L’Etat
Publié le 27/05/2024
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«
L’État
Définition.
État vient du latin status, qui désigne l'action de se tenir et la façon de se tenir, la posture, la position,
sur sto, stare, « se tenir debout, immobile, ferme », et d'où dérive statuo, « établir, estimer, décider »,
l'une des fonctions de l'État justement.
L'état, sans majuscule, désigne aussi l'état d'une cause (en droit), d'une chose (un état des lieux), du
monde ou d'une personne (un malade, etc) ou un statut social.
Mais, à partir de l'époque moderne, écrit
avec une majuscule, l'État désigne un mode d'organisation du pouvoir politique, qui suppose un
gouvernement et se distingue de la « société » (sur societas, « association, communauté »).
1.
L'homme est-il naturellement sociable ?
1.1.
L'homme est naturellement voué à une existence politique.
Une société réunit des individus qui partagent naturellement certaines préférences et communiquent
par la voix (phonè).
Il existe ainsi des sociétés animales.
Une communauté politique implique une
réflexion des individus, sur un ensemble de valeurs auxquelles ils se soumettent.
Il est évident que l'homme est un animal politique plus que n'importe quelle abeille et que n'importe quel
animal grégaire (1).
Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux
l'homme a un langage.
Certes la voix est le signe du douloureux et de l'agréable, aussi la rencontre-t-on
chez les animaux ; leur nature, en effet, est parvenue jusqu'au point d'éprouver la sensation du douloureux
et de l'agréable et de se les signifier mutuellement.
Mais le langage existe en vue de manifester l'avantageux
et le nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste.
Il n'y a en effet qu'une chose qui soit propre aux hommes
par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l'injuste
et des autres [notions de ce genre].
Or avoir de telles [notions] en commun c'est ce qui fait une famille et
une cité.
Aristote, Les Politiques [v.
325 av.
J.-C.], Livre I, chap.
2, trad.
P.
Pellegrin
1.
Grégaire : sont dits grégaires les animaux gui vivent en troupeau (latin, gregus), et plus largement les animaux sociaux.
1.2 L'homme à l'état de nature n'est pas sociable mais livré à ses passions.
Hobbes défend l'absolutisme.
L'État a un pouvoir absolu parce qu'il protège l'état civil, fruit d'un
contrat passé entre les hommes, contre la violence de l'état de nature, où les hommes
s'entredéchirent, faute de lois.
Hors de la société civile, chacun jouit d'une liberté très entière, mais qui est infructueuse, parce que, comme
elle donne le privilège de faire tout ce que bon nous semble, aussi elle laisse aux autres la puissance de
nous faire souffrir (1) tout ce qu'il leur plaît.
Mais dans le gouvernement d'un État bien établi, chaque
particulier ne se réserve qu'autant de liberté qu'il lui en faut pour vivre commodément, et en une parfaite
tranquillité, comme on n'en ôte aux autres que ce dont ils seraient à craindre.
Hors de la société, chacun a
tellement droit sur toutes choses, qu'il ne s'en peut prévaloir et n'a la possession d'aucune ; mais dans la
République, chacun jouit paisiblement de son droit particulier.
[...] Enfin, hors de la société civile, les
passions régnent, la guerre est éternelle, la pauvreté est insurmontable, la crainte ne nous abandonne
jamais [...]; mais dans l'ordre du gouvernement, la raison exerce son empire, la paix revient au monde, la
sûreté publique est rétablie, les richesses abondent, on goûte les charmes de la conversation, on voit
ressusciter les arts, fleurir les sciences ; la bienséance est rendue à toutes nos actions et nous ne vivons
plus ignorants des lois de l'amitié.
Thomas Hobbes, Le Citoyen ou les Fondements de la politique [1642-1647], trad.
S.
Sorbière
1.
Souffrir : ici subir.
Vocabulaire : une république est une société civile où la loi est l'expression de l'intérêt général.
L'État est l'autorité qui centralise et exerce le pouvoir politique.
1.3 L'homme est par nature tiraillé entre sa sociabilité et son insociabilité.
Le moyen dont la nature se sert pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leur
antagonisme (1) au sein de la Société, pour autant que celui-ci est cependant en fin de compte la cause
d'une ordonnance régulière de cette Société.
- l'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des
1
hommes, c'est-à-dire leur inclination à entrer en société, inclination qui est cependant doublée d'une
répulsion générale à le faire, menaçant constamment de désagréger cette société.
L'homme a un penchant
à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions
naturelles.
Mais il manifeste aussi une grande propension (2) à se détacher (s'isoler), car il trouve en même
temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens ; et, de ce fait, il
s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux
autres.
C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à
la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place
parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer.
L'homme a alors
parcouru les premiers pas, qui de la grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la
valeur sociale de l'homme ; c'est alors que se développent peu à peu tous les talents, que se forme le goût,
et que même, cette évolution vers la clarté se poursuivant, commence à se fonder une forme de pensée qui
peut avec le temps transformer la grossière disposition naturelle au discernement (3) moral en principes
pratiques déterminés.
Par cette voie, un accord pathologiquement extorqué (4) en vue de l'établissement d'une société, peut se
convertir en un tout moral.
Sans ces qualités d'insociabilité, [...] les hommes, doux comme les agneaux qu'ils
font paître, ne donneraient à l'existence guère plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique ; ils ne
combleraient pas le néant de la création en considération de la fin qu'elle se propose comme nature
raisonnable.
Remercions donc la nature pour cette humeur peu conciliante, pour la vanité rivalisant dans
l'envie, pour l'appétit insatiable de possession ou même de domination.
Sans cela toutes les dispositions
naturelles excellentes de l'humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil.
L'homme veut la concorde,
mais la nature sait mieux que lui ce qui est bon pour son espèce : elle veut la discorde.
Emmanuel Kant, Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique [1784], proposition IV, in
Opuscules sur l'histoire, trad.
S.
Piobetta,
1.
Antagonisme : association de deux tendances contradictoires.
2.
Propension : tendance naturelle.
3.
Discernement : faculté de
distinguer le vrai du faux, le bien du mal.
4.
Pathologiquement extorqué : obtenu par la force d'inertie d'une ou plusieurs tendances
passives.
Vocabulaire.
« Insociable sociabilité » : l'homme est tiraillé entre deux tendances naturelles ; l'une le porte à la
solitude et à l'égoïsme, l'autre à la rencontre de son prochain.
Une fable de Schopenhauer raconte ainsi
que les hommes sont comme des porcs-épics en hiver : ils se rapprochent pour se réchauffer, mais
s'éloignent lorsque leurs piquants se touchent.
« Tout moral » : ensemble d'individus fédérés par une loi morale, à la différence d'une somme d'intérêts
individuels en conflit.
L'état de nature est la situation hypothétique de l'homme avant toute socialisation et tout droit.
La
culture est le processus par lequel il sort de cet état.
L'état moral est le terme idéal de ce processus.
Il n'est pas la civilisation, culture excessive du goût et de la sociabilité, qui s'oppose à la nature jusqu'à
l'artifice.
2.
Multiplicité d'individus, unité politique
Un empire, un royaume ou une nation sont des réalités historiques sans unité.
La notion d'État, elle,
désigne un pouvoir politique qui s'impose à une multitude d'individus différents.
En quoi cette unité
consiste-t-elle ? Qu'est-ce qui la rend possible, voire nécessaire ? L'Etat n'institue-t-il pas entre les
individus des relations de droit, en lieu et place de rapports de force ? Mais quelle est la différence entre
l'État et la société ? Et l'État est-il la seule forme d'unité politique possible, ou une société peut-elle
exister sans État ?
2.1.
Le peuple est-il soumis à l'Etat ?
Dans son ouvrage Léviathan (1651), Hobbes (1588-1679), marqué par la guerre civile qui déchire au
même moment l'Angleterre, réfléchit à la nécessaire institution de l'État pour garantir l'unité des
individus.
En effet, la condition des individus sans État, c'est-à-dire dans l'état de nature est une
condition structurellement invivable, où chacun rivalise avec chacun pour satisfaire ses désirs et ses
passions, alors même que les forces diverses des individus sont relativement égales.
Comment l'État
peut-il ramener une multiplicité d'individus animés de désirs conflictuels à une unité politique pacifique
?
La seule façon d'ériger un tel pouvoir commun, apte à défendre les gens de l'attaque des étrangers, et des
torts qu'ils pourraient....
»
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