LES PASSIONS - Malebranche
Publié le 22/01/2020
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Dégagez l’intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée.
Lorsqu’on est riche et puissant, on n’en est pas plus aimable, si pour cela on n’en devient pas meilleur à l’égard des autres par ses libéralités, et par la protection dont on les couvre. Car rien n’est bon, rien n’est aimé comme tel, que ce qui fait du bien, que ce qui rend heureux. Encore ne sais-je si on aime véritablement les riches libéraux, et les puissants protecteurs. Car enfin ce n’est point ordinairement aux riches qu’on fait la cour, c’est à leurs richesses. Ce n’est point les grands qu’on estime, c’est leur grandeur ; ou plutôt c’est sa propre gloire qu’on recherche, c’est son appui, son repos, ses plaisirs. Les ivrognes n’aiment point le vin, mais le plaisir de s’enivrer. Cela est clair : car s’il arrive que le vin leur paraisse amer, ou les dégoûte, ils n’en veulent plus. Dès qu’un débauché a contenté sa passion, il n’a plus que de l’horreur pour l’objet qui l’a excité ; et s’il continue de l’aimer, c’est que sa passion vit encore. Tout cela, c’est que les biens périssables ne peuvent servir de lien pour unir étroitement les cœurs. On ne peut former des amitiés durables sur des biens passagers, par des passions qui dépendent d’une chose aussi inconstante que la circulation des humeurs et du sang ; ce n’est que par une mutuelle possession du bien commun, la Raison. Il n’y a que ce bien universel et inépuisable, par la jouissance duquel on fasse des amitiés constantes et paisibles, il n’y a que ce bien qu’on puisse posséder sans envie, et communiquer sans se faire tort.
Malebranche
■ Pièges à éviter
- Ne soyez pas inquiet à cause de l’auteur : vous n’avez pas spécialement à connaître la philosophie de Malebranche ; seul compte votre effort pour comprendre ce texte.
- Ne pas considérer cet extrait comme prétexte à réciter un cours sur les passions.
- Ne pas chercher à rabattre ce que dit ici Malebranche sur la position cartésienne à propos des passions.

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CORRIGÉ4
• Pièges à éviter
- Ne soyez pas inquiet à cause de l'auteur : vous n'avez pas spéciale
ment à connaître la philosophie de Malebranche ; seul compte votre effort
pour comprendre ce texte.
-Ne pas considérer cet extrait comme prétexte à réciter un cours sur
les passions.
- Ne pas chercher à rabattre ce que dit ici Malebranche sur la position
cartésienne à propos des passions.
CORRIGÉ
[Introduction]
Quel lien peut sérieusement unir les hommes dans leur existence quoti
dienne? Il ne s'agit pas ici de réfléchir sur le contexte sociopolitique :
Malebranche analyse les enjeux de tout attachement, pour inviter à penser
que seule la raison est susceptible d'en produire de durables et profonds.
Avant d'avancer une telle considération, il lui faut souligner l'instabilité
des relations uniquement fondées sur des « biens passagers ».
[I.
On n'aime que ce qui rend heureux]
Les qualités apparentes d'un individu, si elles ne vont pas de pair avec
une modification de son attitude~ ne lui confèrent aucun avantage particu
lier relativement aux autres.
Ainsi, la richesse et la puissance - qui n'ont
de signification ou d'importance que par rapport à l'organisation sociale
- ne rendent pas automatiquement un sujet «plus aimable>> (== plus
digne d'être aimé).
L'individu n'attire l'amitié ou la reconnaissance que
s'il utilise cette richesse ou cette puissance pour aider autrui (libéralités
ou protection).
Ce qui est donc apprécié, c'est uniquement ce qui favorise l'intérêt ou
le bien-être du bénéficiaire.
Ce n'est, en conséquence, pas le protecteur
qui peut être considéré comme bon en lui-même : ce qu'on juge intéres
sant, c'est la protection qu'il accorde, dans la mesure où elle améliore la
situation et concourt au « bonheur » de celui qui en bénéficie.
La personne d'un protecteur, même très puissant, n'a ainsi d'intérêt
qu'en raison de la puissance qui s'y trouve attachée : cette personne, en
elle-même, ne constitue en quelque sorte que le support anecdotique de la
puissance.
Et cette puissance elle-même (il en va évidemment de même
pour la richesse, ou pour toute autre qualité socialement considérée
comme positive} ne concerne un autre homme que dans la mesure où il
35.
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- « [...] Par la même raison que nous croyons que tous les hommes reçoivent les mêmes sensations que nous des mêmes objets, nous pensons que tous les hommes sont agités des mêmes passions que nous pour les mêmes sujets [...]. » MALEBRANCHE, De la recherche de la vérité, 1674.
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