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Les vérités mathématiques constituent-elles le modèle de toute vérité ?

Publié le 04/02/2004

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a) Généralité : les mathématiques, dit Descartes, sont « une science générale qui explique tout ce qu'il est possible de rechercher touchant l'ordre et la mesure, sans assignation à quelque matière particulière que ce soit « (Règles pour la direction de l'esprit, 1629). Elles ne considèrent, dans le domaine où on les applique, « que les divers rapports ou proportions qui s'y trouvent « (Ibid )

b) Abstraction : A propos des objets dont elles traitent, les mathématiques ne se mettent guère en peine de savoir « si elles sont dans la nature, ou si elles n'y sont pas « (Descartes, Méditations métaphysiques, 1641 ). Selon le mot de Goblot, les mathématiques n'ont pas besoin pour être vraies que leurs objets soient réels. La certitude de leurs démonstrations ne requiert aucunement la vérification expérimentale. Autre formule célèbre qui souligne l'abstraction de l'objet mathématique : la géométrie, dit-on souvent, est l'art de raisonner juste sur des figures fausses (puisque les segments que je trace sur ma feuille ont une épaisseur, puisque la droite que je figure n'est pas infinie, etc.). Le raisonnement déductif. La démonstration mathématique est nécessaire (ou apodictique). Sa force probatoire s'impose comme une obligation à l'esprit. On appelle raisonnement déductif, écrit le mathématicien Jean Dieudonné, « un enchaînement de propositions disposées de telle sorte que le lecteur (ou auditeur) se voit contraint de considérer comme vraie chacune d'elles, dès qu'il a admis la vérité de celles qui la précèdent dans le raisonnement «.

« et des postulats, et n'affirmant ensuite que ce qui peut se démontrer déductivement à partir de ces points dedépart. [III.

La vérité formelle] La force de la déduction vient de ce qu'elle repose sur des principes dont l'esprit décide lui-même, indépendammentde ce dont on parle.

Le syllogisme lui-même, qui constitue le modèle initial de la déduction, nous permet ainsi degarantir la rigueur du raisonnement, même si ce raisonnement porte sur des absurdités : on dit que sa vérité est denature rigoureusement formelle, pour signaler précisément que le « contenu » intuitif des propositions (ce qu'ellessemblent désigner par les mots qui y interviennent) n'y a aucune importance.

De ce point de vue, la logique la plusrigoureuse, même dans sa version aristotélicienne, est une logique qui remplace les mots du vocabulaire ordinaire parde purs symboles, qui n'évoquent plus rien d'empirique.

On constate alors sans difficulté que l'élaboration d'unedéduction vraie n'a rien de commun avec le sens que pourraient véhiculer des propositions.Les systèmes mathématiques, en raison de leur nature hypothético-déductive, produisent des vérités formelles.C'est-à-dire des formulations de relations qui ne prennent initialement en charge aucun aspect de nos expériencesquotidiennes.

Socrate soulignait que, en évoquant « cinq doigts », on pouvait bien percevoir les doigts, mais que lecinq était hors de toute appréhension sensible — et c'est précisément ce qui permet qu'on puisse l'« appliquer » àn'importe quoi (à des doigts aussi bien qu'à des chevaux ou à des amphores : ce qu'il nombre n'importe pas).

Demême, c'est parce qu'elle est initialement « vide » (sans aucun référent empirique) que toute vérité mathématiquepourra éventuellement être « appliquée » à certains aspects de l'expérience qui viendront lui fournir un « contenu »,à la condition que l'on puisse repérer dans l'expérience une relation homologue à celle que désigne la véritémathématique . [III.

Les vérités empiriques, et non scientifiques] La mathématisation des résultats scientifiques nous a habitués à penser qu'une démarche est d'autant plusscientifique que ses résultats sont transposables en formules mathématiques.

Mais une vérité empirique, telle qu'onla rencontre dans les sciences de la nature, est d'abord formulée relativement à des données expérimentales : c'estdu monde qui nous entoure qu'il est question en physique ou en chimie, c'est du vivant auquel nous appartenonsque s'occupe la biologie.Aussi les problèmes concernant l'élaboration de vérités empiriques sont-ils plus complexes que ceux qui concernentles vérités formelles.

C'est qu'il s'agit alors de faire en sorte que ce qu'elles énoncent soit en « accord » avec ledonné auquel on les réfère.

Une loi simple comme « À pression normale, le phosphore fond à 90° », fait intervenir lasignification intuitive des termes « phosphore », « pression normale », « fondre », « x degrés ».

Cette significationest déterminée par la correspondance établie entre les expressions et l'existence d'un corps chimique, desopérations (l'échauffement, la mesure de la pression et de la température) impliquant l'intervention d'instruments(donc la présence des théories qui les fondent), et des constatations (l'ébullition, la graduation en face de laquelles'arrête l'extrémité d'une colonne de mercure).

Dans ces conditions, l'esprit ne peut plus décider seul de définir lestermes sur lesquels il réfléchit : il doit tenir compte de données provenant de ce qu'il perçoit dans les phénomènes.Lorsqu'une loi scientifique est mathématisée, cela indique néanmoins que la relation qu'elle établit est la mêmequ'une relation déjà découverte mathématiquement.

Il en va semblablement pour la mathématisation des théoriesentières, et l'on constate alors qu'une théorie peut se développer en recourant simplement à des calculs purementmathématiques, sans référence au donné empirique.

Il n'en reste pas moins que ce donné devra ensuite êtredécouvert, pour que la théorie puisse être validée.

La physique théorique est ainsi toujours en quête deconfirmations empiriques lui permettant de s'affirmer comme vraie.Cette caractéristique des sciences « dures », déjà soulignée par Bachelard, se fait évidemment plus discrète dansles disciplines constituant les « sciences sociales » ou « humaines ».

Leur donné empirique concerne en effet unvécu humain qui semble irréductible à la mathématisation, parce qu'il confond les faits et les valeurs.

Si les faitspeuvent se traduire en relations mathématiques, il n'en va pas de même des valeurs, quel qu'en soit le domaine,moral — politique ou esthétique.

La vérité que l'on y élabore se trouve liée à des idéologies, à des « visions dumonde », parce que la réalité humaine implique ces dernières et s'organise à partir d'elles. [Conclusion] Si la vérité mathématique fournissait le modèle de toute vérité possible, cela indiquerait que la totalité de l'universet du vécu est réductible en structures rigoureusement logiques.

Le vécu dont prétendent rendre compte lessciences humaines, mais aussi la philosophie ou les croyances religieuses, échappe à une telle approche, etdemande en conséquence la formulation de vérités qui peuvent éventuellement décevoir le logicien, mais quiprouvent qu'il y a dans l'existence une façon de constamment échapper au prévisible et au déterminé. »

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