Les Sciences mathématiques : Objet et méthodes.
Publié le 05/10/2017
Extrait du document
On part d’une proposition dont la vérité est déjà établie, et l’on en tire, déductivement, par une marche, en quelque sorte descendante, la proposition dont on veut faire la preuve. C’est par excellence une méthode d’ «exposition ». On sait où l’on va. Autrement, ne distinguant pas, à première vue, de quel théorème déjà démontré il conviendrait de partir, on serait réduit à procéder par tâtonnements.
z. — Démonstration analytique.
C’est, dit-on, la vraie méthode de démonstration.
Deux formules :
A) Ou bien, supposant vraie la proposée, « remonter » jusqu’à ce que l’on parvienne à une proposition déjà connue et certaine. La vérité de la conséquence nous garantit alors la vérité de la proposée.
Mais attention ! Il faut que les différentes propositions par lesquelles on passe soient « réciproques », c’est-à-dire que, non seulement la conséquence se tire de la proposée, mais que cette conséquence ne puisse être vraie que si la proposée l’est aussi (Duhamel, 1797-1872). Et puis, cette analyse, si elle conduit bien à admettre que la proposée est vraie, ne nous montre pas pourquoi elle est vraie. Il faudra donc compléter ou contrôler (DEScARTEs) par la démonstration synthétique.
B) Aussi (toujours selon M.C. Duhamel) la meilleure formule consiste-t-elle, non pas à tirer de la proposée une série de conséquences, mais à « réduire » la proposée à une proposition de laquelle elle puisse se déduire, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on rencontre, en cette marche ascendante et régressive, une proposition déjà connue...
La proposée, supposée vraie, n’est donc pas un « principe » dont on tirerait des conséquences. Elle est tenue pour une conséquence qu’il faut rattacher à son principe.
L’analyse consiste alors, en résumé, « à établir une chaîne de propositions commençant à celle que l’on veut démontrer, finissant à une proposition connue ; et telle que, en partant de la première, chacune soit une conséquence nécessaire de celle qui la suit. D’où il résulte que la première est une conséquence de la dernière, et par conséquent vraie comme elle ». Ainsi présentée, conclut J.M.C. Duhamel, l’analyse est une méthode de réduction et peut se passer alors d’une vérification par démonstration synthétique.
I. — OBJET DES MATHÉMATIQUES.
Les mathématiques, dit excellemment G.H. Luquet (lect.) ont comme objet les êtres (i) mathématiques : quantités ou grandeurs, à savoir les nombres et les figures.
Instruments intellectuels des sciences physiques, elles peuvent être considérées en elles-mêmes, indépendamment de toute application au réel concret.
On a discuté longuement pour savoir si les notions mathématiques se rattachent à l’intuition empirique ou si elles sont a priori (*). La conciliation des deux thèses ne serait pas impossible, si l’on voulait bien se rendre compte que l’individu n’a pas à découvrir ces notions, personnellement. On les lui enseigne. Si, comme nous le pensons, elles se sont formées empiriquement, c’est dans un très lointain passé. Dès les grands mathématiciens grecs, elles- se sont progressivement détachées du monde sensible et sont devenues indépendantes du concret. Elles ont un caractère formel (*) au premier chef. Étant formelles, elles peuvent, précisément, recevoir un « contenu » (dans les applications à la physique). Mais dépassant encore la physique par leur abstraction, elles se meuvent dans un monde idéal de possibles-logiques, dont le réel n’est qu’un cas particulier. (Descartes l’avait bien vu).
II. — MÉTHODES.
Comme d’autres sciences, les mathématiques établissent des lois. Les théorèmes « énoncent des lois relatives aux êtres mathématiques, c’est-à-dire des relations constantes entre les caractères de ces êtres » (ibid.). Pour établir les propriétés cherchées, les mathématiques utilisent la déduction et l'induction.
Ces postulats furent énoncés par Newton (dans les Principes mathématiques de la physique, en 1687).
i° Principe d’inertie : « Tout corps persévère dans l'état de repos, ou de mouvement uniforme en ligne droite, dans lequel il se trouve ; à moins que quelque force n’agisse sur lui et ne le contraigne à changer d’état » ; 2° « Les changements qui arrivent dans le mouvement sont proportionnels à la force motrice et se font dans la ligne droite dans laquelle la force a été imprimée » (Proportionnalité de la force à l’accélération ; indépendance des forces ...) ; 3° l'action est toujours égale et opposée à la réaction »... (cf. Mouy, lect. p. 91). Avec ces principes, toute la mécanique classique était fondée. Il s’est constitué, depuis, une mécanique non-newtonienne, qui ne conserve plus que le principe d’inertie, — d’ailleurs généralisé et étendu aux mouvements les plus variés. La masse n’est plus considérée comme invariable. La réaction n’est plus égale à l'action, car un mouvement vibratoire ne produit aucune réaction sur sa source.
III. — LA CERTITUDE DES MATHÉMATIQUES ET LEUR VALEUR POUR LA CONNAISSANCE DE L’UNIVERS.
1. — Certitude des Mathématiques.
Écartant tout paradoxe et toute vaine subtilité, voici comment, à notre avis, doit s’entendre l’idée de certitude, concernant les mathématiques : Nous avons vu (fin du chap. III) qu’un phénomène suppose, pour se produire, un certain nombre — parfois un grand nombre — de conditions. Or, il peut advenir que toutes les conditions ne nous soient pas également décelables, ou simplement que, les connaissant, nous ne puissions les déterminer avec rigueur, les isoler, les mesurer. D’où une certaine contingence
«
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PHILOSOPHIE
DES SCIENCES
Henri POINCARÉ (r8s4-19 12) avait cependant proposé de voir,
dans le raisonnement mathématique, une forme d'induction.
C'est
ce qu'il appelait le raisonnement par récurrence.
2.
- Induction.
Avant d'exposer ce qu'il entendait par là, demandons-nous, en
nous reportant aux diverses formes d'induction précédemment
étudiées, si les mathém atiques utilisent l'induction amplifiante.
Peut
être, mais exceptionnellement ; et encore s'agit-il plutôt d'une exten
sion douteuse, problématiq ue.
FERMAT (r6oi-r66s) supposait que
tous les nombres de la forme (2, puissance 2, puissance n), plus r
sont premiers.
Erreur, comme le montra EuLER (en 1732) pour
quantité de valeurs de·n.
Par exemp le (2, puissance 2, puissance s)+ I
est divisible par 641, etc ...
Peu importe, dit LUQUET.
Constatons
que le grand FERMAT n'a pas hésité à recourir à une sorte
d' « induction amplifiante » •••
Autre exemple, également emprunté à FERMAT : Tout nombre parfait
est pair (rappelons qu'un nombre parfait est un nombre égal à la
somme de ses diviseurs, lui-même non compris.
Ex.
·: 6= 1+2 +3).
On ne connaît pas de démonstration théorique.
On n'a déterminé,
pour l'instant , que neuf nombres parfaits (le dernier est un nombre
de 37 chiff res).
Tous sont pairs.
La proposition est jugée provisoire
ment vraie ...
Mais ce sont là de simples curiosités ...
Si l'on parle d'induction en mathémat iques, ne s'agir ait-il pas,
plutôt d'inductions complètes (totalisantes) ? Celle-ci doit-elle être
exclue de l'arithrnét .ique, sous prétexte que la série des nombres est
illi mitée ? Non.
Précisément, dans le raisonnement par récurre nce,
H.
POINCARÉ s'appuie sur ce fait, que l'on peut prevoir si un nombre,
non encore construi t, possédera ou non telle propriété.
D'aill eurs, le monde mathématique contient, comme le monde
physique (LuQUET) des individus, des espèces et des genres.
Par ex.
:
le triangle rectangle est une espèce du genre triangl e, qui est lui
même une espèce du genre polygone ...
Le nombre 3 est un individu
de la classe des nombres entiers positifs, qul est elle -même une espèce
du genre des nombres ...
En conséquence, l'induction qui conclut
de l'espèce au genre peut être utilisée en mathématiques.
Dans la
démonstration du théorème relatif à la mesure de l'angle inscrit,
on épuise l'extension (•) de la classe des angles inscrits (celle des
angles inscrits dont un côté est un diamètre, ...
dont les deux côtés
sont situés de part et d'autre d'un diamètre passant par leur sommet, ...
dont les deux côtés sont situés du même côté d'un diamètre) ...
Le raison nement par récurrence .
L'arithmétique présente unè sorte spéciale d'induction totalisante,
qui repose essentielle ment sur la définition des nombres entiers
positifs.
Cette induction se compose de deux éléments également
nécessaires : 1° une constatation, ou, si l'on peut ainsi parler, une
« expérience mathématique ».
Cela consiste à vérifier qu'un nombre.
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