l'Etat a-t-il pour but de maintenir l'ordre ou d'établir la justice ?
Publié le 16/06/2005
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On sait que le but et le principe de l'organisation en société consistent à soustraire les hommes au règne absurde de la convoitise et à les faire avancer -autant que possible- sur la voie de la raison, de sorte que leur vie s'écoule dans la concorde et la paix. Aussitôt donc que ce principe cesserait d'être mis en oeuvre, tout l'édifice s'écroulerait. Mais seule la souveraine Puissance a la charge d'en assurer le maintien, tandis que les sujets doivent exécuter les ordres reçus et ne reconnaître d'autre droit, que celui établi par les proclamations de la souveraine Puissance. Peut-être va-t-on prétendre qu'ainsi nous faisons des sujets des esclaves, car une opinion vulgairement répandue nomme esclave celui qui agit sur l'ordre d'un autre, et homme libre celui qui se conduit comme il veut. Cette manière de voir n'est pas tout à fait conforme à la vérité. En fait, l'individu entraîné par une concupiscence personnelle au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu'exige son intérêt authentique, est soumis au pire des esclavages. Au contraire, on devra proclamer libre l'individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison. " SPINOZA la sécurité qu'il est préférable à la liberté de l'«homme naturel«. L'État, c'est la réalisation du désir naturel de sécurité sous la pression des nécessités, les homme ne peuvent pas rester solitaires: il leur faut se porter assistance mutuelle afin de réaliser leurs désirs. Aussi, les scolastiques ont-ils raison de dire, après Aristote, que l'homme est un animal politique.
• Ordre et justice paraissent ici opposés ; si la justice implique un ordre, la réciproque n'est pas nécessaire. • Souligner la différence entre les deux verbes. • Penser à des exemples historiques. • Un État semble ne pas pouvoir instaurer la justice s'il est en désordre : la justice implique l'existence d'un ensemble de lois à respecter par tous alors que le désordre signifie l'absence de règles de vie commune. • On pourrait en conséquence être tenté d'affirmer que le rôle de l'État est d'abord d'installer l'ordre. Mais la question posée concerne son maintien, et non son installation. Maintenir l'ordre, cela suppose qu'il est contesté. • Le problème se ramène alors à se demander s'il convient de maintenir l'ordre à tout prix, y compris au prix de la justice elle-même. Pour Platon, il ne se pose pas : l'ordre de la Cité (sa hiérarchie) permet précisément l'existence de la justice. Mais pour les théories modernes, elle a du sens, dès lors que l'on conçoit qu'un ordre peut être injuste.
• Exemples historiques : tous les régimes totalitaires. La justice y disparaît, puisqu'elle est soumise au seul pouvoir, dont l'obsession est précisément de maintenir l'ordre par tous les moyens, notamment en considérant comme nécessairement coupables ceux qui en contestent le bien fondé. • Complémentairement, on montrera que l'injustice signifie toujours un désordre (d'abord local ou ponctuel, mais qui conteste métonymiquement toute l'organisation sociale) : ce dernier apparaît ainsi comme une conséquence, ce qui donne à l'ordre le même statut. • Ainsi, ce qui doit être premier, c'est l'instauration de la justice.
«
Royaume-Uni .
Si l'on devait résumer en une seule phrase l'oeuvre politique de Hobbes , la phrase étudiée ici, qui figure au chapitre 13 du « Léviathan », est certainement celle qui conviendrait le mieux : « Il apparaît clairement par là qu'aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tient en respect, ils sont dans cette condition quise nomme guerre, et cette guerre est la guerre de chacun contre chacun. »
Les éléments fondamentaux sont mis en place :
· parce que l'homme est poussé par un insatiable appétit de domination et qu'il cherche aussi à se protéger contre les agressions d'autrui par des actions préventives, la situation (« état de nature ») qui précède la vie en société se ramène à une guerre perpétuelle ;
· la paix entre les hommes ne peut être obtenue que si tout le monde se soumet à une autorité (« un pouvoir commun ») qui contraint (« les tient en respect ») les hommes à ne plus attenter à la vie d'autrui.
Le passage de l'état de nature à la société se présente comme le remplacement d'une crainte par une autre.
Dansl'état de nature, l'homme craint son semblable qui peut à chaque instant le tuer ou le déposséder.
Dans la vie ensociété, l'individu craint un pouvoir fort qui garantit sa sécurité mais qui lui demande une obéissance quasi absolue.
Pour que ce passage de l'état de nature à la société puisse avoir lieu, il est donc nécessaire que soit mis fin à « la guerre de chacun contre chacun » par un contrat « de chacun avec chacun ».
Dans le système de Hobbes , comme cela se trouve chez certains prédécesseurs de Hobbes ou comme chez Rousseau , un contrat liant gouvernant et gouvernés.
Le contrat Hobbes ien est un contrat qui ne lie que les gouvernés entre eux.
Chacun de ceux-ci dit à l'autre en substance : j'accepte de ne pas attenter à ta vie et, enéchange, tu t'engages à faire de même.
Pour garantir cet accord, nous acceptons d'obéir à une autorité dont lafonction sera d'imposer le respect des termes du contrat.
La seule limite de cette autorité, et en même temps de cette obéissance, va découler de la « fin » de cette convention, c'est-à-dire de son objectif.
Chacun abandonne l'essentiel de sa liberté au profit de sa sécurité.
Chacunréfrène sa volonté de puissance (Freud dirait ses pulsions agressives) pour ne pas être tué ou blessé par autrui.
Enconséquence pour Hobbes , si le pouvoir souverain veut attenter à ma vie (ou me blesser, m'emprisonner et autres actions qui peuvent entraîner la mort), je me trouve en état de légitime défense et j'ai le droit de résister.
Certainesnuances sont apportées à ce droit de résistance ; ainsi, s'il y a promesse de pardon, je dois m'incliner.
De plus, sesmodalités de mise en oeuvre pourraient être mieux précisées.
Mais l'essentiel est qu'il demeure un droit de résistancese rattachant à l'idée que l'organisation sociale a pour but de protéger le corps de l'homme et qu'elle perd son senssi, portant atteinte à ce corps, elle recrée la situation de l'état de nature qu'elle avait pour mission de supprimer.L'individu concerné pourra alors protéger sa vie de la même manière qu'il l'aurait fait à l'état de nature.
Nous ne sommes pas dans un système totalitaire qui exige l'anéantissement de l'individu au profit de la collectivité.L'organisation sociale a pour but de protéger l'individu.
Le pouvoir qui fait régner l'ordre est quasi absolu à seule find'éviter la guerre civile qui n'est, en fait, qu'un retour à l'état de nature.
Mais quasi absolu seulement, car cepouvoir souverain est limité par un principe de cohérence qui veut qu'il ne fasse pas ce qu'il a pour fonctiond'empêcher.
On voit donc apparaître ici, conjointement au souhait d'un pouvoir concentré et fort, l'idée de droits inaliénables del'être humain, la nécessité d'un respect de l'individu dans son corps, éléments qui peuvent être perçus comme lesprémisses des droits de l'homme.
Le meilleur résumé de la façon dont s'établit le contrat est à chercher dans « Léviathan », l'oeuvre majeure du philosophe.
Au chapitre 17, celui-ci écrit : « La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre les gens de l'attaque des étrangers, et des torts qu'ils pourraient se faire les uns aux autres, et ainsi à lesprotéger de telle sorte que par leur industrie et par les productions de la terre, ils puissent se nourrir et vivresatisfaits, c'est de confier tout leur pouvoir et toute leur force à un seul homme, ou à une assemblée, qui puisseréduire toutes leurs volontés, par la règle de la majorité, en une seule volonté.
»
Cela revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée, pour assumer leur personnalité ; et que chacun s'avoueet se reconnaisse comme l'auteur de tout ce qu'aura fait ou fait faire, quant aux choses qui concernent la paix et lasécurité commune, celui qui a ainsi assumé leur personnalité, que chacun, par conséquent, soumette sa vol et sonjugement à la volonté et au jugement de cet homme ou de cette assemblée.
Cela va plus loin que le consensus ou concorde : il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, unité réalisée par une convention de chacun avec chacun passée de telle sorte que c'est comme sichacun disait à chacun : « J'autorise cet homme ou cette assemblée, et je lui abandonne le droit de me gouverner.
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