Les Souffrances du jeune Werther
Publié le 09/04/2013
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Après avoir achevé la seconde version des Souffrances du jeune Werther en 1786, Goethe (1749-1832) déclarait se sentir comme après une « confession générale « ; pour lui, ce roman était ce qui le sauvait de « l'issue fatale « de Werther. Mais cette oeuvre qui prend sa source dans l'expérience même de son auteur ne s'y résume pas. Même si l'on peut considérer que le héros est ici comme le double lyrique du grand poète allemand, Goethe, en prêtant ses sentiments à son personnage, a su corrélativement exprimer les aspirations de toute une génération et par là faire preuve de génie.
«
EXTRAITS
« (.
..
) mon ami ! lorsque mes yeux sont
noyés de brume et que le monde qui m'en
toure et le ciel tout entier reposent en mon
âme comme l'image d'une bien-aimée,
alors, souvent je ne suis plus que nostalgie
et je songe : ah !
que ne peux-tu ex
primer tout cela !
que ne peux-tu in
suffler au papier ce
qui vit en toi avec
tant de plénitude,
tant de chaleur
pour que cela de
vienne le miroir de
ton âme, comme
ton âme est le mi
roir du
Dieu infi
ni
! »
«
Chose étrange
lorsque j'arrivais
ici et que du haut
de la colline je
plongeais mes regards dans cette belle
vallée, tout ce qui m'environnait
m' atti
rait .
Là-bas, ce petit bois !
« Ah ! que ne
peux-tu mêler ton ombre aux siennes !
»
Là-bas, la cime de cette montagne ! «Ah!
que ne peux-tu, de là, embrasser c~tte
vaste contrée ! » Et ces collines enchaî
nées l'une à l'autre, et ces vallons
intimes ! « Oh ! que ne puis-je me perdre
avec eux !
» J'y courais et je m'en reve
nais sans avoir trouvé ce que j'espérais.
Il
en est,
hélas ! des lointains comme de
l'avenir !
Un monde immense et nébuleux
s 'étend devant notre âme, notre sensibilité
s
'y plonge et s'y perd comme notre regard
et nous aspirons à donner tout notre être
pour que la volupté d'un unique, d'un
grand, d'un magnifique sentiment nous
emplisse entièrement.
Et, hélas ! lorsque
nous y courons , lorsque là-bas est devenu
ici , tout est après comme avant, nous res
tons là dans notre pauvreté, dans nos
étroites limites et notre âme assoiffée .se
tend vers le breuvage rafraîchissant qÙi
lui a échappé.
»
« Pour la dernière fois donc , pour la.dèr
nière fois j'ouvre les yeux.
Hélas ! ils .
ne
reverront plus le soleil ; un jour trouble ~et
nébuleux les recouvre.
Prends donc mon
deuil,
ô Nature ! ...
Ton fils, ton ami, ton
bien-aimé approche de sa fin.
Lotte, c'est
un sentiment sans pareil et pourtant
proche d'un songe crépusculaire, de se
dire : voici
mon dernier matin.
Le der
nier ! Lotte, ce mot
n'a pas de sens pour
moi : le dernier ! Est-ce que je ne me
dresse pas dans toute ma force ? Et de
main
je serai étendu, sans force sur le sol.
Mourir ! Qu'est-ce que cela signifie ?
Vois , nous rêvons, quand nous parlons de
la mort.
J'ai vu mourir plus d'un être,
mais l'humanité est si bornée qu'elle
n'a
pas le sens du début et de la fin de son
existence.
Maintenant encore je suis à
moi , je suis à toi ! A toi ! Ô ma bien
aimée ! Et dans un instant séparés, désu
nis.
Comment pourrais-je m'anéantir ?
Comment pourrais-tu t'anéantir ? Ne
sommes-nous pas ? S'anéantir.
Qu'est-ce
que cela signifie
?
« ...
maintenent encore je suis à moi, je suis à toi ! A toi ! Ô ma bien-aimée ! Et dans
un instant séparés ...
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Werther a fait époque dans ma vie, c'est
"le livre par excellence".
»Mme de Staël
« Tout jeune homme aspire à aimer ainsi, /
Toute jeune fille à être aimée ainsi.
/ Hélas
!
ce désir, le plus sacré de tous,/ Pourquoi
doit-il être la source d'une violente peine
? »
Goethe, en-tête du premier livre de Werther
« Tu le pleures, tu l'aimes, chère âme, / Tu
sauves sa mémoire de la honte ;
/Vois,
de son antre son esprit te fait signe : / Sois
un homme et ne me suis pas.
» Goethe,
en-tête du
second livre de Werther
Mais, aujourd'hui encore, l'âme de Werther
n'est pas morte ; à la lumière de l'expérience
du jeune héros, notre propre comportement
amoureux peut être compris :
« La jalousie
de Werther vient par les images (voir Albert
entourer de son bras la taille de Lotte), non par
la pensée.
C'est qu'il s'agit (et c'est là
une beauté du livre) d'une disposition
tragique, et non psychologique.
Werther ne
hait pas Albert ; simplement, Albert occupe
une place désirée:
c'est un adversaire (un
concurrent, au sens propre), non un ennemi :
il n'est pas
" odieux ".
Dans ses lettres à
Wilhem, Werther se montre peu
jaloux.
»
Roland Barthes, Fragments d'un discours
amoureux
1 S ipa- Press 2, 3, 4 , 5, 6 Sipa Icono, dessi ns de Ca l vel, É dit ions Piazza, 1935 GOETHE 02.
»
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