Les sens ne sont-ils pas suffisants pour nous fournir toutes nos connaissances ?
Publié le 08/01/2013
Extrait du document
«
ce n'est pas une « connaissance », du moins pas une connaissance objective .
Or quel autre moyen avons-nous
que les
sens pour prendre acte de la réalité sans rien lui ajouter ni lui retirer (objectivement) ? Aucune idée, aucune pensée
que l'on a
dans l'esprit, même si elle est (comme on dit) « logique », c'est-à-dire rationnelle et cohérente avec elle-même (on a
vérifié
qu'elle ne se contredit jamais), ne peut être tenue pour une connaissance objective si on ne vérifie pas qu'elle se
règle aussi sur
ce que l'expérience peut rapporter à un objet réel.
C'est la réceptivité et la passivité pures de la sensibilité, de
l'expérience
perceptive qui reçoit la réalité telle qu'elle se donne, qui semblent en faire la condition indispensable d'une
connaissance
objective.
[II] [Les sens ne peuvent suffire à nous fournir toutes nos connaissances objectives]
[Transition]
On comprend alors pourquoi l'on peut être tenté de voir dans les sens ce qui suffit à nous procurer toutes nos
connaissances :
ils en sont une condition nécessaire .
Notre problème est alors de savoir si cette condition est suffisante .
Mais avant
même
d’examiner cela, il faut s'assurer que c'est bien une condition nécessaire pour toutes nos connaissances sans
exception.
[II-1] [Les vérités mathématiques ne sont pas tirées des sens mais de la seule raison]
Or, comme Leibniz le rappelle, les mathématiques sont une science qui ne tire pas ses connaissances de
l'expérience, dans la
mesure même où elle vise à établir des vérités nécessaires.
Car ce qui est véritablement nécessaire est universel,
c'est-à-dire
vaut dans tous les cas ; alors que l'expérience est précisément (c'est cela même son procédé pour s'efforcer
d'atteindre
l'objectivité de l'objet) ce qui procède cas par cas (c'est comme cela qu'elle évite la généralisation hâtive ) : elle ne
généralise
que progressivement, en répétant l'expérience.
Mais on a beau répéter l'expérience autant de fois que l'on veut, on
n'obtiendra
que du général et pas de l'universel.
La prudence méthodologique de l'expérimentaliste le revendique : la
généralisation du
résultat de l'expérience ne vaut que pour ce qui a été précisément expérimenté, puisque, selon son principe, seule
l'expérience
démontre.
Or en mathématiques, ce n'est pas le général mais l'universel qui est obtenu ; c'est qu'il est obtenu par
une
démonstration qui ne se fonde pas sur des cas et des exemples mais sur des principes qui sont plus hauts que tout,
valent
universellement, et dont la nécessité s'impose à l'esprit par elle-même indépendamment de tous les exemples et les
cas
particuliers (par exemple le principe de non-contradiction : on ne peut affirmer que la même chose soit et ne soit pas
; ou bien
encore : la partie ne peut être plus grande que le tout ; etc.).
La démonstration mathématique est « hypothético-
déductive »,
c'est-à-dire qu'elle montre que, si tel principe nécessaire est posé, telle proposition s'en suit nécessairement : elle
transfère la
nécessité absolue des principes aux propositions ainsi démontrées sans passer par des exemples.
Les objets sur
lesquels
porte la connaissance mathématique n'existent pas (malgré certaines apparences) dans la réalité à laquelle on a
accès par les
sens, mais ils sont entièrement définis et élaborés par les principes à partir desquels la connaissance de leurs
propriétés est
démontrée ; ils n'existent pas autrement, même si c'est l'observation de la réalité sensible qui a pu susciter cette
élaboration
Cned – 7PH00CTPA0112 3/5
proprement créatrice, et même si cette observation en confirme les résultats, en y correspondant constamment
(mais confirmer
n'est pas démontrer ).
[Transition]
L'existence même des mathématiques semble être la preuve la plus évidente que toutes nos connaissances, même
scientifiques, ne sont donc pas fournies par les sens.
Il est vrai que, dans la mesure où les mathématiques portent
sur des
objets qui ne sont pas donnés dans la réalité extérieure mais que le mathématicien se donne lui-même par un acte
de l'esprit de.
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