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Les sciences humaines peuvent-elles adopter les sciences de la nature ?

Publié le 30/01/2004

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La tentation est forte, en sciences humaines, d'imiter les méthodes des sciences de la nature, alors que celles-ci se passent très bien des sciences humaines. Peut-on prétendre à la même scientificité lorsqu'on passe de l'objet-nature à l'objet-homme ? Mais les sciences ne sont-elles pas censés constituer leur objet ? Et (c'est aussi dans le "peuvent-elles" du sujet) quelles sont les implications pratiques et morales de l'étude officiellement scientifique de l'homme ?
A un moment de l'évolution de l'univers une bifurcation est apparue, la matière inanimée a donné lieu à la matière vivante, laquelle, à son tour, a produit des organismes dotés d'un appareil psychique. Chez l'homme, cet appareil rend possible, d'une part, une activité cognitive sophistiquée basée surtout sur les possibilités du langage, et d'autre part, la liberté. L'homme, sujet connaissant et conscient de sa liberté, jouit d'une dimension morale qui l'empêche de se considérer comme une chose parmi les choses. Ainsi, la réticence à utiliser les méthodes des sciences de la nature - des procédures mathématiques et expérimentales - en sciences humaines, semble s'expliquer, avant tout, par la différence métaphysique entre le monde physique et l'homme.I - Au moins partiellement, les mécanismes qui expliquent le monde inanimé, expliquent aussi le monde humain.


« Introduction Un constat : « Une chose est certaine : c'est que l'homme n'est pas le plus vieux problème ni le plus constant qui se soit posé au savoir humain.

» (M.

Foucault, Les Mots et les choses, p.

398).

Pendant longtemps en effet, dansl'ordre du savoir, l'homme n'a pas constitué un domaine spécifique, et il a fallu une profonde réorganisation du champde la connaissance pour qu'il fît l'objet d'une science, ou plutôt d'une multitude de sciences, celles que l'on appelle «humaines ». Le problème : Mais la question se pose de savoir si, en adoptant les méthodes des sciences de la nature, les sciences humaines nous permettent vraiment de connaître l'homme dans toute sa spécificité, c'est-à-dire de savoirsi en prenant l'homme pour objet la science peut ne pas nier sa valeur de sujet, et apporter ainsi une réponsesuffisante à la question « Qu'est-ce que l'homme ? » 1.

De l'homme objet à la mort de l'homme Les sciences humaines positivistes Le modèle des sciences physiques La constitution des sciences humaines s'est faite sur le modèle des sciences de la nature.

Elle suppose parconséquent que :- l'homme soit un objet naturel comparable aux autres objets naturels.

Les sciences humaines réclament ainsi une «naturalisation » de la nature humaine (amorcée au XVIIe siècle par Descartes, Gassendi, Hobbes) ;- le domaine humaine soit un domaine indépendant ;- ce domaine obéisse à des lois spécifiques. L'homme, une chose ? La fascination exercée par le modèle des sciences physiques poussa au XIXe siècle les sciences humaines à vouloirse construire comme des sciences objectives sur les trois fondements de ces sciences physiques :l'expérimentation, la mesure, les mathématiques.

Les sciences humaines furent donc conduites à considérer les faitshumains comme :- des choses (cf.

Durkheim) mesurables et quantifia-blés.

On assiste, par exemple, à l'apparition d'une sociologie(qu'A.

Comte définissait comme une « physique sociale ») basée sur la statistique sociale, ou d'une psychologiebasée sur une psychométrie mesurant les phénomènes psychiques en intensité, en fréquence ou en durée ;- des phénomènes obéissant aux lois d'un déterminisme mécanique. Un double écueil Les sciences humaines d'inspiration positiviste prétendent donc ramener la réalité humaine à des normesexpérimentales et objectives dont elles proclament l'université.

Ce faisant : Elles réduisent l'homme à un pur objet, une chose parmi les choses, ce qu'il n'est pas puisque sa réalité dernièreest d'être sujet.

L'homme en effet n'est pas amplement un objet de la connaissance, quelque chose qui peut êtreconnu, il est le sujet de cette connaissance, celui qui connaît.

Or, en ne considérant de l'homme que ce qui estobjectivable, ces sciences n'atteignent jamais le sujet humain en tant que conscience.

Elles morcellent l'homme réduit à une chose en une multitude de fragments dont chacun fait l'objet d'une scienceparticulière.

Mais elles se révèlent incapables de reconstituer ce qu'elles ont brisé en rendant compte au sein d'unescience de l'homme unitaire.

Cette impossibilité de constituer une science unique reste d'ailleurs le problème centraldes sciences de l'homme, quels que soient leurs inspirations et leurs fondements épistémologiques. Le structuralisme Le courant structuraliste dans les sciences humaines prolonge celui du positivisme dans la mesure où il s'efforce defonder les sciences humaines sur des bases rigoureuses en prenant cette fois pour modèle le formalisme axiomatiquedes mathématiques.

L'adoption de la méthode structurale par les sciences humaines a conduit à une remise en cause radicale de l'idéede « l'homme », dans lequel on ne veut plus voir un sujet ni même un objet, mais une entité illusoire que la sciencen'a pas à expliquer ou à comprendre, mais à « dissoudre » (cf.

Lévi-Strauss.

La Pensée sauvage, pp.

326-27).

Laméthode structurale pose en effet que la structure (la totalité) préexiste aux éléments qui la composent et qui ne. »

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