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Les mots disent-ils l'essence des choses ?

Publié le 12/11/2005

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Il n'y a pas de langue parfaite. Comment alors compenser ces imperfections du langage afin d'avoir tout de même accès à la réalité des choses, à leur essence, à ce qu'elles sont ? Peut-être en inventant un langage adapté à la nature de ce qu'on veut exprimer. III- Travailler les mots         A- Les imperfections du langage n'empêchent pas de dire les choses *Il ne s'agit pas bien évidemment d'inventer un nouveau mot pour désigner chaque état de la chose que l'on repère. En effet une telle solution aux lacunes du langage n'est pas viable : non seulement la quantité de mots serait multipliée à l'infini sans que lui puisse pour autant tout dire, mais surtout, qu'adviendrait-il de la possibilité de communiquer si constamment surgissaient des milliards de mots nouveaux ? *Il s'agit plutôt d'opérer un travail sur les mots déjà existants, quitte à en inventer quelques autres, mais de façon tout à fait limitée. En effet si on dit que le langage est menteur et nous cache la nature des choses, il faut alors se condamner au silence, pour ne pas trahir le réel, et pour ne pas trahir sa propre pensée. or, même Bergson qui conduit une critique très virulente du langage continue de parler et d'écrire. Il s'efforce en fait d'inventer un langage adapté à la nature de ce qu'il exprime : il substitue ainsi au langage technicien una langue poétique, qui par des images et des métaphores va suggérer de la vie intérieure sans la défigurer. Nous voyons donc que la poésie est une voie possible, mais sans doute pas unique, pour suppléer à la défaillance des mots et mieux dire ce qu'est la chose.

L'homme vit entouré d'êtres et d'objets qui lui sont extérieurs et existent en dehors de lui. Le langage est le moyen dont il dispose pour dire ce réel, pour l'appréhender et même le connaître. Mais le langage est fait de mots qui désignent chaque objet réel, chaque chose. Les mots, ces groupes de sons qui ont un sens, renvoient aux choses du monde, et permettent donc, en principe, d'avoir accès au réel.  Mais c'est imparfaitement que les mots décrivent le réel. Faut-il penser alors que les mots cachent les choses ?  Cela signifierait qu'au lieu de dévoiler la réalité et de nous livrer l'essence des choses, les mots seraient incapables de dire la richesse du réel et même seraient un obstacle à notre compréhension de ce qui nous entoure.  Pour répondre à cette question qui met en jeu les relations que nous entretenons avec les choses qui nous entourent, mais aussi avec les êtres avec qui nous vivons, il convient de nous interroger sur le rôle du langage et sur sa nature. Nous verrons donc que les mots, s'ils représentent bien les choses, ne sont pas pour autant capables de saisir l'essence de ce qui est. Pour pallier cette saisie imparfaite, tronquée et trompeuse, nous verrons aussi que le langage peut être travaillé, et nous livrer alors une vision poétique des choses, capable, contre toute attente, de nous donner à voir le coeur des choses.

« la représente par convention.

Par conséquent, avec Saussure, il ne peut plus être question du lien entre le mot et lachose, puisqu'en fait ce mot n'existe plus.

Bien sûr il reste le fait que c'est ce mot qui désigne cette chose, mais celien est purement utilitaire et n'est préservé que pour que la langue reste un moyen de communication pour tous lesmembres d'une même communauté linguistique.Pourtant ce n'est pas parce que le lien mot-chose est purement arbitraire que tout rapport du mot et de la chosedisparaît.En effet si le mot ne copie pas la chose et ne fait que la représenter par convention, il reste tout de même unecertaine interaction de l'un à l'autre.

En fait le rapport mot-chose se trouve totalement inversé.

C'est-à-direqu'avec la conception naturaliste du langage, c'était le mot qui dérivait de la chose, alors qu'avec la conceptionsaussurienne du langage comme système, c'est le mot qui interfère dans ma perception de la chose.

En effet lesmots, pour arbitraires qu'ils soient, restent mon moyen d'accès au monde.

mais parce qu'ils sont arbitraires, et nedésignent pas la nature des choses.

Ils risquent de superposer leur interprétation des choses à ce qu'est la chosedans sa réalité. II- Les mots font obstacle à mon appréhension du monde A- L'imperfection des mots *En effet, si les mots représentent le monde, et donc ne nous livrent pas un accès direct, ils sont un intermédiairequi risque de faire obstacle à notre connaissance du monde : les mots sont un outil, mais un outil imparfait.Car, si comme Saussure l'affirme, le mot ne désigne la chose que par pure convention, sans qu'il existe le moindrelien entre le mot et ce qu'est la chose dans sa nature, alors le mot ne dit rien sur la chose : il la représente mais nenous livre aucune information sur elle.

Il y aurait finalement une énorme imperfection descriptive des mots.Il est d'ailleurs clair que le mot est davantage capable de dire le général que le particulier : c'est donc ques sescapacités de description sont limitées.*C'est ce que montre Bergson en soulignant l'incommensurabilité du langage avec nos états intérieurs.

Pour Bergsonen effet, la pensée est un état continu qui se déroule dans la durée, alors que le langage est calqué sur l'espace.C'est-à-dire que les mots sont bien distincts et séparés les uns des autres, tout comme le sont les objets dansl'espace.

Les mots seraient donc des objets utiles et fidèles pour traduire le monde extérieur et répondre auxexigences de l'intelligence technicienne qui sans cesse divise, abstrait, mesure, etc...

Le langage trahit ma vieintérieure lorsqu'il prétend la traduire en mots.

En effet ma vie intérieure est faite d'états successifs, qui sedéroulent dans la durée et se fondent les uns dans les autres, sans qu'on puisse toujours bien les distinguer entreeux.

Cette incapacité du mot à dire ce que nous ressentons est dû au caractère abstrait et général du mot.

AinsiBergson affirme: "Le mot brutal qui emmagasine ce qu'il y a de commun et pas conséquent d'impersonnel dans lesimpressions de l'humanité écrase [...] les impressions délicates [...] de notre conscience individuelle.

Celles-là seulesde nos idées qui nous appartiennet le moins sont adéquatement exprimables par des mots."*On peut même aller plus loin que Bergson et soutenir que même pour dire la réalité des objets extérieurs le langageest trop pauvre.

Ainsi, si je dis "maison", tout le monde conçoit une idée générale de la maison ; mais si je veuxdécrire ma maison, je vais être obligé de multiplier les mots pour approcher de la réalité de ma maison en tant qu'elle est particulière par rapport au concept de maison.

Mais cette tâche est infinie, et jamais satisfaisante absolument.De la même façon, mon langage est capable de signifier le concept d'homme, mais mes mots sont trop limités pourdire toute la particularité de cet homme-ci par rapport à cet autre homme.

Finalement le langage est pauvre encomparaison de la richesse du réel. B- Le langage dicte ma vision des choses *Cette pauvreté du langage fait bien obstacle à mon appréhension de la réalité, et donc à ma connaissance deschoses.

Mais plus grave encore, le langage détermine en partie ma vision des choses.Car c'est dans le cadre des catégories grammaticales, sémantiques, de ma langue que je perçois le monde.

Parexemple les esquimaux qui disposent de centaines de mots pour désigner la neige voient forcément cette réalité d'unautre oeil que moi, qui n'ai à ma disposition qu'un seul mot.

Bien sûr, si je fais un effort, je pourrai sans doutedistinguer tous les états de neige que les esquimaux eux-mêmes distinguent.

Mais justement, il faudra mecontraindre là où les esquimaux voient les choses spontanément, parce que grâce à la richesse de leur langue ilsdisposent déjà d'une sorte de pré-découpage de la réalité "neige".*Est-ce à dire qu'il y a des langues plus riches que d'autres, moins imparfaites ? Sans doute, mais il est à peu prèscertain que les plus grandes capacités descriptives d'une langue sur un point donné sont compensées par deslacunes concernat d'autres aspects du réel.

Il n'y a pas de langue parfaite.Comment alors compenser ces imperfections du langage afin d'avoir tout de même accès à la réalité des choses, àleur essence, à ce qu'elles sont ? Peut-être en inventant un langage adapté à la nature de ce qu'on veut exprimer. III- Travailler les mots A- Les imperfections du langage n'empêchent pas de dire les choses. »

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