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LES PENSÉES SUR LE STYLE ET LA RHÉTORIQUE CHEZ PASCAL

Publié le 04/04/2011

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Toutes les éditions des Pensées groupent sous le titre Pensées sur le style un certain nombre de fragments qui forment en quelque sorte l'Art Poétique de Pascal.    Madame Périer nous dit en effet qu'il avait une éloquence naturelle qui lui donnait une facilité merveilleuse à dire tout ce qu'il voulait, mais il avait ajouté à cela des règles dont on ne s'était point encore avisé et dont il se servait si avantageusement qu'il était maître de son style ; en sorte que non seulement il disait tout ce qu'il voulait, mais il le disait en la manière qu'il voulait, et son discours faisait l'effet qu'il s'était proposé. Nous avons, dès lors, un écho des préoccupations d'une époque, tournée nous l'avons dit, vers les problèmes de méthode; et Pascal peut paraître un artisan de cet idéal classique qui s'épanouit dans la seconde moitié du XVIIe siècle.

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« auteur et on trouve un homme (29). Pour ne pas s'égarer dans cette recherche, il est bon de suivre des modèles; les anciens peuvent alors nous servirde guides et l'auteur moderne n'aura qu'à les imiter, se bornant à chercher l'originalité dans la manière dont ilexprime les idées qu'il emprunte. Certes il n'est pas question pour Pascal d'aller chercher dans l'antiquité païenne des modèles d'apologie chrétienne;mais tous ceux qui ont écrit sur l'homme et qui l'ont peint avec vérité peuvent lui être utiles : aussi bien Epictèteque Montaigne, pourvu que nous retrouvions en nous ce que nous découvrons dans leurs œuvres.

D'ailleurs l'ordreet le style permettent à l'écrivain de manifester son originalité vis-à-vis de ses modèles. # L'ordre dans lequel sont présentées les idées est essentiel : qu'on ne dise pas que je n'ai rien dit de nouveau : ladisposition des matières est nouvelle (22). • Le style sera bon s'il présente les qualités de naturel et de simplicité que demande l'ensemble de l'œuvre : je hais également le bouffon et l'enflé (30). Cependant ni l'ordre ni le style ne doivent commander aux idées : il y a des lieux où il faut appeler Paris : Paris, etd'autres où il la faut appeler capitale du royaume (49) ; ceux qui font des antithèses en forçant les mots etc.

(27);la dernière chose que l'on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu'il faut mettre la première (19).L'écrivain ne doit jamais perdre de vue que «entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seulede nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne»...

(La Bruyère, Caractères, I, 17).

Pascal est de cet avis :l'éloquence est une peinture de la pensée ; et ainsi, ceux qui, après avoir peint, ajoutent encore, font un tableau aulieu d'un portrait (26). Pascal pourrait donc passer pour un classique hanté par les mêmes problèmes que les écrivains de la seconde moitiédu XVIIe siècle.

Il serait d'ailleurs un précurseur dans ce domaine, puisqu'il meurt en 1662, tandis que les premièresSatires de Boileau datent de 1664, le Misanthrope de 1666, Andromaque de 1667, le premier recueil des Fables de1668, l'Art Poétique de 1674 (précurseur ignoré cependant, puisque l'édition de Port-Royal ne paraît qu'en 1670 etne contient qu'un petit nombre de pensées sur le style). Mais n'est-il pas mieux qu'un styliste? et son originalité n'est-elle pas ailleurs que dans une simple question de date? Même dans les pensées en apparence les plus indifférentes, Pascal ne perd jamais de vue le but qu'il se proposed'atteindre : inquiéter le libertin et le convaincre de la nécessité de chercher Dieu.

Et cela donne à son classicismeune profondeur unique. Les contemporains de Boileau recherchent l'honnêteté parce qu'ils y voient un modèle de perfection sociale, et aussiun moyen de se faire admettre par la société la plus raffinée de leur temps.

Entre instruire et plaire, malgré leursgrandes déclarations, ils ne balancent point; et le recours à l'instruction ne vient souvent qu'après coup, lorsqu'uneœuvré soumise au public doit être défendue du reproche d'immoralité.

Ils écrivent d'ailleurs par une sorte de besoin,par cette nécessité que le génie impose aux artistes et qui les oblige à se délivrer de l'œuvre qu'ils portent en eux. Mais Pascal pense tout autrement.

Il sait que la meilleure manière de convaincre consiste à se mettre d'avance à laplace de son interlocuteur et à faire l'essai sur soi-même des arguments que l'on veut employer (15 bis).

Il est doncnécessaire de se faire « honnête homme » puisque les libertins se piquent d'honnêteté.

On pourra même alors lesassocier, sans qu'ils puissent s'en rendre compte, à la démonstration; car on se persuade mieux pour l'ordinaire, parles raisons que l'on a soi-même trouvées...

(10). Il sait aussi que plaire n'est pas une fin mais un moyen, une contrainte qu'impose à l'apologiste la faiblesse deshommes, tant la malice de la concupiscence se plaît à faire tout le contraire de ce qu'on veut obtenir de nous sansnous donner du plaisir (24). Il sait enfin que les libertins se passionnent pour les problèmes de psychologie et qu'ils aiment les auteurs naturelset vrais, autre moyen de les toucher, de leur plaire, mais aussi de les rapprocher de Dieu.

Qu'y a-t-il de plusémouvant que la peinture exacte de la condition humaine? Et la première étape de toute réforme intérieure n'est-ellepas la découverte et la connaissance de soi? Dans ces conditions, le style va jouer un rôle des plus importants.

L'apologiste devra bien peser tous ses termes, demanière à ne jamais être trahi par les mots; et la recherche de l'expression la plus juste lui sera imposée beaucoupmoins par un souci d'esthétique que par le désir de donner à l'idée sa plus grande efficacité. Mais quel ordre adopter pour présenter ces idées? Celui des démonstrations mathématiques qui enchaîne rigoureusement les propositions et qui plaît à ceux qui ontl'esprit de géométrie ? Il ne saurait convenir ni à ceux que l'on doit convaincre, ni à la chose que l'on veut. »

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