Les passions ont-elles joué un rôle dans l'histoire ?
Publié le 14/11/2005
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Introduction : Si l’historien tente d’expliquer ce qui a motivé les actes des grands hommes, il se trouve embarrassé par le fait que les actions humaines ne sont pas guidées que par des motivations rationnelles. Comment distinguer ce qui revient à la folie de Néron et ce qui est l’œuvre de sa lucidité ? Expliquer les actes de quelqu’un est quasiment impossible. On peut décrire les agissements d’une personne de l’extérieur, mais que peut on dire des raisons qui ont motivé ces actes. Si on suppose une liberté à l’homme, les motivations de ses actes ne peuvent nous être données de l’extérieur. On pourrait à la rigueur tenter de reconstruire rationnellement la raison d’un acte, mais c’est souvent la déraison qui guide les actes des hommes. Les passions poussent généralement à commettre des actes irrationnels, le passionné est celui qui agit sur des coups de tête. L’historien ne pouvant lier les faits que dans une série cohérente ne peut pas comprendre les ruptures irrationnelles introduites par les passions des hommes. D’autre part, le métaphysicien, s’il pense que l’histoire a un sens se trouve bien embarrassé s’il constate que l’histoire est faite par des fous. Deux problèmes se posent donc à nous, d’une part : comment peut-on savoir si les passions ont joué un rôle dans l’histoire ? Et d’autre part : l’histoire a t elle un sens si les passions y ont joué un rôle ? Problématique :
Les passions conduisent à des actes irrationnels, comment l’histoire pourrait elle les comprendre ?
«
" La vraie philosophie de l'histoire revient à voir que sous tous ceschangements infinis, et au milieu de tout ce chaos, on n'a jamaisdevant soi que le même être, identique et immuable, occupéaujourd'hui des mêmes intrigues qu'hier et que de tout temps : elle doitdonc reconnaître le fond identique de tous ces faits anciens oumodernes, survenus en Orient comme en Occident ; elle doit découvrirpartout la même humanité, en dépit de la diversité des circonstances,des costumes et des moeurs.
Cet élément identique, et qui persiste àtravers tous les changements, est fourni par les qualités premières ducoeur et de l'esprit humain — beaucoup de mauvaises et peu debonnes.
La devise générale de l'histoire devrait être : Eadem sed aliter(les mêmes choses, mais d'une autre manière).
Celui qui a lu Hérodote'a étudié assez l'histoire pour en faire la philosophie ; car il y trouvedéjà tout ce qui constitue l'histoire postérieure du monde : agitations,actions, souffrances et destinée de la race humaine, telles qu'ellesressortent des qualités en question et du sort de toute vie sur terre."SCHOPENHAUER
[Introduction]
Parce que l'homme vit de manière spécifique la temporalité, il a conscience del'histoire et des multiples événements qui la composent.
Faut-il, les restaurant en récit, considérer qu'ils ont en eux-mêmes du sens et qu'ils témoignent de changements intervenant dansl'humanité ? Doit-on au contraire admettre que cette dernière reste toujours semblable à elle-même, avec sespassions constantes auxquelles obéissent tous les événements, si divers puissent-ils d'abord sembler ?Schopenhauer est partisan de cette deuxième solution, qu'il affirme comme une évidence assez sombre et dont ildéduit une conséquence, concernant l'étude même de l'histoire, qui mérite d'être analysée.
[1- Permanence de l'humanité]
[A.
Le chaos apparent]L'histoire paraît se présenter comme un ensemble d'éléments dont la variété le dispute à l'incohérence : successionininterrompue de conflits et de conquêtes, drames collectifs qui escortent à travers les siècles une humanité quisemble livrée au déchaînement de toutes les passions – qu'elles soient nobles ou viles important peu puisqu'elles sesoldent toutes par des événements plus ou moins catastrophiques.Schopenhauer n'envisage d'ailleurs, semble-t-il, que les événements qui relèvent de la responsabilité humaine.
Mais,si l'on y adjoint les phénomènes naturels, la liste des tremblements de terre, éruptions volcaniques et autres raz-de-marée, le panorama n'est que plus chaotique.[B.
Un chaos durable et universel]L'énumération des événements que l'on peut effectuer recense des faits anciens aussi bien que modernes : lesconflits existent entre les collectivités depuis le début de la mémoire humaine.
Et ils sont survenus « en Orientcomme en Occident » les chroniques anciennes de la Chine ou du Japon ne se distinguent pas, de ce point de vue,de celles du Moyen Âge européen.
Seuls changent les noms des acteurs et des combattants, la forme des armures,les armements.Si l'on prétend s'intéresser aux événements moins belliqueux et à la vie quotidienne (comme le font les historiensplus récents), le même constat s'impose : les règles de mariage sont diverses, mais il y a partout des unions ; lanourriture est variable d'un continent ou d'une région à l'autre, mais on doit se nourrir partout ; la forme deshabitations n'est pas universelle, mais ce qui l'est, c'est la fonction d'habiter, etc.[C.
L'humanité est partout la même]Ce qui fait le « fond identique » de tous les événements que l'on peut ainsi archiver à l'infini (et l'on peut déjà sedemander en quoi un tel archivage serait utile : qu'apporte-t-il d'autre qu'un certain plaisir de la variété, ce qui n'estpeut-être pas d'un immense profit intellectuel), c'est une humanité qui est « partout la même » et se présentecomme « un même être, identique et immuable ».Cette identité provient des « qualités premières du coeur et de l'esprit humains », ce qui signifie nécessairementpour Schopenhauer « beaucoup de mauvaises et peu de bonnes », dans la mesure où le chaos historique nousmontre effectivement plus de malheurs que d'éléments fastes : il est bien connu que « les gens heureux n'ont pasd'histoire » !
[II - Inefficacité de l'histoire] [A.
Objections immédiates]
En affirmant ainsi le caractère anhistorique de l'humanité, Schopenhauer se distingue brutalement de tous lesphilosophes modernes qui considèrent au contraire que l'humanité se transforme au cours de l'histoire et qu'ellemodifie sa propre « nature ».Cette historicité de l'homme est considérée dès la philosophie des Lumières, notamment chez Kant : si les Lumièresconstituent précisément le moment où l'humanité accède à sa maturité rationnelle, on est en droit d'attendre qu'ellese comporte de plus en plus rationnellement, et que les événements historiques eux-mêmes affirment la réalité d'unprogrès.
Cettethèse trouve son expression la plus achevée dans le système hégélien, où l'histoire est comprise comme réalisantprogressivement la raison dans le monde – ce qui inclut nécessairement l'homme dans un mouvement général de.
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