L'esprit philosophique et la croyance religieuse sont-ils compatibles?
Publié le 01/04/2005
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La religion est un ensemble de croyances, de rites, de cérémonies qui rassemblent - relient- les membres d'un groupe autour de ce qui le dépasse : esprits, divinités, dieux ou Dieu. L'activité philosophique semble, à la différence de la croyance, relever de la raison. Que l'on évoque le personnage de Socrate, qualifié dans le dialogue de Platon MÉNON de « douteur « et de « semeur de doute «, ou Descartes racontant au début de la première Méditation qu'il lui faut se retirer dans la solitude de sa chambre pour mener en toute liberté une démarche de réflexion, telle qu'il puisse «se défaire des opinions reçues jusqu'alors en sa créance « : il s'agit dans tous les cas de penser par soi-même, de ne se fier ni aux apparences ni aux évidences sans les avoir éprouvées. Comment la philosophie pourrait-elle s'accorder avec la religion ? S'accorder, c'est être du même avis, réaliser une union des esprits et des coeurs. C'est aussi aider l'autre, se trouver en harmonie avec lui. Or la philosophie ne se constitue-t-elle pas en se séparant de la religion ? Sa tâche ne consiste-t-elle pas à s'interroger sur la religion ? Mais la religion, en particulier la religion chrétienne, ne peut-elle s'accorder avec la philosophie ? Elle utilise en effet les mêmes modes de raisonnement, les mêmes débats que la philosophie. L'accord entre la philosophie et la religion peut encore prendre un autre tour lorsque la philosophie s'emploie à justifier la religion. Mais la philosophie ne risque-t-elle pas alors de disparaître dans la religion qu'elle justifie ? Autrement dit, l'apologétique, justification de la religion par la raison, est-elle encore oeuvre philosophique?
«
supérieur à lui pour qu'il connaisse son devoir, ni d'un autre mobile que la loi même, pour qu'il l'observe. » Toutefois il existe entre la morale et la religion un rapport étroit, et nous avons vu dans la « Critique de la Raison Pratique » que l'idée de Dieu, si elle n'était pas nécessaire pour fonder la morale, se trouvait du moins fondée par elle.
Les marques de la véritable Eglise sont : l'universalité, la pureté.
Elle doit être purgée de l'imbécillité de lasuperstition et de la folie du fanatisme »
Toutefois, étant donné la faiblesse humaine , la pure foi religieuse ne suffit pas à donner une Eglise.
Les hommesn'arrivent pas à se persuader qu'il faut agir par devoir et que cela seul constitue l'obéissance à Dieu ; ils veulentservir Dieu comme on sert un grand seigneur dans le monde.
Si bien qu'une « religion culturelle » s'ajoute à la religion purement morale.
Cependant les croyances de l'Eglise statutaire précèdent ordinairement la vraie foi, puisqu'elles servent à larépandre.
Et cela ne va pas sans danger.
Il est à craindre en effet que ces croyances ne finissent par se substituerà la vrai foi.
Aussi est-il nécessaire d'interpréter celles-ci au moyen de celle-là, de chercher la conformité de la foihistorique à la raison pratique.
Kant distingue la religion révélée et la religion naturelle.
Dans la première, je reconnais comme devoir ce que je sais être un commandement divin ; dans la seconde, au contraire, je reconnaiscomme commandement divin ce que je sais être un devoir : « il faut que la raison humaine universelle, l'élément de la religion naturelle, soit reconnue et honorée dans la dogmatique chrétienne comme le suprême principe souverain,mais que la doctrine de la révélation sur laquelle on fonde une Eglise, et à laquelle des savants sont nécessaires enqualité d'exégètes et de conservateurs, soit aimée et cultivée comme simple moyen, hautement estimable d'ailleurs,pour rendre la première de ces doctrines accessibles même à l'intelligence des ignorants et pour lui donner del'extension et de la persistance ».
Le faux culte intervient dès que la foi statutaire n'est plus subordonnée à la foi naturelle, à la loi morale, dès qu'ellen'est plus un simple véhicule de celle-ci, mais qu'elle devient une fin en soi.
La lettre supplante alors l'esprit, lespratiques extérieures se substituent à la vrai foi.
Le prêtre cesse d'être un serviteur, un ministre de l'Eglise, pourdevenir un fonctionnaire.
On tombe alors dans la superstition religieuse : « la folie de croire que, par les religieux du culte, on peut faire quelque chose pour sa justification devant Dieu, c'est la superstition religieuse .
»
A cette corruption de la vraie foi, le remède est de prendre la conscience pour « guide en matière de foi ».
Ce n'estpas la prière qui sauvera l'homme ; elle n'est qu'un moyen de ranimer en nous l'intention morale, et nullement unmoyen de grâce.
Ce n'est pas non plus la fréquentation de l'église, simple moyen d'édification pour chacun enparticulier, et devoir des fidèles en tant que membres d'une Eglise visible.
Ce n'est pas davantage la consécrationpar le baptême ou la communion.
Encore une fois, l'homme ne doit pas compter sur un secours extérieur, parceque : « ce qui doit nous être imputé à titre de bonne conduite morale ne devrait pas s'effectuer grâce à une influence étrangère, mais uniquement par l'usage le meilleur possible de nos propres forces ».
Ainsi apparaît à nouveau le primat de la raison pratique, législatrice souveraine, à laquelle la religion même estsubordonnée.
L'homme est seul avec sa conscience et il n'y a pas de favoris du ciel.
Nous avons tous les mêmesarmes pour un même combat, et chacun fait son propre salut.
Kant était fortement attaché aux principes religieux qu'il avait reçus de sa mère, et c'est pour tenter d'accorder ces principes aux thèses de son rationalisme moral qu'il écrivit la « Religion dans les limites de la simple raison ».
Le christianisme n'est raisonnable que dans la mesure où il est moral et le principe moral qu'il contient n'est pasthéologique.
A la question : à quelles conditions une religion est-elle possible, le philosophe critique répond enarguant du fait rationnel du devoir.
En ce point, il n'y a aucune ambiguïté : inféoder la conduite éthique à descommandements divins serait restaurer une hétéronomie qui ruine la liberté.
L'éthique est autosuffisante.
C'estl'éthique qui exige qu'on postule l'existence d'un Dieu susceptible de rendre possible la réalisation du Souverain Bien.La morale conduit à la religion qui ne la fonde pas La religion n'est, en ce qu'elle est raisonnable, que l'Idée d'unlégislateur moral suprême supposé.
La religion représente tous les devoirs comme des ordres divins.
Mais nos devoirsne sont précisément pas des ordres divins.
La religion relève de l'ordre régulateur du « Comme si ».
Ce texte vient contredire ou réduire la portée des cinq caractéristiques du « Dieu chrétien ».
• Mais c'est là nier la particularité du fait religieux : la morale est en effet à l'échelle humaine, elle se préoccupe denotre existence sur la terre alors que la religion nous soumet à la Transcendance.
Dans une perspective fidéiste, aucontraire, on ne peut accéder à une vérité religieuse que par la seule foi sans aucun recours à la raison : celle-ciéloigne de Dieu.
Aussi , le croyant doit totalement s'abandonner aux seules principes de la Révélation .
« La foi estdifférente de la preuve : l'un est humaine, l'autre est un don de Dieu » (Pascal).
Ainsi, pour Kierkegaard, l'expérience religieuse est une expérience d'ordre existentiel radicale qui est absolumenthétérogène à la raison et irréductible aux concepts et aux essences d'ordre général.
« C'est donc sur la foi objective qu'on spécule.
Qu'est-ce que cela veut dire la foi objective ? Cela veut dire unesomme de propositions [...] La foi objective, c'est comme si le christianisme était annoncé comme un petit système,pas si bon naturellement que celui de Hegel, c'est comme si le Christ [...] avait été professeur et que les Apôtresaient constitué une petite société savante.
».
»
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