L'esprit existe-t-il indépendamment du corps ?
Publié le 13/04/2009
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La nature nous présente enfin des phénomènes de pensée et de conscience. La psychologie nous a appris que ces phénomènes dépendaient de conditions multiples : biologiques, physiologiques, sociales. Mais sont-ils entièrement réductibles à ces conditions ? Ne faut-il pas, de la matière et de la vie, distinguer un principe spécifique et irréductible dont dépendraient les phénomènes conscients? Un tel principe serait l'esprit (ou âme). Le spiritualisme affirme son existence, le matérialisme la nie. Mais il importe avant tout de savoir ce qu'il faut entendre par esprit.
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A. - L'âme
Le débat entre spiritualistes et matérialistes porte souvent, en effet, sur l'esprit conçu comme personnel, individuel, autrement dit sur l'âme. Il s'agit alors de savoir s'il existe une âme et, dans le cas où on l'admet, si elle est immortelle, et quels sont ses rapports avec le corps. Mais l'idée que les philosophes se sont faite de l'âme a elle-même fort varié au cours de l'histoire.
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Mais, parallèlement à de tels débats, s'est opérée dans les temps modernes une critique de l'âme substance.
Hume remarque que nous n'atteignons pas l'âme substance, mais seulement unesuite d'états psychiques.
K ant estime que c'est à tort que Descartes crut avoir atteint l'âme substance: notre expérience interne, tout comme notreexpérience externe, ne nous donne que des phénomènes.
Le moi dont parleDescartes est purement formel: il exprime l'unité synthétique de la pensée, il ne saurait être tenu pour une réalité substantielle.
Dès lors, on passe de laconsidération de l'âme à celle de l'esprit.
Le plus souvent, en effet, la philosophie contemporaine prend le mot « esprit» en un sens impersonnel, et y voit « la réalité pensante en général, le sujetde h représentation avec ses lois et son activité propres» (Lalande ).
Le problème qui se pose alors est celui du rapport de l'esprit avec la réalitétotale, de la place de l'esprit dans la nature.
La solution que l'on donnera à ce problème dépend encore de la façon donton définira l'esprit.
Certains voient avant tout dans l'esprit la conscience.Dans ce cas, on peut également soutenir que l'esprit est tout (car nulleréalité ne peut être conçue, sinon comme consciente), ou que sa place estpetite dans la nature (car l'univers apparaît comme une étendue indéfinie dematière, que nos sens ne nous révèlent qu'indirectement, accidentellement etpartiellement).
Mais définir l'esprit par la conscience nous semble peu exact.
D'une part en effet tous les faits (et aussi bien ceuxque nous tenons pour physiques que ceux que nous tenons pour psychiques) sont, en tant que tels, conscients.D'autre part nous avons cru pouvoir admettre un psychisme inconscient.
La marque de l'esprit ne nous paraît doncpas devoir être cherchée dans la conscience : elle est plutôt l'ordre, c'est-à-dire l'unité s'imposant à la multiplicité.Tout fait peut être dit psychique s'il est rapporté à l'unité d'un sujet.
De même, toute relation ne peut être conçueque par rapport à l'unité d'un esprit qui la pose ou la pense.
Dès lors, la place de l'esprit dans la nature apparaîtsous un jour nouveau.
Toute réalité participe à l'esprit puisque toute réalité physique, biologique ou humaine obéit àdes lois, et révèle un ordre.
Mais nulle réalité ne se réduit à l'esprit puisque le concret de l'intuition sensible ne selaisse pas déduire, puisque tout ordre semble s'imposer à une matière qui lui demeure extérieure, et même n'estpensable que s'appliquant à une telle matière.
Nous retrouvons ici la dualité de la matière et de l'esprit : elle apparaît en toute chose, et en nous-mêmes.
Lesobjets du monde sont divers en tant qu'ils sont matière : l'espace qu'ils occupent les divise, les sépare, lesindividualise ; et pourtant les mêmes lois se retrouvent en tous,
d'où l'on voit que l'esprit est ce qui unifie.
Et nous-mêmes nous sentons séparés des autres hommes par notre corpset ses besoins, par notre affectivité qui en dérive; mais la raison est commune à tous les hommes, et nous metd'accord avec tous: elle est en nous la marque de l'universalité de l'esprit.
L'esprit, donc, s'il est partout dans lanature, n'y paraît nulle part être seul dans le domaine de la connaissance, le donné s'oppose à ses exigences, dansle domaine moral, le fait s'oppose à ses valeurs.
Aussi l'esprit apparaît-il comme luttant et militant : il a sans cesse àtriompher d'une matière qui le divise, et le sépare de lui-même..
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