loup pour l'homme.

» Cependant, Schopenhauer L.

ajoute : I'h9mme est et reste un loup pour l'homme, et ce en 1...

..

dépit de l'E,tat, de la religion, de la morale, etc.

Le rôle qu'il ! .....

assigne à l'Etat dans ce texte dépendra donc de ce postulat [···· fondamental.

------+- L..

Pour Schopenhauer, la philosophie a pour tâche d'arra- l.

UNE DÉMYSTIFIC',ATTON DE L'ÉTAT 1...

..

cher aux hommes les illusions qui les aident, en temps ordi- 11 ....

naire, à vivre.

C'est un philosophe pessimiste, voire cynique.

.....

Pour bien comprengre la portée et l'enjeu de ce qu'il dit L.

dans ce texte sur l'Etat, il faut se rappeler gu'à la même !...

..

époque, Hegel, son grand rival, définissait l'Etat comme le L..

triomphe de la rationalité et de !'Universel sur les intérêts J ....

P";rticuliers.

Or Schopenhauer nous dit da;is ce texte que !....

l'Etat n'est nullement le contraire de !'Egoïsme, de la L ..

recherche de l'intérêt personnel qui serait sacrifié à l'intérêt !...

..

général par altmisme, patriotisme, amou~ sacré de la patrie ...

l....

Loin de ce lyrisme, il nous d~t que l'Etat est le triomjJ/lC, l ....

l'a:pothéose, la consécration de l'Egoïsme ! Non pas le règne de L..

la raison, non pas une institution qui s'opposerait (au nom 1 1 ....

de quoi ? avec quelles forces ?) au jeu des intérêts antago­ .....

nistes, mais la somme, la sy11tlzèse, l'organisation ratùmnelle de L...

tous ces égoïsmes.

Le savant, complexe et fragile équilibre de L.

tous ces intérêts contradictoires qui, en se heurtant les uns 1....

aux autres, font la vie d'une société, voilà ce que les hommes L..

appellent l'État, un compromis passé entre tous ceux qui l...

..

sont en position d'imposer, au moins partiellement, leur 1...

..

volonté et l~urs intérêts aux autres.

Par quelle mystérieuse L ..

alchimie l'Etat, surgi de cet entrechoc des intérêts parti­ l..

..

culiers, deviendrait-il quelque chose de noble, de sacré, de 1....

fondé sur Dieu lui-même, quelque chose qui mérite le res- 1...

..

pect st l'amour de tous les citoyens ? Il y a une mystification !..

..

de l'Etat que Scl~openhauer s'attache à rendre manifeste 1...

..

dans ce texte.

L'Etat se présente comme le triomphe du L.

..

désintéressement et de la rationalité sur les tendances égoïstes L ..

de l'homme, alors qu'il n'en est que le produit et l'organi­ if1 ....

sation rationnelle : c'est précisément aux intérêts et aux .....

passions des hommes qu'il fait appel pour amener chacun à l 61. »

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