l'esprit scientifique est-il compatible avec la croyance religieuse ?
Publié le 15/11/2005
Extrait du document
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possible entre l'étude des textes sacrés et la connaissance scientifique.
La volonté de Dieu se révèle à nous dansles Écritures ; sa puissance se manifeste dans la Création.
« Il apparaît donc tout aussi pieux d'étudier la nature...que de lire les textes sacrés », conclut Lecourt, résumant la pensée de Bacon.
Le domaine des vérités scientifiqueset celui des vérités révélées sont strictement séparés.
Cette philosophie modifia durablement les rapports entrescience et religion.Elle permet par exemple de penser que les sciences se limitent à la question « comment ? » et que la religion, elle,pose la question «pourquoi?».
Les sciences expliquent par leurs causes la manière dont les phénomènes naturels seproduisent.
Les religions, pour leur part, donnent aux hommes de comprendre les raisons de leur présence au monde; elles confèrent un sens à leur existence, en la rattachant à celle d'un Créateur.
Or, contrairement à ce quepensait Auguste Comte, on peut dire que la connaissance des causes n'épuise pas la question du sens de notreexistence.C'est une telle forme de compromis que l'on voit adoptée par les hommes de foi ouverts à l'esprit scientifique.
Denos jours, par exemple, certains dans l'Église catholique considèrent avec beaucoup d'attention la théorie du bigbang, qui offre un modèle d'explication du début de l'univers.
Ils n'y voient pas de contradiction avec la croyanceque celui-ci a été créé par Dieu.
Le big bang ne serait que le moyen physique de la création, l'acte créateur n'étantabsolument pas mis en cause.De même, pendant longtemps, les scientifiques ont pu voir, dans tous les phénomènes qu'ils expliquaient, l'oeuvred'un créateur.
Dieu était comme l'horizon de la science.
Cette conception fut exprimée avec force par Newton, «quifit figure de modèle incontesté aux yeux de tous les savants et hommes de culture pendant deux siècles ».
Newtonécrit, dans un ajout aux Principes de philosophie naturelle (1687) : « Cet arrangement aussi extraordinaire du Soleil,des planètes et des comètes n'a pu avoir pour source que le dessein et la seigneurie d'un être intelligent etpuissant.
» L'univers, que le physicien explique, appelle en creux un Créateur, à qui seul on peut imputer l'ordre et labeauté qu'on y découvre.Par exemple, la loi de la gravitation universelle, selon l'aveu même de Newton, décrit le comportement de la gravité,mais ne permet pas de connaître sa cause première.
On doit en fin de compte rapporter sa raison d'être à Dieu.
Laconnaissance scientifique du monde est donc mise en perspective par Dieu, la pensée rationnelle se déploie dans lecadre de la pensée religieuse.Dans une telle configuration, science et religion sont tout à fait compatibles.
Elles se complètent et s'appellent plusqu'elles ne se combattent.
Mais la séparation des deux domaines n'est plus aussi nette que dans l'esprit de Bacon.La science est comme aspirée par la religion.
Il s'agit plus d'une assimilation que d'un compromis.Il existe en fait un autre type de compromis, plus conforme à la stricte délimitation du religieux et du scientifique.
Ilconsiste à « laisser la science déployer ses théories et redéfinir l'objet de la théologie comme un pur enseignementmoral» (D.
Lecourt). On voit ainsi Spinoza (1632-1677) procéder à une lecture des Ecritures, avecl'intention d'en expurger tous les passages contraires à la raison.
La religionne doit selon lui rien demander qui aille à l'encontre de la raison.
«Ni laThéologie ne doit être la servante de la Raison, ni la Raison celle de laThéologie.
» Le message de la religion est très simple, et peut être comprispar l'homme le moins instruit.
Il se réduit aux recommandations de Charité etde Justice.
Ainsi, la religion laisse l'activité de la raison, et donc de la science,complètement libre, l'obéissance due aux Écritures commandant seulementaux hommes de régler leurs actes sur le principe qui demande qu'on aime sonprochain comme soi-même.
De la sorte, ils pourront bien servir Dieu sanssacrifier le désir le plus naturel de l'homme, celui de connaître.
Aucune desdeux formes principales de la pensée humaine ne demande le sacrifice del'autre.
[Conclusion]
Science et religion sont donc bien compatibles, mais cela dépend en grandepartie de la conception que l'on se fait de l'activité scientifique ou de lareligion.
L'esprit humain suit sa pente naturelle : ce qui n'est qu'une forme depensée devient pour lui pensée unique et totale, ne laissant aucune place à une forme de pensée différente.Voilà pourquoi science et religion sont perçues par les hommes comme s'excluant mutuellement.
Il ne peut plus yavoir entre elles qu'un rapport de force : elles ne peuvent coexister qu'en cherchant à dominer et à assujettirl'autre.
On peut voir dans cette sensibilité la source de tous les fanatismes, qu'ils soient athées ou religieux.
Aussiest-il très important de méditer les philosophes qui nous enseignent que la claire séparation des deux, en mêmetemps qu'elle les rend compatibles, est le fondement même de la tolérance.
Tout l'esprit de la laïcité tient là..
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