Les oeuvres d'art ont-elles une utilité ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
autrement dit la chose elle-même, va consister, selon la première interprétation, dans « ce autour de quoi...
se sontgroupées de telles qualités » (Heidegger, ibid., p.
16).
On pourra alors définir l'être de la chose comme « le supportdes qualités marquantes » de celle-ci.
En choisissant une seconde interprétation, on peut estimer que l'être de lachose réside dans « l'unité d'une multiplicité sensible donnée » (id., ibid., p.
18).
Or cette seconde interprétationnous interdit tout autant que la première, mais pour des raisons inverses, un véritable accès aux choses.
En effet, «les choses elles-mêmes nous sont beaucoup plus proches que toutes les sensations.
Nous entendons claquer laporte dans la maison, et n'entendons jamais les sensations acoustiques ou même des bruits purs.
Pour entendre unbruit pur, nous devons détourner l'ouïe des choses..., c'est-à-dire écouter abstraitement » (id, ibid., p.
18).
Quant àla troisième interprétation, elle ne nous dit pas non plus ce qu'est une chose.
Car en considérant que l'être deschoses consiste dans la connexion d'une matière et d'une forme, et en interprétant la chose comme une « matièreinformée » (id., ibid., p.
19) [c'est-à-dire une matière prise dans une forme], cette interprétation se réfère plus auproduit qu'à la chose.
Mais qu'est-ce donc alors qu'une chose ? Pour répondre fort succinctement, nous disons qu'une chose, ramassée enelle-même dans sa spontanéité, et au plus proche des hommes qui ne perçoivent en général rien d'une telleproximité, est ce qui ouvre l'homme au monde.
La chose « rassemble le monde » (id., Essais et Conférences, p.
215)ou plus exactement, c'est à travers les choses que le monde devient ce qu'il est.
Nous parlons bien de choses etnon d'objets.
En effet, c'est à partir du moment où, avec Descartes, l'homme devint le sujet par excellence que vis-à-vis de lui tout se fit objet.
L'homme qui dit « je pense, donc je suis », se représente des objets mais ne rencontrejamais les choses.
Les choses se déterminent par rapport au « Je », au sujet.
Elles ne sont plus désormais que desobjets.
C'est pourquoi il faut se débarrasser de la détermination restrictive de la chose comme objet pour pouvoirapprendre ce qu'est une chose.
Mais venons-en maintenant au produit qui peut être caractérisé comme une matièreouvragée.
Il est à noter que dans le langage courant, on parle par exemple des produits du commerce, ou même desproduits artisanaux, mais très rarement des produits artistiques.
On emploie certes l'expression de productionsartistiques, mais le mot « production » ajoute ici une nuance de création.
Le produit occupe une positionintermédiaire entre la chose et l'oeuvre d'art.
C'est bien d'abord une chose.
Mais, alors que la chose semble êtrecaractérisée par sa présence spontanée, le produit, nous l'avons vu, est une matière ouvragée.
C'est par exempleune paire de chaussures.
Résumons à présent en suivant Heidegger ce que nous a appris cette brève étude d'unechose ( le caillou trouvé au bord du chemin), d'un produit (une paire de chaussures) et d'une oeuvre d'art (letableau de Van Gogh représentant précisément une paire de souliers de paysan).
« Le produit, par exemple leproduit « chaussures », repose en lui-même comme la chose pure et simple ; mais il n'a pas la spontanéité du blocde granit.
Par ailleurs, le produit révèle aussi une parenté avec l'oeuvre d'art, dans la mesure où il est fabriqué demain d'homme.
Mais, à son tour, l'oeuvre d'art, par cette présence se suffisant à elle-même qui est le propre del'oeuvre, ressemble plutôt à la simple chose reposant pleinement en cette espèce de gratuité que la spontanéité deson être lui confère.
Cependant nous ne classons pas les oeuvres parmi les simples choses » (id., Chemins..., p.
21).
Il apparaît ainsi que la plénitude de l'oeuvre d'art n'est pas colle de la chose.
Mais en quoi au juste s'en distingue-t-elle ? « Par cette présence se suffisant à elle-même qui est le propre de l'oeuvre ».
Précisons ce point.
Une pierrese trouve au boni du chemin par exemple.
Cette pierre est là dans la plénitude naturelle de sa spontanéité.
Elle estnaturellement pleinement présente.
Mais la plénitude de l'oeuvre d'art n'est pas, quant à elle, naturelle.
Ou si l'onveut continuer à employer le mot « nature », il faut dire que dans l'oeuvre d'art la nature se fait sens.
Le tableauest ce qu'il nous montre et le poème est ce qu'il nous dit.
la présence se suffisant à elle-même du poème ou dutableau est la plénitude de la richesse du sens.
Dans ces conditions, un poète peut écrire : « L'observation et lescommentaires d'un poème peuvent être profonds, brillants ou vraisemblables, ils ne peuvent éviter de réduire à unesignification et à un projet un phénomène qui n'a d'autres raisons que d'être » (René Char, Recherche de la Base etdu Sommet).
L'oeuvre d'art n'a pas de significations qui lui seraient extérieures.
C'est dans et par la présence qui sesuffit à elle-même de l'oeuvre d'art que le sens advient.
L'oeuvre d'art nous révèle la vérité de ce qui est.
Elle estainsi, dit Heidegger, la mise en oeuvre de la vérité.
«...Sommes-nous peut-être ici, pour dire : maison pont, fontaine, porte, cruche, arbre fruitier, fenêtre, — tout auplus : colonne, tour...
? mais pour dire, comprends-le, ô pour dire tout ce que les choseselles-mêmes jamais ne pensèrent être dans leur intimité »(Rilke, Élégies de Duino, IX).
>>> SUITE DE CE CORRIGE: http://www.devoir2philo.com/dissertations/102903b.htm.
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