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Les pensées de Pascal, N° 103 (commentaire)

Publié le 05/04/2012

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pascal

« Il est juste que ce qui est juste soit suivi; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n'a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et dit qu'elle était injuste, et a dit que c'était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste soit fort on a fait que ce qui est fort fût juste. « Pascal, Pensées, N° 103. 

SOMMAIRE.

I. UNE DEMONSTRATION FONDEE SUR DEUX PRINCIPES EVIDENTS

.A. La justice comme vérité de droit et la force comme vérité de fait

.B. L'indépendance de la force par rapport à la justice.

C. Ce qui fait que la justice a besoin de la force.

II. L'ECHEC DE LA DEMONSTRATION D'UNE POSSIBILITE DE PENSER UNE FORCE LEGITIME.

A. Est-ce à la justice de devenir forte ou à la force de devenir juste ?

B. L'impossibilité de répondre à cette question

C. La nécessaire supercherie de la force contre la justice

pascal

« contredire.

En effet, en tant que principe rationnel, la justice consiste essentiellement dans le dire de la règle.

Ortout aussi juste et parfaitement démontrée que puisse être une règle, il est toujours possible de nier sa valeur si l'onest motivé par le seul intérêt particulier.

Donc si la justice est sans force, elle ne peut pas se réaliser car ellelaissera ses ennemis prendre le dessus par un moyen très simple et aussi vieux, sans doute, que l'existence del'homme : la méchanceté, c'est-à-dire la capacité à dire le faux et à agir contrairement au bien commun.

Aussinous sommes là au cœur de la difficulté que soulève ce texte : si la justice a besoin de la force c'est parce qu'elledoit pouvoir s'adresser à ceux qui ne la reconnaissent pas spontanément, à savoir les hommes qui sont, pourreprendre l'expression de Pascal, « des méchants ».

Sans eux, en effet, la justice n'aurait pas besoin de la force !Donc en plus d'être intrinsèquement impuissante, la justice a besoin de la force pour s'appliquer à ceux-là mêmes quiseraient susceptibles de faire un usage tyrannique de la force.

Mais inversement, nous dit Pascal, « la force sans lajustice est accusée ».

Par accuser on est en droit d'entendre qu'il s'agit de révéler son illégitimité.

Le principe detoute légitimité résidant dans la justice il apparaît que la force a bien finalement elle aussi besoin de la justice.

C'estpourquoi il semble qu'ici Pascal puisse entrevoir une solution : la force et la justice ont besoin l'une de l'autre.

Laquestion demeure de savoir alors si c'est à la justice de devenir forte ou si c'est à la force de se conformer à lajustice.

*** II.

L'échec de la démonstration d'une possibilité de penser une force légitime. A.

Est-ce à la justice de devenir forte ou à la force de devenir juste ? Pour répondre à cette question Pascal doit donc déterminer laquelle de ces deux instances est la plus clairementreconnaissable par les hommes.

Or précédemment il a montré que la justice pouvait être contredite, tandis que laforce ne peut être qu'accusée.

Quelle différence cela implique-t-il ? La justice est conformité à la règle.

Donc si elleest contredite elle est détruite, car une règle c'est quelque chose qui se dit.

Tandis que l'accusation est une actionextérieure qui n'affecte pas la chose elle-même.

C'est pourquoi finalement il est clair que la justice et la force n'ontpas du tout le même statut ontologique : l'une peut être anéantie tandis que l'autre ne peut, au pire, qu'êtreaccusée.

Alors, est-ce à la justice de devenir forte ou à la force de devenir juste ? B.

L'impossibilité de répondre àcette question En vérité il semble qu'aucune de ces deux conditions ne soit réalisable.

Rien ne peut forcer la forceà devenir juste, car seule la force a ce pouvoir de contrainte.

Ensuite « la justice est sujette à dispute » et,comme nous venons de le voir, cela suffit à la détruire.

Donc elle n'a aucun moyen de devenir forte,apparemment.

Par conséquent une seule solution serait envisageable : il faudrait que la force se force elle-même.Mais alors il faudrait qu'elle soit déjà juste.

En effet, pour que la force se contraigne à agir toujours avec justice, ilfaudrait qu'elle soit déjà consciente que c'est cela qu'elle doit faire.

Dans l'absolu cela est tout à fait concevableque des hommes forts décident d'utiliser leur force au service de la justice.

Mais c'est oublier le problèmeprécédemment vu : « il y aura toujours des méchants » et ce qui les rend ainsi qualifiables c'est justement le faitqu'ils n'utiliseront jamais la force pour réaliser la justice.

Pis que cela, il leur a toujours été loisible dans l'histoire del'humanité, de se faire passer pour les justes car la force est « très reconnaissable et sans dispute ».

C.

Lanécessaire supercherie de la force contre la justiceEn effet la force, en tant que pouvoir de contrainte, n'a jamaisbesoin de se justifier.

C'est ainsi d'ailleurs que dans toute société celui qui passe beaucoup de temps à justifierce qu'il fait passe rapidement pour un homme faible : s'il a besoin de se justifier, pense-t-on, c'est qu'il n'a aucunecapacité à assumer son autorité, sa force.

Et c'est ainsi que se noue la condition tragique de notre existence, déjàsoulevée par Platon dans la République : on fait passer le juste pour injuste et cela a pour effet immédiatque l'on sefait passer soi-même pour celui qui dit le vrai.

Pour que la force soit juste il suffit donc, conclut tragiquement Pascal, que la force accuse la justice d'être injuste.

Mais cela revient clairement à dire le faux et donc àdonner ‘raison' aux méchants.

Il apparaît donc impossible, selon la démonstration de Pascal, que la réalité politiquesoit juste. *** Pascal dans ce texte nous met vraiment dans l'embarras.

D'abord parce que la justice n'a besoin de la force qu'àcause des hommes qui ne savent pas l'observer naturellement.

Ensuite parce que ce sont ceux-là mêmes quifiniront, sans doute, par profiter de cette faiblesse qu'ils créent pour accuser le juste d'être injuste et, finalement,tel Socrate en son temps, le condamner.

Enfin l'embarras est total quand on comprend le sens général decette thèse de Pascal : La justice, finalement, ne doit certainement pas chercher à utiliser la force à son avantage,car c'est un piège qui en vérité lui est tendu par les futurs tyrans.

Ainsi toute idée d'une violence légitime telle qu'onla trouve désormais définie dans les manuels de sciences politiques n'a, selon Pascal, aucune valeur.

N'est doncjuste que ce qui s'applique aux hommes justes et, en somme, tout le reste n'est qu'un vaste bricolage impossibleet, même, douteux.. »

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